Pourim est d'abord pour nous l’occasion de rappeler que c’est la lecture de la Méguila d'Esther qui va constituer dans notre tradition le dernier événement historique relaté dans tout le Tana'h ! C'est que nous assistons en effet à la fin de la Méguila à la naissance de ce que sera le judaïsme d’aujourd’hui.Ainsi, les derniers prophètes hébraïques ont-ils vécu à l’époque de la Méguila. Et d'une certaine manière, Morde‘haï va être, pour notre tradition, le premier roch yéchiva. C’est en effet lui qui va créer le premier centre d’étude susceptible de prendre, grâce à l'approfondissement de la Torah, le relai des prophètes.
À ce sujet la Guémara nous apprend : « ’Ha’ham adif miNavi [le sage est supérieur au prophète] ! ».

Mais comment comprendre le sens réel de cette comparaison ?

La réponse réside dans les éclaircissements venus d’un texte du Talmud, justement dans la Guémara du Traité Ména'hot (page 29/b). On nous raconte là qu'avant sa mort, Moché Rabenou a demandé à Hachem : « Que deviendra la Torah après moi ? »

Pour lui répondre, Hachem l’a donc en quelque sorte " projeté " dans l’histoire future et lui a montré la génération de Rabbi Akiva. Voyant ce maître enseigner la Torah devant une foule d’élèves, Moché assistait au cours avec un immense ravissement, mais il ne comprenait apparemment rien de ce qui s’y disait… Et voila qu’à la fin de ce cours, un élève de Rabbi Akiva demande : « Mais Rabbi d’où sais-tu tout cela ? ». Et Rabbi Akiva de répondre : « Hala'ha leMoché miSinaï [Nous l’avons appris de Moché Rabénou qui, lui-même, l’a appris du la Torah de Moché au Sinaï] ! ". La Guémara conclut alors en disant : « Na’ha daato chel Moché Rabénou [Moché Rabénou a été rasséréné par cette remarque] ».

Essayons à présent de comprendre ce texte : ce n’est pas tant que Moché s'est soudain senti heureux de voir que Rabbi Akiva lui attribuait son propre enseignement, mais plutôt - tout simplement - que Moché assistait à une appréhension de la Torah qui était celle de la " compréhension analytique ", et non plus celle du " savoir par intuition "…

En effet, Hachem délivre Son message au prophète (Moché fut le premier d'entre eux), lequel le retransmet très fidèlement. Quant au Sage (le 'ha'ham), il " comprend " un enseignement et l’explique.

Or, quand Moché Rabénou a constaté que le message qui lui avait été délivré par la prophétie pouvait transiter par l’enseignement, il fut alors rasséréné car il a saisi qu'ainsi, la Torah serait transmissible à toutes les générations ! Et c'est effectivement bien le cas… Car depuis qu'il n’y a plus de prophètes pour nous dévoiler le message divin, nous nous tournons vers les maîtres et les grands Sages de la Torah pour qu'ils nous le divulguent.

Toutefois, il faut ajouter ce que dit Maimonide - le Rambam - dans le deuxième portique de son " Guide des Egarés " : le 'ha'ham doit être doté du « roua'h hakodech » - littéralement d’" un esprit saint " - qui lui permet de pressentir les événements. Le Rambam donne l’exemple suivant : un Sage enseignait à ses élèves et, soudain, il leur dit qu’il fallait très vite quitter la maison dans laquelle ils se trouvaient. Il demande donc à tout le monde de se lever et de partir. Or, quelques secondes après, la maison s’effondre… En fait, ce récit montre bien que le 'ha'ham avait pressenti le danger !

Voila donc comment le Rambam exprimait ce don que la Torah offre à celui qui l’utilise de toutes ses forces, ses énergies et avec une totale sincérité : D.ieu l’éclaire sur les événements à venir.

Or, aujourd’hui encore, quand nous voulons comprendre ce qui est déjà arrivé ou peut arriver, nous nous tournons vers nos maîtres, eux qui restent nos guides et notre lumière. Comme dit le verset : « Véayou éné'ha root et moré'ha » [Tes yeux regarderont tes maîtres] ».

Dans le brouillard où se trouvent aujourd’hui le monde et les hommes, comme il est bien difficile d’y voir clair… Or, cette sérénité véritable que procure le maître de Torah à tous ceux qui l’écoutent mérite d’être rappelée à l’occasion de Pourim : l’exil de la diaspora juive qui débute à l'époque de Pourim allait cultiver ce précieux enseignement qui est arrivé jusqu’à nous !