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Appliquer sans raisonner ?

Rédigé le Lundi 23 Mars 2015
La question de Alexandre A.

Bonsoir,

Je ne comprends pas comment peut-on avoir une foi absolu sans démonstration rationnelle (car l'homme doit utiliser sa raison pour étudier, avancer et s'élever), notre peuple ne se base pas sur les paroles d'un homme comme les autres religions.

Nous n'avons pas voulu croire, nous avons voulu voir, et comme la Torah le dit, notre D.ieu s'est dévoilé aux Bné Israël, alors je comprends qu'à l'époque il était plus facile d'appliquer la Torah lorsque nous savions à coup sûr qu'il s'agissait des lois de D.ieu. Peu importe la complexité des écrits et des commandements, ceux-ci provenaient de l'Eternel et ils ne pouvaient douter.

Cependant, aussi fou et incompréhensible soit-il, après avoir vu D.ieu, notre peuple créa un veau d'or.

Je ne sais quoi dire concernant cet épisode, qui semble illogique au possible. Après avoir eu l'honneur et un miracle tel que l'apparition de D.ieu, notre peuple devient idolâtre... mystère !!

Aujourd'hui, nous sortons d'un épisode dramatique qui est la Shoa, et nous sommes censés croire et nous taire sans poser de questions ?

Une génération de notre peuple a vu D.ieu et est tombée dans l'idolâtrie.

Nous concernant, nous sortons de 2000 ans d'exil, chassés et pourchassés durant toutes ces années, nous avons perdu 6 millions de nos frères il y a moins d'un siècle, et maintenant nous devons croire sans comprendre ?

Certes, je sais qu'il y a une justice après la vie, mais sur cette terre, nous ne l'avons pas forcément vu, on a payé un très très très lourd tribut toutes ces années, je ne comprends pas le dessein divin et c'est normal. Mais je ne peux croire sans réfléchir et analyser.

Si j'étais né bouddhiste ou musulman, j'appliquerai sans raisonner ?

Me concernant je ne pense pas, j'ai la chance d'être né juif, mais je ne compte pas appliquer bêtement ma religion, je veux comprendre, je sais qu'il y a des choses que nous ne pouvons comprendre, mais nous avons une raison et nous devons analyser les choses.

La réponse de Rav Avraham KADOCH
Rav Avraham KADOCH
167 réponses

Monsieur bonjour,

Si vous désirez véritablement recevoir des réponses aux différentes questions que vous énoncez et qui semblent réellement vous tracasser, alors nous pourrons, ensemble, essayez d’entamer un travail de réflexion qui parviendra, je l’espère, à votre apaisement.

Vos questions sont fondées et réelles, et la Torah, évidemment, y répond. Je n’aurais pas la prétention de vous donner une réponse exhaustive à vos questionnements, mais essayons de réfléchir, ensemble…

S’il existe effectivement une notion de “Na’assé Vénichma’“ (fais et tu comprendras) dans la Torah, et notamment précisément lors du don de la Torah, celle-ci a été énormément dénaturée et incomprise par la plupart des lecteurs. Effectivement, comment est-il possible de faire si on ne connaît pas précisément l’injonction qui nous a été donnée ? Il est donc clair que les juifs avaient reçu (dans le sens de transmission et explication par Moché Rabbénou) la Torah et qu’Hachem leur demandait de l’appliquer même s’ils ne percevaient pas TOUTE la dimension de cette compréhension. De plus, il serait vraiment enfantin de croire qu’Hachem nous demande d’appliquer Ses ordonnances sans rien comprendre, ni même se poser la moindre question. Tout au contraire, comme vous le savez, les milliers de pages du Talmud et les centaines de milliers de livres écrits depuis plus de 2000 ans par les juifs, ne sont que le reflet de ces permanentes, concrètes et profondes questions que se posent sans cesse les juifs afin de mieux comprendre les commandements d’Hachem. Existe-t-il sur terre un “Peuple du Livre“ plus prolifique que le nôtre ?!…

Concernant la faute du veau d’or : premièrement ne jamais oublier que ce ne sont pas les juifs qui ont fait cette idole mais le ‘Erev Rav (qui était composé des Égyptiens qui ont voulu rejoindre le peuple juif et envers lequel Hachem avait expressément demandé à Moché de ne pas les prendre car ils feraient fauter les nôtres. Moché, par mesure de protection pour les siens, souhaitant que le courroux d’Hachem retombe sur ces étrangers et non pas sur ses proches, n’écouta pas ce conseil… Jusqu’à aujourd’hui nous en payons les conséquences…). Cependant, la faute incombant au peuple juif était d’avoir “laissé faire“ cette idole au sein de notre peuple en ce jour si Saint et si attendu par toute la Création.

