Nous voici à quelques heures de la fête de Pessa’h, un rendez-vous ô combien attendu et solennel de notre calendrier. Cette date est particulièrement intense émotionnellement, chacun en fait l’expérience chaque année.

Naturellement, la préparation matérielle qui précède cette fête n’est pas étrangère à l’intensité de cette émotion, de même les souvenirs de toutes les soirées pascales nous reviennent à l’esprit et nous plongent dans la chaîne des générations ; ils nous rappellent notamment l’importance de la transmission qui prend forme le soir de Pessa’h.

Mais il y a bien sûr beaucoup plus. Nous ne sommes pas invités, ce soir, à célébrer simplement un évènement du passé : la sortie d’Égypte de nos ancêtres. Nous sommes invités à sortir nous-mêmes de « notre Égypte » personnelle, qu’elle soit morale, spirituelle, ou matérielle.

En effet, le calendrier juif a ceci de particulier qu’il ne se lit pas de manière linéaire telle la frise chronologique que nous dessinions, enfants. Si nous devions le schématiser, notre calendrier aurait plutôt la forme d’une ellipse qui s’étire certes vers l’avant, mais qui ramène chaque année, aux mêmes dates, la même « charge » spirituelle qui étreint le monde depuis sa création (Rav Sadin).

C’est ainsi que lors de la fête de Pessa’h, le monde est traversé par une intense force spirituelle susceptible de libérer les hommes de toute forme de servitude. Cette force s’est matérialisée de manière spectaculaire lors de la sortie d’Égypte, mais elle lui a préexisté, et elle revient dans le monde chaque année à la même période.

Selon certains commentateurs, c’est pour nous faire prendre conscience de cette force que la sortie d’Égypte a eu lieu à cette date, et que nous sommes invités à célébrer la fête de Pessa’h de manière aussi solennelle à travers la cérémonie du Séder.

Voilà pourquoi également nous devons dire dans la Haggada ce fameux verset : « Chaque génération doit se considérer comme si elle était elle-même sortie d’Égypte ». En effet, chaque génération a la possibilité de se libérer de ses servitudes comme la génération de Moché Rabbénou, précisément grâce à cette grande force spirituelle qui traverse le monde.

Dès lors, chaque Juif a le devoir impérieux de se préparer non seulement matériellement à travers l’élimination du ‘Hamèts et les différentes lois de Pessa’h, mais aussi spirituellement en se préparant à accueillir le flux spirituel qui va traverser le monde durant ces jours.

Cet accueil doit se faire, notamment, en renforçant sa « Émouna », sa foi en l’Éternel. C’est là un des sens de la fête de Pessa’h, en particulier de la Matsa qui est désignée comme le « pain de la foi ».

À propos de la Émouna, la foi en D.ieu, Maïmonide écrit dans son commentaire sur la Michna : « J’apprécie d’enseigner les sujets liés à la foi, plus que tous les autres sujets » (Cf. R. H. Margolin, Living Simchah).  Et, de fait, contrairement à ce que l’on pourrait penser spontanément, la foi « s’apprend ».

C’est en prenant le temps de méditer sur la toute-puissance de D.ieu et les miracles qu’Il accomplit à chaque instant, en se pénétrant profondément de Sa bonté infinie, et en se rappelant qu’Il envoie à chacun ce qui lui correspond le mieux à chaque instant, que l’homme peut faire vibrer en lui une foi authentique, et ressentir une joie profonde.

Une telle réflexion permet notamment de se rappeler utilement les objectifs spirituels que doit poursuivre chaque individu et qui constituent sa raison d’être sur terre. Il peut alors prendre du recul sur les moteurs ou les passions qui l’animent au quotidien et qu’il n’a pas toujours choisis réellement et positivement, mais qui se sont invités en lui au gré des rencontres, des influences de la société ou d’idées de jeunesse pensées trop rapidement.

Pessa’h est précisément une opportunité unique de rebattre les cartes de sa vie, de questionner les évidences parfois délétères sur lesquelles notre quotidien est fondé, à l’image du ‘Hamèts dont nous ne questionnons pas la présence au centre de nos vies toute l’année, mais que nous faisons disparaître durant une semaine.

Comment ne pas ressentir une joie extraordinaire et être même pris d’un vertige à l’idée de conquérir cette année de nouveaux horizons de liberté, et de s’affranchir de certaines habitudes qui empêchent notre « moi authentique » de s’épanouir ?

Cette année, comme toutes les années, nous sommes invités non pas à traverser le temps, mais à « bâtir le temps » selon la belle formule d’Avraham Heshel. En recueillant la force spirituelle de Pessa’h et en nous efforçant de l’orienter positivement, grâce à nos prières, notre dialogue avec Hachem et nos bonnes actions, nous pourrons, avec l’aide de D.ieu, connaître un grand épanouissement et une joie illimitée dans le renouveau qui nous attend.

Chabbath Chalom et Pessa’h Cachère Véssaméa’h !