L’année dernière, environ une semaine avant Pessa’h, ma femme a reçu une carte de vœux de la part d’une amie. J’ai trouvé ce geste touchant, témoignant d’une solidarité entre femmes caractéristique de cette période frénétique, tendue et des plus mouvementées de l’année.Voici ce qui était écrit sur la page de garde : « S’ils pouvaient envoyer un homme sur la lune… » et à l’intérieur : « Pourquoi ne pas tous les envoyer là-bas ? » En lisant cela, j’ai compris que quelque chose n’allait pas…

La préparation de Pessa’h est un procédé ardu. Le ‘Hamèts, contrairement à tout le reste des aliments interdits à la consommation, est habituellement permis, voire essentiel dans le foyer juif et la cuisine Cachère. La plupart des aliments interdits sont constamment interdits et ne se trouvent donc jamais dans les maisons juives. Aucun effort particulier n’est nécessaire pour préserver son foyer de ce type de nourriture. À l’opposé, le Hamèts, contenu dans le pain, les pizzas, les pâtes, les gâteaux et un nombre infini d’autres produits, est un élément de base de notre alimentation. Par conséquent, débarrasser toute la maison de la moindre trace de ‘Hamèts qui, durant tout le reste de l’année, s’est glissé sournoisement dans tous les coins et recoins, est un procédé laborieux. Ajoutons à cela les jeunes enfants, et nous voici face à un défi presque insurmontable.

Le ménage de Pessa’h représente un travail considérable qui, soyons honnêtes, repose principalement sur la maîtresse de maison. Aussi droits que nous soyons, prévenants, modernes, et scrupuleux de la Halakha (choisissez l’adjectif qui vous convient le plus ou qui vous blesse le moins…), la préparation de cette fête ne semble pas être répartie de manière équitable et proportionnelle (lorsque l’on tient compte des autres responsabilités comme le travail à l’extérieur, l’éducation des enfants, etc.)

Voici quelques conseils afin de nous sortir de cette torpeur dans laquelle nous nous plongeons volontiers à l’approche de Pessa’h.
 

Pour les femmes

* Vérifiez l’obligation que vous avez, du point de vue de la Halakha

Premièrement, faites ce que vous avez à faire, mais pas plus. Les Sages du Talmud se retenaient parfois de décréter une loi lorsqu’ils sentaient que c’était une « ‘Houmra [mesure de rigueur] que la plupart de la communauté ne serait pas en mesure d’appliquer ».  Dans le même esprit, Rav Pin'has Scheinberg qualifiait les pratiques concernant le ménage de Pessa’h, de « Koulot [permissions] que la plupart de la communauté ne peut supporter » - c'est-à-dire, la Halakha est souvent plus permissive que l’habitude répandue. Demandez à votre Rav, suivez la Halakha et votre Minhag, mais pas plus que cela.

Certaines personnes, motivées par les intentions les plus nobles, se fient à des exigences qui dépassent de loin ce qui est écrit. Ce comportement ne mériterait pas d’être souligné si les conséquences étaient sans importance. Toutefois, l’épuisement causé par tant d’investissement entraîne bien souvent une incapacité à rester éveillé le soir du Sédèr, qui est un facteur tellement important que bon nombre d’autorités Halakhiques (comme le Rav Naftali Tsvi Yehouda Berlin, le « Netsiv »), mettent les femmes en garde sur cette attitude qui les empêche de prendre part à cette expérience fantastique qu’est le Sédèr.

* Déléguez

Sachez demander de l’aide. Certaines femmes jouent aux martyrs pendant cette période et finissent par nourrir de la rancune au lieu d’exprimer leur besoin d’aide légitime.
 

Pour les hommes

* Accomplissez votre part de travail

Faites des efforts, effectuez un plus grand nombre de tâches.

Il existe un principe talmudique qui pourrait s’appliquer ici : « On atteint un niveau plus élevé dans l’accomplissement d’une Mitsva lorsque l’on participe activement à la réalisation de celle-ci au lieu de nommer une personne pour le faire à notre place. » Le sentiment de fierté qui nous envahit lorsque la maison est nettoyée de tout ‘Hamèts se mérite et doit faire suite à de nombreux efforts. Certes, nous avons tous des obligations en dehors de la maison qui occupent largement notre temps. Mais la priorité absolue de cette période doit être le nettoyage de Pessa’h, et vous avez également une part là-dedans. Comme dans chaque domaine, une discussion avec votre Rav vous aidera à répartir votre temps de la meilleure manière. Vous avez le pouvoir d’aider votre épouse à être présentable et réveillée le soir du Sédèr.

Exprimer de la reconnaissance pour tout le travail accompli par votre épouse (que votre aide active vous aura permis d’observer), peut prévenir de nombreux sentiments de colère et de peine, ainsi que des problèmes de Chalom Bayit qui persistent parfois longtemps après la fin de la fête.

Un groupe d’étudiants questionna un jour Rav Israël Salanter sur les lois à respecter dans la préparation de la Matsa, ce à quoi il leur rétorqua : « Ne criez pas devant les veuves qui préparent la Matsa. »

La cuisson de la Matsa était un travail saisonnier mal rémunéré qui attirait généralement les veuves âgées qui désiraient arrondir leurs maigres salaires. Les conditions étaient très difficiles - la montre tournait et chaque seconde comptait - le ton pouvait vite monter et la patience était mise à rude épreuve. Les personnes qui supervisaient les opérations perdaient souvent leur sang froid et hurlaient sur les femmes qui travaillaient. La Matsa réalisée de cette manière perd sa dimension de Kédoucha (sainteté), expliqua Rav Israël. De nos jours, si nous lui demandions les contraintes à observer pendant le ménage de Pessa’h, il nous répondrait très certainement : « Faites votre part du travail et aidez vos épouses. »

* Exprimer de la gratitude

En plus de votre implication dans diverses tâches ménagères, il est important d’exprimer de la gratitude à votre épouse, tant par les paroles que par les actes. Dire simplement : « Merci Myriam ! » à voix haute n’exempt pas de l’obligation d’être reconnaissant pour les heures interminables de travail. Pendant un mois, votre épouse a passé la plus grande partie de son temps à préparer la maison pour Pessa’h. Elle mérite plus que cela.

Il est écrit qu’un homme doit acheter un présent à son épouse avant Yom-Tov. Cela est vrai pour chaque fête, mais le cadeau qui précède Pessa’h doit être plus élaboré, de même que les paroles de louanges qui l’accompagnent. Le mot qui vient avec le cadeau est plus important que le cadeau. Détaillez donc clairement tous les efforts extraordinaires de votre femme et remerciez-la sincèrement. Louez sa piété et son dévouement, et faites-le plusieurs fois.
 

Pour les enfants

Les enfants également ont l’obligation de participer aux préparatifs de Pessa’h et de se montrer reconnaissants. Les Yéchivot accordent des vacances quelques semaines à l’avance afin que les enfants apportent leur aide à la maison.

Si chacun s’investit et reconnait les efforts de la maîtresse de maison, l’ambiance de la fête n’en sera que plus joyeuse. C’est la bonne chose à faire, à moins d’imaginer un futur apocalyptique dans lequel les femmes juives chargeraient la NASA de construire des arches gigantesques capables de transporter tous les hommes juifs vers la lune…


Rabbi Cary Friedman