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Matsa Chemoura : obligation ou recommandation ?

Rédigé le Mercredi 13 Avril 2016
La question de David P.

Boker Tov,

J'ai vu dans le Yalkout Yossef une contradiction concernant les Matsot Chemourot.

En effet, il est écrit que l'on doit utiliser pour le premier soir du Séder des Matsot Chemourot, mais, plus loin, il est écrit que l'on s'acquie a posteriori de la Matsa Mtisva par la consommation de Matsa fabriquée à la machine.

D'après le ton général de ce chapitre consacré à la Matsa, il me semble que la Matsa Chemoura demeure une obligation - pour le premier soir du moins -, mais dans le dernier paragraphe, le Rav Its(hak Yossef laisse penser à une simple recommandation.

Qu'en est-il ?

Merci.

La réponse de Rav Gabriel DAYAN
Rav Gabriel DAYAN
38346 réponses

Bonjour,

Apparemment vous faites allusion aux pages 379, 380, et 401 du Yalkout Yossef [édition 5748].

Je n'y ai pas trouvé de contradictions. Il est simplement stipulé qu'en cas de force majeure, il est possible de bénéficier de certaines dérogations.

Afin de bien comprendre ce qui est dit dans les références précitées, lisez ce qui suit :

1. Qu'est-ce que la Matsa Chemoura ?

La traduction littérale du mot "Chemoura" est : surveillée, gardée, protégée.

En effet, la fabrication de la Matsa exige beaucoup de sérieux et une compétence exceptionnelle, afin de garantir une Cacheroute indiscutable, à savoir, aucun risque de fermentation de la pâte, à chaque étape de la fabrication des Matsot jusqu'à la sortie du four.

Bien entendu, pour cela, il est nécessaire que la fabrication de la Matsa soit surveillée par des professionnels.

En d'autres termes, cette surveillance a pour but d'éviter un processus de fermentation de la pâte utilisée pour la fabrication de la future Matsa.

Ce qui vient d'être expliqué est valable pour les Matsot consommées durant toute la fête.

Mais pour celles qui sont consommées le soir du Séder [ou tout au moins, la première quantité de 30g, consommée au début du repas, les 30g du Korekh et de l'Afikoman], il y a une exigence supplémentaire :

Cette surveillance doit être réalisée avec une pensée et une intention bien particulières : "Je fabrique les Matsot que la Torah exige de consommer le soir de Pessa'h". Sans cela, la Mitsva n'est pas valable.

Cette Halakha est d'une importance majeure, elle a son origine dans un verset de la Torah, dans le Talmud et dans les écrits des décisionnaires.

2. Les Matsot consommées le soir du Séder

Pour que la Mitsva consistant à consommer de la Matsa le soir de Pessa'h soit valide, il est indispensable que les personnes participant à la fabrication, aient une certaine pensée au cours de certaines opérations durant la préparation de la Matsa.

Cette pensée consiste à avoir à l'esprit que les Matsot sont surveillées [Chemourot-pluriel de Chemoura] et fabriquées dans le but d'être consommées le soir de Pessa'h, afin d'accomplir la volonté de notre Créateur dans la Torah.

Tout au long de l'année, il est possible de trouver des Matsot sur les rayons des épiceries. Ces Matsot ne peuvent pas être utilisées le soir du Séder, parce qu'elles ne sont pas fabriquées et surveillées dans l'intention d'accomplir la Mitsva d'en consommer le soir du Séder. D'autre part, elles sont sûrement 'Hamets puisqu'elles ne sont pas fabriquées pour être consommées durant Pessa'h.

En-dehors d'Israël, cette exigence est en vigueur le deuxième soir également.

A partir d'une certaine étape dans le processus de fabrication de la Matsa, chaque opération doit être accompagnée de la pensée suivante :

"Cette opération est réalisée dans le but de fabriquer les Matsot pour la Mitsva d'en consommer durant le soir de Pessa'h, afin d'accomplir la volonté de notre Créateur (consommer de la Matsa)".

D'après certains décisionnaires, il suffit d'y penser au début de la production en sachant que cela se rapporte à toutes les opérations à venir, jusqu'à la sortie du four :

"Toutes les opérations que je réalise aujourd'hui, sont dans le but de fabriquer les Matsot pour la Mitsva d'en consommer durant le soir de Pessa'h, afin d'accomplir la volonté de notre Créateur".

D'après certains décisionnaires, il est préférable de prononcer clairement la phrase précédente. Si l'on y a pensé sans le dire, les Matsot sont valables.

3. Les différentes catégories de Matsa Chemoura

Pour accomplir la Mitsva de consommer la Matsa de la manière la plus parfaite, il est nécessaire que les personnes aient à l'esprit la pensée rapportée dans le paragraphe précédent, depuis le moment de la moisson [Micha'at Ketsira].

D'après certains décisionnaires, il suffit de penser ainsi, à partir de la mouture du blé [Micha'at Te'hina].

De nos jours, les différentes autorités rabbiniques produisant de la Matsa Chemoura, s'efforcent toutes de suivre le premier avis, afin de permettre à l'ensemble de la communauté, un accomplissement des Mitsvot irréprochable.

4. Est-il obligatoire de consommer uniquement de la Matsa Chemoura durant Pessa'h ?

Comme nous l'avons mentionné précédemment, cette exigence de consommer de la Matsa Chemoura, est en vigueur uniquement pour le soir du Séder [pour la première quantité de 30g, consommée au début du repas, les 30g du Korekh et de l'Afikoman].

