Le 33eme jour du ‘omer, qu’on appelle en hébreu Lag ba’omer, lag étant formé de deux lettres, lamed et guimel dont les valeurs numériques sont respectivement 30 et 3, est un jour très important pour le peuple juif. En effet en ce jour, Rabbi Chim’on bar Yokhaï, l’auteur du Zohar, le livre de la Splendeur, et l’un des plus grands tsadikim qu’ait compté le peuple juif, a quitté ce monde.

Et ce jour est devenu un jour de réjouissances, puisque des centaines de milliers de juifs se rendent en pèlerinage sur sa tombe, et là pendant une nuit entière dansent (bien entendu, il ne s’agit pas de danses mixtes mais de danses empreintes d’une intense ferveur religieuse), mangent et boivent en l’honneur du tsadik.

Mais n’y-a-t-il pas ici une contradiction ? la mort d’un tsadik est une chose triste… Ceci est d’autant plus vrai que le jour de la mort de Moché rabbénou, le 7 adar, est considéré comme un jour de deuil. Alors qu’est-ce qui explique cette différence d’attitude à propos d’un évènement semblable ?

Il est rapporté dans Idra Zouta, parachat Haazinou, que Moché rabbénou a pleuré le jour de sa mort, car il aurait voulu entrer en erets-Israël, alors que Rachbi (initiales de Rabbi Chim’on bar Yokhaï) s’est réjoui le jour de sa mort. D’autre part, Rabbi Chim’on bar Yokhaï a demandé expressément qu’on se réjouisse le jour de sa mort.

A notre humble niveau, nous souhaiterions comprendre pourquoi. Nos Sages nous enseignent dans les écrits kabbalistiques que lors du décès de Rabbi Chim’on bar Yokhaï, sa néchama (âme) est montée au ciel et s’est unie de manière mystique aux mondes supérieurs. Cette union mystique est considérée comme un mariage. De là vient donc l’habitude de célébrer en ce jour une hiloula qui signifie mariage en araméen, sur la tombe de Rachbi.

D’autre part on peut se demander pourquoi l’on allume des madourot (des grands feux de plusieurs mètres de haut parfois) lors de Lag ba’omer. Dans le livre du Zohar, il est rapporté que le jour de la mort de Rabbi Chim’on bar Yokhaï, sa maison était entièrement entourée de feu ; Il ne s’agit pas ici d’un feu terrestre qui aurait tout brûlé, mais bien d’un feu céleste qui ne consume pas  à l’image du feu qui illuminait le buisson ardent, tel qu’il était apparu à Moché rabbénou. En souvenir de ce feu, on allume à Lag ba’omer de grands feux.

Une des raisons évidentes qui justifient également le statut particulier du 33eme jour du ’omer, est le fait que l’épidémie mortelle qui frappait les élèves de Rabbi ‘Akiva a pris fin. Et Rabbi Akiva, faisant preuve d’un courage exceptionnel et nous donnant par là une belle leçon de vie et d’optimisme (il venait en effet de perdre 24 000 élèves en trente deux jours… ), se déplaça dans le sud d’erets-Israël le jour même de Lag ba’omer, et là recruta cinq nouveaux élèves, parmi lesquels il y avait Rabbi Chim’on bar Yokhaï et leur enseigna immédiatement la Torah. (Il faut bien comprendre que les 24 000 élèves de Rabbi ‘Akiva étaient les dépositaires de la Torah et que leur mort subite a constitué pour le peuple juif une catastrophe sans précédent, qui justifie les mesures de deuil imposées par nos Sages, comme ne pas se marier, ne pas couper les cheveux ni se tailler la barbe etc.)

C’est ainsi que la transmission de la Torah fut assurée et cette fois-ci de manière définitive. En effet, Rabbi ‘Akiva mit en garde ses nouveaux élèves en leur expliquant que ses 24 000 premiers élèves étaient morts du fait qu’au lieu de se réjouir de la grandeur en Tora de leurs collègues, ils en éprouvaient de la jalousie. (Béréchit Rabba 61).

Le ‘Hida (Rabbi Yossef David Azoulay) nous explique que les nouveaux élèves de Rabbi Akiva prirent à cœur les enseignements de leur maître et ne se jalousèrent pas mutuellement. Et d’ailleurs, cette pureté de cœur et d’intention se reflétait dans leur dévouement extrême pour enseigner la Torah au peuple juif ; il n’y avait pas ici de calcul personnel mais seulement un amour débordant pour le Tout-Puissant et une volonté sans faille de transmettre Sa Torah.

Et notre maître le ‘Hida nous enseigne que cette joie immense que nous ressentons à Lag ba’omer, c’est la prise de conscience que la Torah, après avoir failli disparaître est revenue en notre sein et cette fois-ci pour l’éternité.