Il est bien connu que la grandeur et la fortune ne sont dispensées qu’à celui qui s’en détourne. De telle sorte que s’il ne les réclame ni ne les poursuit, elles s’offrent d’elles-mêmes à lui, tandis que s’il s’acharne à les obtenir, elles le fuient.
Ce principe sera mieux compris à la lumière du présent récit :
Un homme, jadis important, avait subi de sérieux revers de fortune. Dans la ville où il habitait résidait un magnat réputé pour sa générosité. Il décida un jour de se rendre chez ce dernier et de quémander, soit à titre de prêt, soit à titre de don, une somme de dix pièces d’or. Mais parvenu à son domicile, le garde le refoula, refusant de laisser pénétrer un inconnu.
Il résolut alors d’attendre dehors jusqu’à ce que le riche sorte pour se rendre à ses affaires : il profiterait alors de l’occasion pour lui adresser sa requête.
C’est alors qu’il attendait ainsi, appuyé contre un mur, posté sous une fenêtre, que la servante du riche, ignorant que quiconque se trouvât à cet endroit, s’approcha et entreprit de déverser la poubelle directement sur le misérable ! Celui-ci en fut tant peiné qu’il quitta son poste pour rentrer chez lui.
Sur le chemin du retour, ses yeux tombèrent sur une perle précieuse. Il s’en saisit, la vendit contre mille pièces d’or et sa peine changée en joie, il se dit que par les prodigieuses voies de la Providence, les hommes avaient fait de lui une poubelle afin que sur lui s’appliquent les mots du verset : « Des poubelles il élève le miséreux » !
Il ne fallut toutefois pas plus d’une année ou deux pour que notre homme se trouvât une nouvelle fois dans la gêne. Il décida alors de se rendre encore chez le riche afin d’obtenir de lui dix pièces d’or. Cette fois, le garde était absent et la porte était restée ouverte. Cependant, alors qu’il s’apprêtait à pénétrer dans la demeure, une pensée lui vint à l’esprit : mieux valait ne pas pénétrer dans la maison. Comme la fois précédente, il se contenterait de rester sous la fenêtre jusqu’à ce que la servante jette sur lui la poubelle. Le verset « Des poubelles il élève le miséreux » s’appliquerait encore à lui et il ne manquerait pas de trouver un autre trésor.
Passant de la pensée à l’action, le voici prenant ses quartiers sous la fenêtre dans l’attente de la pluie de détritus. Jouant cependant de malchance, deux heures s’écoulèrent ainsi sans qu’il ne vit sa patience récompensée. C’est alors que le riche, sortant de sa maison pour se rendre au marché, le trouva assis par terre sous la fenêtre : « Que fais-tu ici au lieu de rentrer chez moi ? Aujourd’hui, mon garde n’est pas à l’entrée pour t’en empêcher. » Celui-ci lui répondit : « C’est que je suis venu ici afin que de moi l’on fasse une poubelle » Et l’homme de faire le récit de sa précédente aventure avant de conclure :
« C’est pourquoi vous me voyez ici dans l’attente de voir en moi s’accomplir la parole du prophète : "des poubelles il élève le miséreux" »
Le riche lui dit alors : « Tu fais erreur. La fois précédente, la poubelle et le trésor te sont parvenus sans que tu ne les recherches. Car tu n’as pas souhaité qu’on fasse de toi une poubelle et tu n’as pas imaginé que tu trouverais un trésor.
En vérité, c’est du Ciel que tout a été décidé. Mais à présent que tu comptes obtenir tout ceci en connaissance de cause et par l’effet de ta volonté, ton espoir sera déçu et tu n’auras ni poubelle ni trésor. »
Ainsi, les honneurs et la richesse doivent-ils venir d’eux- mêmes. Il ne convient pas de les poursuivre. Tous les efforts et les trésors d’imagination déployés pour les obtenir resteront lettre morte.
C’est cela que nous apprend le verset de notre Paracha Tsav : « Telle est la règle de l’holocauste. »
Dans la langue sacrée, le mot holocauste se dit ola qui signifie également « celle qui s’élève » - la règle en matière d’élévation matérielle veut que gloire et fortune ne puissent être obtenus que parce que « c’est lui l’holocauste » , expression qui peut être entendue « c’est elle qui s’élève » , c’est-à-dire d’elle-même et sans que l’homme ne s’acharne à la poursuivre (Od Yossef ’Haï).