Cela reflétait en fait un manque de perfection chez eux, et une façon de “glisser“ indirectement vers une certaine permissivité. Ils craignaient que les commandements reçus allaient entraver une certaine forme de “liberté“, ne réalisant qu’au contraire Hachem leur ouvrait en grand les portes du véritable Bonheur, rencontré sur cet unique chemin de rattachement à D.ieu !

Et bien qu’ils avaient eu le mérite lors du don de la Torah d’observer tout l’organigramme de ce monde et la façon dont Hachem agit ici-bas (le ciel s’était ouvert et avait dévoilé tous les mondes supérieurs) – je tiens cependant à préciser qu’ils n’ont pas vu D.ieu car nul homme ne peut Le voir et vivre, mais uniquement une certaine conduite de D.ieu sur terre leur avait été dévoilée –, ils n’avaient cependant pas les Kélim (moyens spirituels) pour supporter une telle révélation et conserver leur intégrité.

Rabbi Na’hman pose alors la question : « Pourquoi leur donner alors une telle révélation s’ils n’avaient pas les moyens de la supporter ? ». Et de répondre : premièrement justement pour leur donner les “13 attributs de miséricorde“ qui seront octroyés à Moché Rabbénou lorsqu’il ira demander le pardon après la faute du veau d’or. Ces attributs étant la clé de la pérennité éternelle du peuple juif. Grâce à eux, seul ce peuple possède le moyen pour être véritablement et absolument pardonné lorsqu’il fait Téchouva. Cadeau qui n’a été octroyé qu’à un seul peuple sur terre, et raison pour laquelle tous les autres empires et nations ont disparu de la surface de la terre en dépit des civilisations extrêmement plus étendues et plus puissantes que celles de notre peuple (Babylonie, Égypte antique, Grèce antique, Rome etc.).

La deuxième réponse se trouve dans un ‘Hidouch extraordinaire du Rambam, justement concernant les versets où Hachem demande à Moché de venir se présenter devant Lui, et cela aux yeux de tout le peuple juif. Nous dit le Rambam : « Tout le don de la Torah et sa mise en scène n’ont été ordonnés uniquement pour que les juifs aient Foi en Moché Rabbénou !!! »

Ce qui veut dire que nous devons comprendre qu’il existe un Tsaddik d’un niveau incommensurablement plus élevé que tous les autres enfants d’Israël, et qui a fait le travail nécessaire afin de parvenir à une perfection intérieure, et surtout une humilité extrême, qui lui permet, lui seul, de pouvoir retransmettre les paroles d’Hachem. C’est lui et lui seul, après avoir serpenté tout le labyrinthe de la Vie, qui pourra nous guider vers Hachem, pour peu que nous ayons l’humilité et la volonté de le suivre...

[Et c’est, comme par hasard, justement sur ce point que les nations vont essayer d’usurper le rôle fondamental et déterminant de notre peuple pour toute l’humanité et l’histoire de ce monde. À savoir, eux aussi vont prétendre posséder un tel prophète mais sans en rien réaliser qu’ils allaient complètement, contrairement à leur volonté première, retarder l’achèvement des événements vers la reconnaissance d’un D.ieu unique pour toute l’humanité. De leur côté, c’est tout au contraire l’orgueil exacerbé de vouloir être et s’imposer en tant que Peuple Élu qui va les faire aboutir à la création de religions nouvelles – alors que la Torah ne parle jamais de ce mot de “religion“, mais uniquement de Chemin de Vie, car le mot TORAH veut dire “cheminement“... vers Hachem – qui ne feront qu’engendrer persécutions et guerres en tout genre afin d’asseoir leur “suprématie“ usurpée…]

Autre point : les grands miracles n’ont jamais véritablement réussi à faire avancer l’humanité. Comme vous l’avez mentionné, même durant les événements les plus grands, le peuple juif est retombé dans les fautes les plus graves. C'est au contraire lorsque l’on arrive à voir la main d’Hachem “cachée“ dans les événements de l’Histoire que l’on parvient véritablement à jouer son propre rôle et s’emplir d’une joie inégalée. C’est justement à Pourim, lorsque les juifs ont pris conscience (se soumettant enfin à la perspicacité d’analyse du Tsaddik Mordékhaï) que tous les événements étaient minutieusement organisés par D.ieu, qu’ils acceptèrent, tous ensemble, de revenir vers Lui et accomplir tous Ses préceptes (la Loi orale). C’est à ce moment-là que l’Homme atteint le plus grand bonheur et rattachement avec le divin.

