David, 23 ans, est un étudiant de Yéchiva brillant qui fait l’admiration de tous ses maîtres. Seule ombre au tableau : David n’est pas marié. Tout son entourage désespère de lui trouver une compagne tant il est difficile et aucune fille ne trouve grâce à ses yeux !

Un jour, le Roch Yéchiva le convoque et lui explique qu’il ne peut pas être aussi exigeant et qu’il doit essayer de changer de perspective.

David lui fait part de sa difficulté : « Mais Rabbi, tout le monde me dit que je suis beau, intelligent, sérieux, issu d’une grande famille, promis à un très bel avenir… Il faut que je trouve une épouse à la hauteur pour que notre union fonctionne bien ! »

Le Roch Yéchiva lui fait remarquer « Tu n’as pas mentionné une qualité très importante : la modestie. Travaille sur la modestie, et tu pourras te marier ! »

Quelques mois plus tard, le Rav convoque à nouveau David et lui demande « Alors David, est-ce que tu as avancé dans ta recherche d’une épouse ? »

« Non Rabbi, je suis désolé, c’est pire qu’avant… »

« Mais comment est-ce possible ? »

« Et bien Rabbi, avant j’étais beau, intelligent, sérieux, de bonne famille, promis à un bel avenir et déjà, ça ne marchait pas, alors maintenant comment ça peut marcher ?... En plus de toutes ces qualités, je suis devenu modeste ! »

La Paracha de la semaine poursuit la description des principes de pureté rituelle de la Torah. Elle s’attache notamment à insister sur les règles propres aux Kohanim qui ont vocation à effectuer le service du Temple. Comme toujours, plus un homme est titulaire de droits et d’honneurs particuliers, plus il a de responsabilités et de devoirs. La législation des Kohanim n’y fait pas exception, et, s’il est vrai qu’ils ont le privilège exclusif de pouvoir servir Hachem, et notamment de pénétrer dans le Saint des Saints le jour de Kippour, ils doivent, en contrepartie, observer des règles plus exigeantes que celles du peuple en matière de préservation de leur pureté : ne pas s’approcher d’un mort sauf quelques exceptions, épouser uniquement certaines femmes…

Comme nous le comprenons le Kohen incarne dans notre Paracha la « grandeur », la « sagesse » et la « majesté ». Et au-delà du Kohen, une partie des commentaires et des descriptions que nous lisons dans notre Paracha a vocation à s’appliquer à tous ceux qui sont amenés au cours de leur vie à exercer de telles responsabilités.

Aussi, dès le début de la Paracha, Rachi écrit un commentaire qui pose les enjeux du problème. Il commente notamment, la triple répétition du terme « dire » dans le premier verset « L'Éternel dit à Moïse : "Parle aux pontifes, fils d'Aharon, et dis-leur : Nul ne doit se souiller par le cadavre d'un de ses concitoyens." » (chap. 1, verset 1)

Dis aux pontifes : « Dis […] tu leur diras » : pour que les adultes en avertissent les enfants (Yébamot 114a).

Rachi énonce ici un des fondements des devoirs de l’homme dans ses relations sociales et le cœur de la notion de responsabilité. En effet, il évoque la responsabilité des adultes vis-à-vis des enfants, en l’occurrence celle qui incombe aux Kohanim de veiller non seulement pour eux-mêmes mais aussi pour leurs enfants à s’éloigner de toute forme d’impureté. Les adultes doivent ainsi « avertir » les enfants, c’est-à-dire leur enseigner les lois pour leur éviter de fauter et les familiariser dès leur plus jeune âge aux notions de sainteté et au chemin juste que l’homme doit adopter au cours de sa vie.

Mais, au-delà, des adultes et des enfants au sens propre, cette mise en garde vaut également pour tous ceux qui disposent d’une maturité supérieure à leur prochain dans un domaine, ils ont le devoir d’éclairer ceux qui n’ont pas la même maturité et leur donner les moyens à eux aussi d’accéder à plus de lumière, à plus de sagesse et, en l’occurrence, plus de proximité avec Hachem.

La sagesse n’est pas une prérogative que l’homme doit vivre seul, elle doit d’une part lui permettre de s’ouvrir à ses prochains, mais il doit avoir à cœur également de la partager avec ses proches pour que la lumière puisse s’étendre au plus grand nombre, et emplir progressivement la terre. Comme nous l’avons vu précédemment, l’homme ne gagne rien à vivre sa sainteté de manière solitaire et de la protéger jalousement, la sainteté est un projet collectif qui rejaillit sur chacun.

Il convient d’être attentif également au choix du verbe « Emor/dire » employé dans ce verset à trois reprises. En effet, il y a essentiellement deux manières de s’adresser à son prochain soit à travers le verbe « Emor » - dire -  soit à travers le verbe « Dabèr » - parler. Le premier évoque un langage de douceur, alors que le second est plus sévère. Ici, le choix, martelé à trois reprises, s’est porté sur le verbe « Emor » qui donne son nom à notre Paracha. Cela nous enseigne une règle précieuse en matière d’éducation. Pour être entendu de son prochain, il faut commencer par parler la langue de la douceur, témoigner de l’affection, de la sollicitude. Ce rappel est d’autant plus important que notre Paracha évoque des notions très importantes, les plus importantes peut-être pour un Kohen, les notions de pureté et de sainteté. Or, pour des notions aussi importantes, l’homme peut être tenté de signifier l’exigence qui leur sied à travers un langage plus sévère et plus impératif. Notre Paracha vient nous rappeler qu’en matière d’éducation, seul un langage de douceur et d'affection est susceptible d’enter véritablement dans le cœur de nos interlocuteurs et pourra les amener à évoluer dans la bonne direction.

Nos Sages nous mettent en garde notamment contre les excès de zèle, et plus particulièrement contre la colère ou la peur que l’on peut susciter chez ceux que l’on souhaite éduquer. Celles-ci peuvent produire des effets à courte durée, dans le meilleur des cas, mais n’offrent aucune garantie sur le maintien de la pratique et la conviction que l’on crée chez ceux à qui l’on s’adresse. Le Talmud exhorte ainsi l’homme à ne jamais « faire régner une crainte excessive dans sa maison ».

Comme nous l’enseignent les Sages, ce que Hachem recherche est avant tout l’expression du cœur. Celle-ci se manifeste, dans ce premier verset, d’une part à travers le souci de partager la connaissance et de diffuser la sagesse auprès de nos proches, et d’autre part dans la capacité à employer un langage de douceur et d’affection.

Au milieu d’un repas de famille, un père s’adresse à ses fils.

Mes enfants, vous savez, nous sommes mariés depuis 35 ans avec votre mère et nous n’avons jamais eu le moindre accrochage.

« C’est merveilleux, quel est votre secret ? » questionnent les enfants.

« C’est très simple. Sachez que, dès qu’il y a une grande décision à prendre, c’est l’homme qui doit trancher, et prendre ses responsabilités. Cela rassure tout le monde et permet d’éviter les conflits inutiles. »

« Ah, très bien. Mais cela s’applique à quel type de "grande" décision ? »

« Ah, ça, mes enfants, je ne peux pas vous dire ! Je n’ai jamais eu besoin de prendre de telles décisions ! »