« J’ai fait le ménage, la vaisselle, la cuisine, douché les enfants, sorti les poubelles. Mon mari va bientôt rentrer et me dire qu’il est fatigué et il va falloir lui sourire, m’a-t-on dit à mon dernier cours de Chalom Bayit – d’harmonie familiale –, lui sourire… Surtout ne pas trop les déranger ces anges de maris ! … », gronde et soupire ‘Hanna.

« Je voudrais m’acheter cet ensemble. Il est un peu décolleté, mais bon, quelle importance, deux ou cinq doigts… Je voudrais respirer quoi, alors on ne peut plus vivre quand on est religieux ! », grogne Mikhal.

Pour ‘Hanna, Mikhal, comme pour nous toutes, dans notre vie au quotidien, certains choix nous conduisent à des tiraillements intérieurs, qui nous perturbent, minent notre moral, et peuvent même remettre en question notre attachement à Hachem. Difficile en effet de nous séparer complètement de nos anciennes habitudes, de notre passé, et faire siennes de nouvelles normes de vie, qui nous semblent être si lointaines et fastidieuses. 

Comment en effet, atteindre la Tsni’out (pudeur) de Sarah Iménou, le courage d’une Ra’hel, la piété d’une Léa, et l’abnégation d’une Ruth ? Comment faire face à ce changement d’orientation à 180° degrés de notre vie ? Je vous propose un moyen de saisir notre rôle à travers une réflexion sur un concept riche en enseignements : celui du soleil et de la lune.

Hachem créa les deux grands luminaires, le soleil et la lune, le premier jour de la Création, mais seulement le 4ème jour, ils reçurent l’ordre de prendre place dans la voûte des Cieux. Leur éclat était égal. La lune, pressentant une incompatibilité, se présenta devant Hachem, et Lui dit : « Deux rois ne peuvent pas régner avec la même couronne ! » Hachem lui répondit : « Va donc te diminuer ! », et la lune alla se diminuer. Que vient nous enseigner ce Midrach ? 

Le concept du soleil et de la lune, fait référence à l’homme et la femme. La femme, de par son cycle, son physique, ses moments de repli, ressemble à la lune, tantôt minuscule, tantôt à son apogée. L’homme, lui, ressemble au soleil : comme le jour, il a une fonction sociale visible.

Pourquoi la lune est-elle allée se plaindre, et de quoi ?

Le soleil est un principe de compréhension, la lune, de foi (Émouna). Concrètement, cela signifie que lorsqu’on voit clair dans notre vie, lorsqu’on comprend les évènements de notre vie, on est dans le principe du soleil. Mais, il arrive que parfois les évènements nous dépassent, on n’a pas d’autre choix que ne pas se buter, on a confiance que tout est réglé par Hachem, et on admet d’être dépassé dans notre compréhension.

Compréhension et Foi ne peuvent - à égalité - exister ! Il faut donner au libre arbitre sa place !

Et Hachem de répondre : « Si tu as compris tout cela, va te diminuer ! »

Pourquoi se diminuer ? 

Le monde entier tend vers l’expression, l’extension, l’expansion, la compréhension, l’épanouissement, le développement… Comment comprendre cette réponse d’Hachem ?  

Hachem a voulu dire à la lune : « Si déjà, tu as compris que deux rois ne peuvent pas cohabiter, que deux capitaines ne peuvent pas commander un même bateau, alors va, diminue-toi ! » Autrement dit : « Prends sur toi ce « Tsimtsoum », cette réduction de toi-même, pour permettre que ce bateau, ce couple, cette famille fonctionne comme il faut ! »

Le Maître du Monde, en conviant la lune à la réduction d’elle-même, nous indique discrètement le chemin à suivre pour nous, femmes. Et, ce n’est pas parce que nous sommes moins intelligentes, moins endurantes, moins capables, moins créatives… qu’Hachem nous invite à cette réduction, mais simplement pour nous donner le mode d’emploi pour réussir, qui repose sur ce principe et son acceptation réelle.

Quoi, voici que nous sommes conviées à nous ramasser, à nous contracter, à nous sacrifier, à nous conduire avec abnégation et pudeur… Quelle horrible condamnation ! N’est-ce pas un peu retardé, tout cela ?

Le Judaïsme et une large partie des cultures, jusqu’à il y a un peu plus d’un siècle, reposaient sur une organisation familiale du type soleil-lune. Mais les bouleversements sociaux et économiques, l’industrialisation, les médias et toutes les idéologies et philosophies ont tout déstabilisé dans le monde, voilant notre esprit de tous repères.

Les rôles hommes-femmes ont été bouleversés, le culte de la famille profané, les familles elles-mêmes disloquées, la recherche de la réussite des femmes exacerbée, les hommes sont souvent désorientés, tout devient complexe.

Peut-être qu’Hachem, en conviant la lune à sa diminution, nous laisse à nous le libre arbitre ? Y a-t-il vraiment un choix ?