Cependant, étant donné que la fabrication de Matsot garantissant une Cacheroute de haut niveau (sans aucun risque de 'Hamets - fermentation interdite) n'est pas une entreprise facile, il est préférable [conseillé] de consommer uniquement de la Matsa Chemoura durant toute la fête.

5. En conclusion :

1. Durant Pessa'h, il est interdit de consommer du 'Hamets, mais il n'est pas obligatoire de consommer de la Matsa.

2. Le soir du Séder, c'est une Mitsva de consommer de la Matsa.

3. Les Matsot consommées durant la fête doivent être propres de toute fermentation interdite.

4. Une partie des Matsot consommées le soir du Séder doit non seulement être sans aucun risque de fermentation interdite, mais également fabriquée par des personnes spécialisées, sachant avoir la pensée adéquate au moment de la production.

5. Si l'on ne possède pas de Matsa Chemoura, on peut suivre l'avis du Choul'han 'Aroukh selon qui, en cas de force majeure, il est possible d'utiliser de la "Matsa ordinaire" [fabriquée à base de farine achetée des non-juifs]. Bien entendu, à condition d'être certain que la farine ainsi que la Matsa sont totalement propres de toute trace de 'Hamets [ceci est presque impossible]. Dans une telle éventualité, il est possible de réciter la bénédiction "Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou 'Al Akhilat Matsa", sur la Mitsva de consommer la Matsa en question. S'il y a le moindre doute sur la Cacheroute de la Matsa, il n'est pas possible de la consommer durant Pessa'h.

6. Les "Matsot-machine" ou "à la main", que préférer ?

Depuis des millénaires, nos ancêtres ont accompli la Mitsva de consommer la Matsa en la fabriquant manuellement.

Les "progrès de la mécanisation" ont été mis au service du culte dans plusieurs domaines, c'est ainsi que, depuis plusieurs décennies, on assiste à une industrialisation ultra-moderne de la fabrication des Matsot.

Certains décisionnaires s'y sont alors opposés, alors que d'autres se sont montrés beaucoup plus tolérants et permissifs.

Voici quelques arguments rapportés par les différents partis :

Contre : Il est très difficile de nettoyer correctement les machines, ce qui entraîne automatiquement une fermentation interdite de certains bouts de pâte qui se mélangeront forcément au Matsot de la chaîne de fabrication.

Pour : De nos jours, il est facile de remarquer que les machines ne posent plus tellement ce problème.

Contre : La rapidité de la main d'œuvre humaine ne pourra jamais égaler celle des machines, ceci est un facteur essentiel, à prendre en considération dans la fabrication des Matsot.

Contre : La machine ne peut pas avoir la pensée indispensable au moment des différentes étapes de la fabrication.

Pour :

1. Il suffit pour cela que la personne responsable y pense au moment de la mise en marche des machines.

2. La pensée dont il s'agit ne se rapporte pas à l'action de fabriquer, mais à l'action de surveiller, or, il est tout à fait possible d'avoir la pensée adéquate en surveillant le processus de fabrication d'une quelconque machine. En d'autres termes, c'est l'auteur de l'action de surveiller qui doit avoir la pensée en question, celui qui produit la Matsa peut également y penser, mais cela n'est pas indispensable.

Contre : En fabriquant les Matsot à la main, il est possible de constater si des graines de blé provenant de la farine se trouvent dans la pâte, ce qui n'est pas le cas, lorsque toutes les interventions sont réalisées par une machine "insensible".

Pour : Ceci est un cas extrêmement rare. Même dans une telle éventualité, la Halakha sait gérer un tel problème.

Contre : Les bras des mixeurs utilisés dans les usines chauffent énormément la pâte, étant donné la puissance du malaxage. Dans une telle éventualité, le processus de fermentation est fortement accéléré, ce qui nécessite une vigilance particulière [la chaleur accélère le processus de fermentation de la pâte].

Pour : Ce risque est facilement évité, puisque, de nos jours, les cuves contenant les pâtes sont allongées et les bras des mixeurs ne sont plus placés à la verticale mais à l'horizontale. Ceci empêche l'échauffement de la pâte.

Contre : Dans les fours classiques pour fabrication manuelle, la durée de cuisson d'une Matsa ne dépasse pas les 15-30 secondes étant donnée leur température très élevée. Par contre, dans les fours industriels, la température est beaucoup moins importante puisque les Matsot se trouvent sur des tapis roulants, ayant une longueur atteignant parfois les 30 mètres. C'est uniquement en arrivant à la fin de cette longue distance [au bout de 2 minutes] que la Matsa est censée être cuite à point. Si l'on augmente la température, les Matsot sont carbonisées dès le tiers du parcours.

Pour : Ce problème est résolu puisque la chaleur des fours utilisés atteint les 500-600 degrés [température égale aux fours classiques pour fabrication manuelle].

De nos jours, la consommation des "Matsot-machine" se fait de plus en plus fréquente, alors que dans certains milieux, on les consomme uniquement, une fois que la fête de Pessa'h est terminée.

D'après certains décisionnaires, il n'est pas possible de les consommer pour accomplir la Mitsva durant le Séder, mais il est possible de les consommer durant la fête, si l'autorité rabbinique responsable de la fabricatio, garantie une qualité irréprochable. Voir Or Létsion, volume 3, chapitre 11, question 6.

L'auteur du Pisské Techouvot, chapitre 460, a regroupé tous les avis concernant les Matsot en question.

Qu'Hachem vous protège et vous bénisse.

Mékorot / Sources : Or Letsion, Pisské Techouvot.
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