Chaque mercredi, retrouvez les aventures de Eva, célibattante parisienne de 30 ans… Super carrière, super copines. La vie rêvée ? Pas tant que ça ! Petit à petit, Eva découvre la beauté du judaïsme et se met à dessiner les contours de sa vie. Un changement de vie riche en péripéties… qui l’amèneront plus loin que prévu !

Dans l'épisode précédent : Eva dit au revoir à ses amies (et à David) et s’apprête à partir quelque temps étudier la Torah dans un séminaire à Jérusalem, avec en plus une mission pour son travail. Est-ce que ce nouveau cadre de vie lui conviendra ?

Comment ? Cooooomment ?! Comment réussir à caser autant de vêtements dans une pauvre petite valise de 20 kg ? Il était hors de question que je me sépare du tas de vêtements étalés sur mon lit que j’avais pris grand soin de sélectionner pour mon séjour à Jérusalem. Moins j’arrivais à fermer ma valise, plus je stressais : comment serait la vie là-bas, même pour quelques semaines ? Est-ce que j’allais me retrouver toute seule ou, au contraire, je ferai de nouvelles rencontres ? Et si j’étais incapable d’apprendre quoi que ce soit ou d’étudier en hébreu ? Bref, la valise était un peu à l’image de ma tête : ça débordait de partout et impossible de ranger tout ça !

Après une crise de larmes et deux-trois tutos sur l’art du pliage de vêtements, je réussis enfin à terminer mes bagages (au passage, je sacrifiais ma super paire de bottes en daim qui devrait attendre mon retour).

Mon téléphone vibrait toutes les 5 minutes : des messages d’au revoir, de bon voyage… ça me mettait le cafard ! Ok, je ne partais pas éternellement, mais ce saut dans l’inconnu m’angoissait et j’avais hâte d’y être pour arrêter d’appréhender.

Seul le message de ma cousine m’avait mis un peu de baume au coeur : “Tu vas voir, Jérusalem c’est génial, tu vas t’y sentir tellement bien que tu ne voudras plus revenir”.

Voilà, le grand jour arrive et tel un automate, j’attrape mes valises, mon taxi, je m’installe dans l’avion et je me retrouve… en Israël.

Première sensation ? Il fait chaud ! A peine sortie de l’avion, c’est une douce chaleur qui m’envahit, comme une caresse sur le visage, et, d’un coup, je sors de mon sommeil d’automate : je suis en Israël ! Yallah !

Un regain d’énergie, je n’arrive pas à y croire, je vais enfin pouvoir vivre mon rêve du moment : étudier la Torah !

Heureusement que je parle anglais, ce n’est pas avec mon hébreu limité “Efo Hamakolèt” que je vais réussir à arriver au séminaire. Direction la borne de taxi et me voilà partie pour la ville de D.ieu.

En guise de bienvenue, toute la durée du trajet, j’ai le droit à des chants israéliens des années 70 qui crient depuis le poste de radio du chauffeur de taxi. Comme je ne parle pas hébreu et que lui ne comprend pas bien mon anglais, je subis sa musique en priant pour la survie de mes tympans !

Mais d’un coup, je n’entends plus la musique, au détour d’une montée sinueuse entre des bordées d’arbres, je l’aperçois : Jérusalem en haut des collines. C’est incroyable ! Je ressens à la fois une force et un apaisement qui m’envahissent ! Le spectacle est si beau que je me sens émue aux larmes. Cette ville qui surplombe le paysage est majestueuse et je vais à sa rencontre. Je me sens plus que privilégiée, je me sens comme une invitée de marque. J’en pleure presque (oui, ok, j’ai une tendance à pleurer facilement, mais quand même, l’instant est historique pour moi).

45 minutes plus tard, j’ai quitté mon chauffeur de taxi-DJ et je suis dans un quartier très haut qui domine toute la ville de loin : Ramot. Face à moi, ce grand bâtiment : “Baté Sarah” et je me sens bien petite (même si je porte mes plus hautes bottines pour l’occasion).

“Allez, courage, inspire, expire”, me dis-je intérieurement. Je me sens toute intimidée à l’idée de franchir la porte, quand d’un coup, c’est elle qui s’ouvre en grand… et une volée de jeunes filles sortent dans un grand éclat de rire !

L’une d’entre elles me remarque et me dit : “Salut, tu es nouvelle ?” “Oui, je m’appelle Eva et j’ai rendez-vous avec…” “Avec Mme Charabit ! Enchantée, moi c’est Hanna, les filles, avancez ! Viens, je vais t’accompagner.”

Ça va mieux d’un coup, je suis touchée par cette gentille attention et je me laisse guider avec plaisir.

Dans les couloirs, je suis docilement Hanna qui parle plus vite encore qu’elle ne marche : “Tu vas voir, ici, c’est génial ! C’est sûr, on étudie beaucoup et des fois, le soir, on a qu’une envie, c’est de dormir toute habillée sur notre lit, mais l’ambiance est top et les profs de folie. Bon, on ne va pas se mentir, la cantine c’est l’horreur, mais on a tous les bons plans : on connaît la meilleure pizza et les meilleurs frozen yoghurts de tout Jéru !”.

