Question d'une internaute : Mon mari est décédé il y a quelques années. J'ai la soixantaine, et, bien que j'aie plus ou moins appris à prendre soin de moi et à me débrouiller sans l'aide de celui qui fut mon mari pendant 35 ans, j'ai l'impression que la solitude est en train de prendre le dessus. Pensez-vous qu'il soit juste de se remarier à mon âge ? Ce n'est pas que je me sente désespérée, mais je ressens un vide sans la présence d'un partenaire (non que j'aie l'espoir que ce soit pareil qu'avant). Merci d'avance pour votre éclairage.

La réponse de Nathalie Seyman

Subir le décès de la personne que l’on aime est une épreuve violente tant le vide se ressent au quotidien pour chaque geste, dans chaque lieu, à chaque évènement. Elle crée un état de sidération et d’incompréhension, que l’on y soit préparé ou non, et cela à n’importe quel âge. Pour autant, dans le judaïsme, la mort n’est pas une fin. Que ce soit pour celui qui est parti, comme pour celui qui reste. Alors, une fois le travail de deuil terminé, que se passe-t-il ? Quelle direction prendre pour une femme qui a déjà vécu de nombreuses années de bonheur conjugal ? Peut-on retrouver l’amour après 60 ans ? Analysons tout cela ensemble.

Se reconstruire après le deuil

Le deuil du conjoint est particulier car on doit faire face, non seulement à la mort de l’autre, mais aussi à la disparition du couple. Une douleur qui s’estompe avec le temps, pour que survive l’essentiel : tout ce que l’autre nous a apporté en termes de bonheur. Mais, avant de pouvoir se reconstruire, il faut passer par les 5 étapes nécessaires, je dirais même obligatoires, du processus de deuil. Il s’agit d’effectuer une nouvelle élaboration psychique qui permettra d’accepter de continuer sans la personne sans qui on ne se voyait pas passer un seul jour de son vivant. Je vais les citer succinctement, car, ce qui nous intéresse, est ce qui se passe par la suite :

1. L'incrédulité / 2. La colère / 3. L'abattement / 4. L'acceptation / 5. L'apaisement

Durant cette période, on subit souvent l’isolement et la solitude de façon volontaire. Ce repli est un mécanisme de défense qui permet à la personne en deuil de gérer ses débordements émotionnels avec pudeur, et retrouver en soi-même l’énergie de pouvoir renaître de ses cendres. Malheureusement, lorsque l’on sort de cette période de deuil, on fait parfois le constat de l’isolement. On fait également le constat que l’on s’est installé dans des habitudes qui ne sont pas compatibles avec une ouverture sur le monde. Mais vivre est un besoin « vital ». Avoir subi un décès est déjà suffisamment douloureux pour ne pas s’imposer de rester dans une bulle, aussi confortable et sécurisante soit-elle. On se doit de continuer d’avancer, de ne jamais s’arrêter jusqu’à la décision ultime d’Hachem.

Aimer après 60 ans

Alors que du temps de nos grands-parents il était très improbable de « refaire sa vie », surtout pour les femmes, aujourd’hui, dans une époque où l’on vit, Baroukh Hachem, de plus en plus longtemps, on peut observer, après la soixantaine, de véritables renaissances. Cela ne signifie en rien l’oubli de l’être aimé, mais un choix personnel : celui de prendre la vie pour un cadeau. Et si vous éprouvez un sentiment de culpabilité à vouloir refaire votre vie, c’est totalement normal ! On se sent coupable d’être vivant, d’avoir l’envie de réaliser de nouveaux projets de vie, de « s’autoriser » tout simplement à être heureux à nouveau. Tout ceci est un processus naturel et ne veut pas dire que vous n’êtes pas prête pour cela, mais vous devez le dépasser et vous persuader que rien ne vous empêche de continuer à avancer, que ce soit Halakhiquement, humainement, ou moralement parlant !

Comme vous le citez si bien, il ne sera en effet pas possible de retrouver les mêmes sentiments, le même amour, la même façon d'aimer. Mais on peut aimer de façon différente, selon nos diverses expériences de vie. D’autant plus qu’aujourd’hui, à 60 ans, vous savez ce que vous voulez, et, surtout, ce que vous ne voulez pas, contrairement aux jeunes gens qui ont beaucoup moins de recul. Vous avez appris à vous connaître, et vous connaissez bien vos limites et ce qui ne vous convient pas. Vous savez utiliser votre temps, tout en sachant que vous n’avez pas de temps « à perdre ». Vous avez l’expérience des pièges à éviter et vous êtes plus objective dans vos critères. Vous avez tout à fait la capacité de trouver quelqu’un qui vous rendra heureuse, Bé’ézrat Hachem.

Conseils

- Choisissez de sortir de votre solitude en rencontrant des gens qui sont dans la même situation que vous. Cela vous permettra de parler plus librement avec des personnes qui sauront ce que vous vivez.

- Resserrez les liens avec votre famille : vos enfants, vos frères et sœurs, ou même vos amis proches. Vous avez besoin de soutien et de rester toujours entourée de tout ce qui est positif dans votre vie. C’est votre carburant pour avancer.

- Continuez à prendre soin de vous. La sérénité de l’esprit passe par le bien-être du corps. Faites du sport, allez à l’institut de beauté, chez le coiffeur, etc.

- Fréquentez votre synagogue, entretenez-vous avec votre Rav, allez à des cours de Torah, tout ceci ne pourra que contribuer à vous apaiser, à vous créer des amitiés qui vous donneront l’envie d’avancer et permettront de commencer à combler un peu le vide que vous ressentez.

Béhatsla’ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.