Nos Sages nous expliquent qu’il existe dans chacun des commandements, qui sont rattachés aux devoirs du cœur, deux dimensions. La première, la notion de Kabala (réception), et la deuxième décrite par la notion de Hitbonénout (réflexion).

Prenons un exemple : la Torah demande d’avoir Foi en D.ieu. Il semble évident que la notion de Foi n’est pas une notion statique, mais au contraire une dimension qui doit se travailler tout au long de la vie de l’être humain. Au départ, l’enfant reçoit de ses parents, qui ont reçu de leurs parents, qui ont reçu de leurs parents etc., la notion simple et immuable de Foi en D.ieu. Plus tard, l’adolescent réalisera que le monde dans lequel il vit est extrêmement complexe et extrêmement grand, il trouvera même dans l’infiniment petit une Sagesse inégalée. Il devra alors, par sa réflexion personnelle et la maturité de son cerveau, analyser tous les phénomènes, à la fois physiologiques, biologiques, astronomiques…, afin de réaliser concrètement qu’il existe un Créateur à tous ces phénomènes. Si ce travail est effectué de façon sérieuse et réfléchie, il permettra alors à cette personne de mieux concrétiser cette Foi en D.ieu et de ressentir, par la même, la notion d’Amour et de Crainte envers son Créateur. En effet, il réalisera combien le Maître du monde lui prodigue de bienfaits, lui pourtant infime particule dans cet univers de Sagesse. Cette notion de reconnaissance lui permettra, plus tard, de réaliser également que si D.ieu lui donne la vie dans ce monde, c’est qu’il en vaut la peine et qu’il est aimé par son Créateur qui attend de lui une mission bien précise qu’aucun autre être humain ne peut effectuer sur terre. Il devra alors réaliser qu’en fait il n’est pas un corps dans lequel D.ieu lui a insufflé une âme, mais qu’au contraire il est en fait une âme... revêtue d’un corps physique. Cela lui demandera automatiquement une dimension totalement différente dans son Service Divin et dans tous ses actes quotidiens.

Ainsi, nous comprenons que même concernant une Mitsva aussi basique que celle de la Foi, Hachem attend de nous une véritable réflexion, qui se doit d’être proportionnelle aux capacités de réflexion qu’Il nous donne. Cela est d’ailleurs très bien retranscrit dans l’axiome que le Ramban avait l’habitude de répéter : « L’Homme n’a de Foi que dans ce dont il a connaissance… »

Les événements vont aussi faire partie du travail intérieur d’une personne. Parfois heureux, parfois beaucoup plus difficiles… Cependant, la Torah nous met en garde de choisir le chemin qu’Hachem nous “ordonne“ de suivre, et ce, afin de ne pas provoquer des événements tragiques ou malheureux.

Au début des années 30, le ‘Hafets ‘Haïm exhortait la masse juive “émancipée“ de revenir sur le droit chemin et de respecter le Chabbath, la Cacheroute, et tous les commandements de notre Sainte Torah. À cette époque, les Masskilim se riaient de lui, se voyant au contraire beaucoup mieux “intégrés“ du fait d’avoir atteint les plus hauts niveaux de l’aristocratie allemande. En dépit des discours où il annonçait une très tragique et cruelle Shoa imminente, les oreilles de la grande majorité du peuple juif restaient bouchées. Les conséquences ne tardèrent pas à arriver, nous les connaissons tous… Et lorsque les gens de demander : « Où était D.ieu à ce moment-là ? », le ‘Hafets ‘Haïm nous avait pourtant déjà répondu : « Il ne se trouvera pas sur le chemin du mensonge et de la “mort“ - agissements contraires à la parole divine - sur lequel Ses propres enfants se laissent entraîner vers l’ennemi cruel ». Malheureusement, c’est tout le peuple entier, comme un bateau qui se met à chavirer, qui sera touché, y compris les religieux, y compris les grands Rabbanim, et surtout y compris les enfants innocents...

Nous devons réaliser que le peuple juif est une seule et même entité, une seule et même galère possédant 600 000 rames que nous devons, tous ensemble, faire parvenir à bon port…

En espérant vous avoir un peu aidé...

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