Ça en fait un paquet d’informations, mais même si je n’enregistre pas tout, je comprends en quelques phrases qu’elle est adorable et qu'apparemment, l’ambiance ici l’est tout autant.

Hanna me laisse devant la porte de Mme Charabit, la directrice. Elle repart comme une tornade, mais ce coup d’air frais m’a fait du bien !

Je rencontre Mme Charabit qui me fait tout de suite penser à la rabbanite de Paris. D’ailleurs, elle me parle d’elle et des chaudes recommandations qu’elle a faites de moi pour que je puisse intégrer le programme, même en cours de route. Ça me fait chaud au coeur de savoir que même à 4000 km de chez moi, je ne suis pas totalement une inconnue.

Mme Charabit m’explique le programme, le règlement (tout ça me paraît assez strict pour la trentenaire que je suis, mais pour la première fois, j’ai envie de jouer le jeu). Elle me laisse aller trouver ma chambre, non sans me remettre une pile de livres avant (je n’ai pas osé lui demander si je pouvais me les faire livrer, parce que je suis déjà encombrée).

Ma chambre est sans surprise : petite et avec deux lits. Je me suis préparée psychologiquement à partager mon espace, mais ça reste une épreuve. Pourtant, je n’ai pas le temps de m’appesantir sur le manque d’espace : d’après l’emploi du temps que j’ai reçu, je dois être dans le Beth Hamidrach où j’ai un cours d’étude du ‘Houmach.

Je ne comprends pas tout à l’intitulé, mais c’est ça le problème de prendre un séminaire en cours de route ! Je vais devoir me débrouiller pour tout déchiffrer en un temps record !

Après de nombreuses minutes d’errance dans les couloirs, je finis (enfin !) par trouver le Beth Hamidrach et j’entre dans un vacarme ahurissant ! Ça parle fort ! Ça crie presque et je me demande comment on peut étudier au milieu d’un tel volume sonore.

Une petite dame qui doit être arrière grand-mère s’approche de moi et me demande avec un grand sourire : “Vous cherchez ?”. Je me présente et son sourire se fait encore plus grand : “Ah, enchantée Eva, je suis Mme Kriegel, je vous attendais. Allez vous asseoir ici à côté de Sonia et prenez le cours en route”. C’est drôle, de loin, elle avait l’air d’une très vieille dame, mais dès qu’elle s’est mise à parler, on aurait dit qu’elle avait le visage d’une jeune fille (note pour plus tard : lui demander son secret de beauté).

Je m’assois sagement là où on m’a indiqué. Il y a une fille qui a l’air plus jeune que moi qui étudie seule avec au moins 3 livres ouverts étalés devant elle.

“Bien mesdemoiselles, on s’arrête et on reprend ensemble la lecture de la Paracha. Jessica, tu commences.”

D’un coup, c’est le silence, on n’entend plus un mot, si ce n’est la fameuse Jessica qui se met à lire avec beaucoup d’aisance… en hébreu !

Et moi, à ce moment-là, je me sens complètement perdue : qu’est-ce que je fais là ? A quel moment j’ai cru que je pouvais arriver et en une minute être capable d’apprendre et de lire l’hébreu comme si c’était inné ? Moi qui ai toujours été forte dans les études, je me sens plus nulle que nulle. Les larmes me montent aux yeux pendant que je tourne les pages de mon grand livre sans savoir où on en est. C’est de l’hébreu tout ça ! C’était une mauvaise idée de venir au séminaire, j’aurais pu me contenter de suivre les cours à Paris et je ne me serais pas ridiculisée ainsi à ne rien comprendre.

D’un coup, au milieu des larmes qui inondent mes yeux, je vois un doigt. Un index qui s’est posé sur une de mes pages et qui parcourt les lignes au même rythme que la lecture de Jessica. Je relève la tête et, sans un mot, la fille à côté de moi, Sonia, a posé sa main sur mon livre et m’aide à suivre le texte.

J’ai de nouveau envie de pleurer, touchée par cette attention silencieuse. Mais je tiens bon et m’applique à suivre chacun des mots en hébreu en me concentrant sur leur prononciation.

A la fin du cours, je n’ai pas plus compris qu’au début, mais pendant que toutes ramassent leurs affaires, je vais voir Sonia que je tiens à remercier pour son geste.

“Ne t’inquiète pas, tu es nouvelle, tu as dû te sentir perdue l’espace d’une minute. On a toutes été à ta place, donc c’est cool. Ici, tu vas vite découvrir que la meilleure façon d’apprendre, c’est de le faire à plusieurs. Et on va le faire ensemble”.

Waouh ! Première leçon apprise : l’entraide. Là, à cet instant précis, je comprends que je suis à la bonne place. Même s’il reste encore beaucoup, beaucoup de chemin à faire !

La suite, la semaine prochaine…