Toutes les fêtes du calendrier juif sont joyeuses. Mais une seule est décrite comme « le temps de notre joie » — c’est la fête de Souccot. Pourquoi ? Essayons tout d’abord de comprendre la raison de cette fête. Elle n’est pas si évidente, car Souccot est très différente de Pessa’h ou de Chavou'ot. Lors de ces deux dates, des événements majeurs eurent lieu : à Pessa’h, le peuple juif sortit d’Égypte et à Chavou'ot, la Torah lui fut donnée. Or aucun événement de cette envergure ne survint aux alentours de Souccot. Cette fête vient commémorer le mode de vie du peuple juif dans le désert, quarante années durant. En quoi cela justifie-t-il une fête si centrale ? De plus, on se souvient généralement de la bonté et de la grandeur d’Hachem lors des fêtes, ce qui n’est pas l’élément le plus marquant quand on rappelle le périple des Juifs dans le désert.

Pour répondre à ces questions, imaginons un instant la vie dans le désert. C’est un endroit particulièrement inclément et désagréable – la chaleur y est insupportable en journée et le froid est glacial la nuit. Les vents forts entraînent souvent des tempêtes de sable dévastatrices et les animaux hostiles sont fréquents. On imagine mal comment de simples cabanes en bois suffirent aux Bné Israël pour les protéger de la sorte. C’est justement ce qui va nous aider à comprendre ce que Souccot commémore. Les cabanes n’étaient effectivement d’aucune protection pour les Juifs. Et s’ils ne furent pas anéantis par les dangers du désert, c’est grâce à la bonté et à la protection d’Hachem. Leur abri matériel n’était qu’une façade, leur survie fut surnaturelle. Nous construisons aussi des cabanes durant la semaine de Souccot. La Halakha stipule qu’elles doivent être de nature précaire, avec un toit instable, qui ne protège pas complètement du soleil, ni de la pluie. Ceci nous rappelle que toute la sécurité dont nous jouissons tout au long de l’année dans nos maisons solides, dotées de toits en béton, n’est qu’une apparence. Seul Hachem nous protège vraiment.

Quand on réalise que l’on est constamment gardé par Hachem, notre joie est immense, c’est la joie de Souccot. Mais pourquoi supplante-t-elle celle des autres fêtes, au point qu’elle est la seule à s’appeler « temps de notre joie » ? Il existe deux types de joie. Il y a celle relative à un événement particulier et celle qui est éprouvée constamment. Pessa’h et Chavou'ot font référence à des événements majeurs qui entraînèrent une joie intense. Mais leur impact s’affadit inévitablement. En revanche, Souccot est un parallèle à une joie constante – aucun événement particulier ne symbolise Souccot, cette fête vient rappeler la protection d’Hachem en continu – durant les quarante ans dans le désert et encore aujourd’hui. Et la joie qui en résulte ne dépend d’aucun facteur extérieur ; elle provient de la réalisation que tout est dirigé par la Bienveillance Divine.

Pour arriver à cette réalisation, il nous faut savoir que tout ce que l’on a correspond exactement à ce dont on a besoin. C’est l’enseignement tiré de la Michna de Pirké Avot ! « Qui est riche ? Celui qui est satisfait de sa part. »[1] Ce que nous possédons est fonction de ce dont nous avons besoin pour réaliser notre potentiel. Avec ceci en tête, on n’en viendra pas à croire que la vie aurait été meilleure si l’on avait plus d’argent, une maison plus spacieuse ou une voiture plus belle et performante. Le simple fait que nous n’ayons pas plus, prouve qu’Hachem estime que les choses sont mieux ainsi, dans notre cas. L’histoire suivante illustre bien l’idée que le fait d’être millionnaire ne rend pas la vie plus rose.

Mr Richardson avait trois fils. Le jour où son aîné eut dix-huit ans, un courrier arriva chez lui d’un cabinet d’avocats l’informant qu’un donateur anonyme avait offert un million de dollars à son fils pour son dix-huitième anniversaire. Bien évidemment, la joie était immense et l’on célébra la nouvelle. Le fils en question, Tom, utilisa l’argent pour s’acheter une voiture de sport. Trois semaines plus tard, il percuta un poteau alors qu’il roulait à 140 km/h. Il mourut sur le coup.

Deux ans plus tard, le deuxième fils, Jimmy eut dix-huit ans et là aussi, une lettre anonyme lui fit savoir qu’il recevait un cadeau d’un million de dollars. Cette fois, ils firent preuve d’une plus grande prudence. Mr Richardson mit la majeure partie de la somme de côté, mais Jimmy avait tout de même plus d’argent que les autres adolescents de son âge. Il l’utilisa pour acheter de la drogue et devint bien vite toxicomane.

Deux ans plus tard, le plus jeune fils, Peter, eut dix-huit ans et la même lettre arriva, accompagnée du chèque d’un million de dollars. Cette fois, Mr Richardson insista pour connaître l’expéditeur des courriers. L’avocat lui répondit : « Il y a plus de vingt ans, vous vous êtes disputé avec votre associé. Celui-ci jura de prendre sa revanche. Il gagna beaucoup d’argent et pensa que la meilleure façon de se venger était de donner un million de dollars à chacun de vos enfants pour leur dix-huitième anniversaire. Il avait manifestement raison ! »[2]

La fête de Souccot nous montre qu’Hachem nous surveille constamment et nous alloue exactement ce dont nous avons besoin pour mener une vie saine et heureuse. Si nous intériorisons ceci, nous pourrons comprendre ce qu’est le réel bonheur, et même l’expérimenter !


[1] Pirké Avot, 4:1.

[2] Impact, Kaplan, p. 163-164.