Nous vivons dans une société très tournée vers l’avenir. En raison des avancées technologiques et scientifiques de notre ère, les modes de vie des décennies précédentes sont perçus comme arriérés et peu attrayants. Tout en reconnaissant et en accueillant les nouvelles opportunités offertes par ces progrès technologiques, la Torah souligne la nécessité de témoigner d’un respect profond pour le passé. Dans cette optique, un Juif de Torah n’affiche aucun mépris envers ses ancêtres en les considérant comme « rétrogrades », mais il reconnaît au contraire qu’il peut largement apprendre d’eux.

Cette vision du monde est ce qui sous-tend notamment la prescription d’honorer nos parents, grands-parents et les anciens. On peut néanmoins se demander : « De quelle manière nos parents sont-ils si spéciaux que nous devons les honorer ? » 

Le judaïsme nous enseigne qu’un moment central de l’histoire du monde a été le don de la Torah au Mont Sinaï. Ce moment a été fondamental : le monde a été exposé pour la première fois à la source ultime de la sagesse, la Torah. La génération qui a directement vécu la Révélation est appelée la « génération de la sagesse », la première génération à avoir été exposée à la Torah. Depuis ce moment-là, la Torah orale et écrite a été transmise de père en fils grâce à une chaîne qui remonte au Sinaï. En conséquence, tout au long de l’histoire, chaque génération s’éloigne du Don de la Torah. De ce fait, les plus jeunes sont censés considérer leurs parents comme plus proches de la chaîne de sagesse remontant au Sinaï et à les honorer en conséquence.

Un autre aspect de l’insistance de la Torah sur le respect dû aux parents : elle met en valeur l’expérience de la vie. A une époque où la nouveauté est en vogue (comme l’indique par exemple la victoire de Barak Obama aux primaires des Démocrates), la valeur de l’expérience peut être minimisée. Mais vivre différents événements et endurer les hauts et les bas de la vie enseignent de précieuses leçons de vie. Certains peuvent avoir tendance à rejeter leurs parents, les jugeant rétrogrades et très loin de constituer une source de sagesse ! Mais si nous adoptions une autre attitude par rapport à nos parents, on pourrait beaucoup apprendre d’eux. 

L’un des grands Richonim,[1] le Séfer Ha’hinoukh, cite une autre raison à cet ordre. Il écrit : « L’homme doit se montrer reconnaissant envers ceux qui lui ont prodigué du bien, et ne doit pas se conduire de façon ingrate envers ses bienfaiteurs, car ce sont là des défauts graves…De plus, un homme doit être conscient que son père et sa mère l’ont mis au monde, et en conséquence, il convient qu’il les honore et les comble de bienfaits à son tour, eux qui n’ont épargné aucune peine pour l’élever lorsqu’il était enfant. »[2]

Nous avons expliqué par le passé que l’un des rôles clé des commandements est de pousser l’homme à progresser et à améliorer ses traits de caractère. Le Séfer Ha’hinoukh nous expose que la Mitsva d’honorer ses parents aide l’homme à développer un trait de caractère essentiel : la gratitude. Il est très facile de s’habituer à recevoir des autres au point d’agir comme si nous le méritions- c’est l’une des causes de l’ingratitude. Les personnes à qui nous devons sans conteste le plus de gratitude sont nos parents, il serait impossible d’énumérer le nombre d’actes de bonté qu’ils ont effectué pour nous tout au long de notre vie. Comme le Séfer Ha’hinoukh le relève, leur bonté envers nous lorsque nous étions très jeunes est en soi une raison de leur témoigner une immense gratitude. Nous sommes venus au monde sans défense, et nos parents ont enduré un immense sacrifice personnel dans le but de nous nourrir, de nous vêtir et de s’occuper de notre éducation.

On pourra argumenter que nos parents ne sont pas réellement remarquables - ils peuvent s’être montrés critiques ou nous avoir poussé à adopter un mode de vie qu’on ne souhaitait pas suivre. Voici deux points qui peuvent être abordés par rapport à cet argument : 

1. Même s’il y a une part de vérité dans ces griefs, néanmoins l’obligation de faire preuve de gratitude pour les nombreux bienfaits qu’ils ont faits pour nous, demeure.

2. La raison principale pour laquelle nous devons honorer et respecter nos parents est qu’ils nous ont donné le plus beau des cadeaux, celui de la vie. Même si nous avons le sentiment qu’ils n’ont pas été de bons parents, nous leur devons une immense dette de gratitude pour nous avoir donné la chance de faire l’expérience de la vie.

La Mitsva d’honorer nos parents est un outil clé pour nous aider à devenir plus reconnaissants - un bon exercice pour développer notre gratitude est de dresser une liste de certains des bienfaits qu’ils nous ont octroyés.


[1] Richonim signifie « les premiers commentateurs ». Les Richonim ont vécu entre les années 900 et 1500 avant l’ère vulgaire.

[2] Séfer Ha’hinoukh Mitsva 33.