Le monde a été créé le 25 Eloul. Six jours plus tard était créé l’homme ; ce sixième jour correspondait au 1er Tichri. Ce même jour, l’homme fauta, se repentit et fut jugé. Hachem lui dit alors : « De la même manière que tu as été jugé aujourd’hui et que tu as été acquitté, ainsi tes fils [tes descendants] seront jugés ce même jour et seront acquittés » (Midrach Vayikra Rabba 29,1).

Comme vous l’avez bien compris, ce jour n’est autre que Roch Hachana. Ainsi que l’ont enseigné nos Maîtres « Ma’assé avot siman labanim » (Les actions des pères sont un signe pour leurs enfants) (Midrach Béréchit Rabbah, parachat Vayéra 18,1). Cela signifie que les pères spirituels de la nation juive enseignent à leurs descendants la conduite à adopter. Puisqu’Adam harichone s’est repenti de sa faute le jour même où il a fauté, ce jour correspondant au 1er Tichri, cela signifie que nous aussi devons nous repentir de nos fautes en ce même jour.

Dans le traité Roch Hachana (chapitre 1, michna 2), il est rapporté qu’ « à Roch Hachana, tous les habitants de ce monde passent [en jugement] devant Lui comme les membres d’un [même] troupeau. » Nous pouvons comprendre cette michna comme signifiant que chaque être humain est jugé de manière individuelle par Hachem, à l’instar d’un berger qui passerait en revue, animal après animal, tout son troupeau.

La prise de conscience du fait que chacun d’entre nous est jugé de manière individuelle par le Créateur de l’univers doit nous amener à nous remettre en cause et à faire téchouva comme le fit notre ancêtre, Adam harichone. Or il est connu qu’une des manières d’améliorer son comportement est de donner la tsédaka.

D’où l’apprenons-nous ? La source la plus connue se trouve dans le piyout (chant liturgique) de Ountané tokef, qui dépeint le martyre de Rabbi Amnon de Mayence et qui est imprimé dans les ma’hzorim (livres de prière) achkénazes de Roch Hachana. Ainsi s’exprime le paetane (auteur du poème liturgique) : « La téchouva,(repentir) la téfila (prière) et la tsédaka (charité) abolissent les mauvais décrets ».

Bien entendu, le paetane ne se serait pas permis d’avancer de telles choses sans s’appuyer sur une source talmudique avérée. En l’occurrence, il s’agit du traité Ta’anit au deuxième chapitre, page 65b dans le Talmud de Jérusalem : « Rabbi Elé’azar a dit : trois choses annulent les mauvais décrets, et les voici : la téfila, la tsédaka et la téchouva ».

De même, il y a un verset qui dit explicitement : « la tsédaka sauve de la mort » (Michlé 11,4). Nos Maîtres rapportent dans le traité Chabbat page 156b l’histoire très intéressante de la fille de rabbi Akiva ; des Chaldéens avaient annoncé à rabbi Akiva que sa fille était destinée à mourir le jour de son mariage… Et rabbi Akiva, comme on se l’imagine, était très préoccupé par cette sombre prédiction des astrologues.

Le soir, après les réjouissances de son mariage, la fille de rabbi Akiva enleva une pince de ses cheveux et la planta dans le mur. Sans y prendre garde, elle tua le serpent venimeux qui était destiné à la piquer mortellement… Le lendemain, quand elle retira la pince du mur pour la replacer dans ses cheveux, elle ramena par mégarde le serpent mort sur sa tête.

Elle alla rendre visite à son père qui remarqua la présence de ce serpent sur sa fille et comprit que la sentence de mort qui pesait sur elle avait été annulée. Il voulut en comprendre la raison et lui demanda ce qu’elle avait fait récemment et qui serait à même d’expliquer son sauvetage miraculeux…

Elle lui raconta que lors de la soirée de son mariage, au moment où tout le monde était attablé et où la fête était à son comble, elle entendit la voix d’un pauvre qui appelait à l’entrée de la salle ; elle entendit et elle accourut, sensible à sa détresse, et lui donna pour le réconforter son propre repas… Son père comprit alors que la générosité et la sensibilité de sa fille à la souffrance d’autrui, lui avait sauvé la vie. A la suite de cela, il enseigna le verset de Michlé : « la tsédaka sauve de la mort ».

 Ainsi lorsque nous constatons la puissance extraordinaire de la tsédaka, à même d’annuler les plus sombres décrets, nous ne pouvons rester indifférents… Cet instrument de justice, (tsédaka vient en effet du terme tsédek qui signifie justice) qu’Hachem nous a offert, et qui vient rééquilibrer la balance sociale, permet en même temps de rééquilibrer la balance de notre propre jugement, en la faisant pencher du côté des mérites.

C’est encore une preuve de l’infinie miséricorde d’Hachem, qui nous donne l’occasion, en ayant pitié de l’autre et en ne restant pas impassible devant sa détresse, de susciter Sa miséricorde à notre égard et de mériter une bonne et douce année. Amen.