Voyez le désastre des familles, des couples dans les sociétés dites avancées, tout est sans équilibre et seuls les projets à court terme sont envisagés par les couples, le divorce devenant normal, à priori. 

Mon expérience, en matière de couples et d’enfants, prouve que beaucoup de problèmes viennent des perturbations des rôles hommes-femmes où plus personne ne se retrouve entre les modèles reçus et ceux réactualisés par la Téchouva et le Judaïsme.

Décourageant ?!

Notre rôle de femme se tient-il juste aux fourneaux, à changer les couches et à faire le ménage ? Sommes-nous des citoyennes de seconde zone ? 

Hachem et la Torah ne cherchent à entacher ni l’éclat ni la grandeur de la femme, bien au contraire.

La femme juive n’est pas une femme résignée, c’est une femme active qui œuvre pour l’édification de sa famille. La femme juive est la pièce maîtresse de l’édifice du Judaïsme. En effet, le foyer juif se bâtit sur la charpente d’une femme au niveau physique, c’est elle qui met les enfants au monde et qui œuvre dans le domaine matériel. Au niveau psychologique et humain, c’est aussi elle qui donne un « Roua’h », crée une atmosphère dans son foyer. 

Le Midrach raconte qu’Hachem lui a rajouté du « ’Hen », beauté, grâce, pour embellir le monde, l’adoucir, l’assouplir. Il lui a octroyé des points de beautés pour l’aider à remplir cette fonction d’adoucissement, d’embellissement du monde. La femme juive qui est le pilier de la maison juive, doit se conduire comme la Halakha le demande avec « Tsni’out », pudeur, et ainsi les Bné Israël seront toujours une Ségoula pour Hachem. La femme juive œuvre pour l’expression, l’extension, l’expansion, la compréhension, l’épanouissement, le développement non seulement d’elle-même mais aussi de sa famille. Une femme Juive, consciente de son rôle, assure le bon fonctionnement de sa maison.

Pour mieux comprendre cela, remontons encore une fois à Béréchit. La Torah nous parle du caractère de dévouement, de générosité de la femme, car elle fut créée sur cette base. Hachem dit à Adam, en parlant de ‘Hava : « Voici une aide pour toi-même (‘Ézer kénegdo) ». Examinons ce verset :

« Kénegdo » signifie en face, pour toi-même ou « contre toi » : de la solitude, dos-à-dos, dans laquelle se trouvait Adam, on passe au face-à-face, la relation duelle. Par définition même, celle-ci est conflictuelle, mais les conflits favorisent l’évolution. L’homme et la femme sont dissemblables par nature et doivent faire face aux différences. L’atmosphère du couple fluctue, il ne peut pas toujours se maintenir à la position « beau fixe ».

« ’Ézer » une aide : en quoi consistait cette aide ? Avant la faute d’Adam Harichon, il n’y avait rien à faire, ni repassage, ni repas à préparer, ni grossesse etc… Nous n’avions rien à faire. Alors, en quoi consistait notre aide ? « L’aide de ‘Hava consistait à encourager son mari à grandir spirituellement : telle était et demeure notre tâche. » (Rabbanite Sim’ha Benchaya) 

Comme on peut le constater dans la vie, le rôle de la femme juive est un rôle actif et non de second plan. On a l’habitude d’entendre les femmes se plaindre de devoir « se soumettre » à leur mari, en référence au concept de « Bitoul » de la femme envers son mari, soumission, annulation de la femme envers l’homme. Notre matriarche Sarah par exemple a renvoyé Hagar, contrariant ainsi profondément Abraham Avinou. Sarah était-elle une femme rebelle ? Notre matriarche Rivka n’a pas hésité, en modifiant l’ordre des bénédictions, à changer le cours de l’Histoire. Peut-on dire de Rivka qu’elle ait manqué de soumission à son mari ? Ra’hel a aussi déjoué l’Histoire en donnant les « Simanim », les signes, à sa sœur qui a épousé Ya’acov Avinou. Est-elle insoumise pour autant ?

Il existe une Halakha : « Batel (qui vient du mot Bitoul) ba chichim ». Si une personne fait tomber quelques gouttes de lait dans une grande marmite de viande, nos Sages disent que c’est « Batel ba chichim », c’est-à-dire que ce lait est annulé. Pour autant n’existe-t-il plus ?

Aussi, pour traduire le mot « Bitoul », je préfère le mot INCLUSION, car Hachem attend de la femme, qu’elle s’inclue dans son mari. Le rapprochement physique d’un mari et de sa femme est avant tout la re-création d’une réalité spirituelle plus profonde, de l’entité première, en référence à celle de Adam...

Ce n’est plus la nature qui les pousse l’un vers l’autre, mais le besoin profond de se parfaire, d’être un à l’image de notre Créateur. Cette interdépendance n'est ni une soumission, ni une perte de son autonomie, ou de sa spécificité. C'est décider que son bonheur dépend du bonheur de l'autre, de vouloir ensemble se rendre heureux, et ensemble de réussir ce projet merveilleux qu’est le mariage juif, où chacun a un travail spécifique et complémentaire !