A l’approche du Yom Hadin, le jour du Jugement, nous avons besoin de Né’hama, de réconfort et de Yéchou'a, de secours. Permettez-moi de vous livrer une histoire qui démontre vraiment que nous ne sommes jamais seuls, que le Zekhout Avot, le mérite de nos ancêtres, de nos grands-pères et grands-mères, nous accompagne toujours sur notre chemin.

Ma nièce Ra’hel passe ses étés avec sa famille dans un bungalow dans les montagnes des Catskills. Il y a quelques semaines, elle a eu une urgence dentaire et a dû se rendre en ville pour se faire arracher une dent de sagesse. Armée d’antibiotiques et d’antidouleurs, elle retourna dans son bungalow, donna le repas du soir à ses enfants, et s’apprêta à se retirer pour la nuit. Elle a dû faire une réaction allergique à ses médicaments, car soudain, au milieu de la nuit, elle se réveilla le souffle coupé, avec des difficultés à respirer. Alors que son état s’aggravait, elle réalisa qu’elle devait téléphoner à Hatsala. De manière caractéristique, ces anges de compassion arrivèrent en quelques minutes. Ra’hel fut soulagée de les voir, et se sentit encore plus en sécurité lorsqu’elle reconnut un membre de l’équipe de Hatsala, un jeune homme qui avait grandi dans le quartier de Canarsie à Brooklyn, où mes parents, le Rav et Gaon Avraham Halévi Jungreis et la Rabbanite Miriam Jungreis, de mémoire bénie, résidaient. Ce jeune homme priait dans la synagogue de mon père et sa mère était l’amie intime de ma mère. Ra’hel avait également grandi à Canarsie, à quelques pâtés de maison de mes parents. Je suis certaine que vous comprendrez qu’il était réconfortant pour Ra’hel de voir un visage familier dans de telles circonstances.   

L’équipe de Hatsala décida rapidement de conduire Ra’hel aux urgences d’un hôpital voisin, où elle fut traitée. Au bout de quelques heures, son état se stabilisa ; l’infirmière non-juive, très gentille, qui s’était occupée d’elle pendant la nuit, l’informa qu’elle pouvait retourner chez elle. Reconnaissante, Ra’hel appela un taxi, mais fut choquée du prix qu’on lui demandait : 75 dollars. « Mais, protesta Ra’hel, ma colonie se trouve à quelques minutes d’ici ! » « C’est le prix, madame ! » insista son interlocuteur.  

En entendant la conversation, l’infirmière fit signe à Ra’hel de laisser tomber et de raccrocher.

« Je finis bientôt ma garde et je vais vous raccompagner à la maison en voiture », se proposa-t-elle.

Touchée par sa générosité, Ra’hel tenta de protester. Après tout,  elle avait été très plaisante et attentive, et elle ne voulait pas profiter encore de son temps. Travailler une garde de nuit aux urgences est suffisamment épuisant, il n’est pas nécessaire de faire un détour pour raccompagner un patient chez lui. Mais l’infirmière insista, assurant qu’elle se sentait privilégiée de faire un geste pour le peuple juif.

Voyant l’expression étonnée de Ra’hel, l’infirmière expliqua qu’elle avait été victime d’un mariage violent, son mari l’avait maltraitée, mais grâce à D.ieu, elle avait réussi à se tirer d’affaire. Elle avait déménagé avec ses jeunes enfants dans un quartier de Brooklyn où, bien qu’elle ne connût personne, un rabbin extraordinaire avait fait tout son possible pour la traiter avec bonté.

« De quel quartier s’agit-il ? », demanda Ra’hel.

« Oh, vous n’en avez certainement jamais entendu parler », répondit l’infirmière.

« Dites-moi », insista Ra’hel.

« Canarsie. »

« C’est là où j’ai grandi ! », s’exclama Ra’hel.

« Je n’y crois pas !, répondit l’infirmière. Il y avait ce Rav au visage tellement saint. C’est l’homme le plus compatissant que j’ai jamais rencontré. Il ne parlait pas anglais si bien, mais à chaque fois qu’il me voyait, il me disait bonjour très chaleureusement… ce que personne d’autre ne faisait. De plus, lorsqu’il voyait mes enfants, il mettait sa main en poche et cherchait un bonbon ou un chewing-gum à leur donner. Et sa femme était une épouse si douce. Une toute petite femme, mais pleine d’énergie, et chaque fois qu’elle me voyait, elle me demandait toujours comment je m’en sortais et me souhaitait bon courage. Je n’ai jamais oublié ce Rabbi et son épouse », conclut l’infirmière, « alors dès que j’ai l’opportunité de faire quelque chose pour le peuple juif, j’ai le sentiment qu’à ma manière, je redonne ce que j’ai reçu. »  

Bouleversée, Ra’hel avait du mal à parler. Ses yeux s’emplirent de larmes. « Ce Rav et son épouse étaient mes grands-parents… Mon grand-père et ma grand-mère, le Rav et la Rabbanite Jungreis, de mémoire bénie », dit-elle. 

« Oh, mon D.ieu !, s’exclama l’infirmière. C’est exact ! C’est bien leur nom. Oh, mon D.ieu », ne cessait-elle de répéter, et ses yeux se remplirent de larmes également.

Je vous livre cette histoire pour vous rappeler que nos grands-parents ne nous abandonnent jamais. Ils sont là pour nous aider à affronter les multiples épreuves et vicissitudes qui nous assaillent constamment sur le plan personnel et général. A un moment ou un autre, nous vivons tous des moments de crise où nous sommes paralysés par la peur et nous demandons comment nous en sortir. Nous aimerions appeler Hatsala, mais nous savons qu’aucune équipe de Hatsala n’est en mesure de soulager la douleur de notre cœur et notre âme.  Et soudain, comme venue de nulle part, l’aide arrive. Le Chidoukh qui, pensions-nous, n’aboutirait pas ; le bébé que nous ne pensions pas mettre au monde ; la Réfoua, la guérison d’une maladie pour laquelle les médecins avaient baissé les bras ; et le chèque pour nous aider à rembourser nos dettes. Nous voyons de telles délivrances, non seulement sur le plan personnel, mais aussi national. Notre émergence de l’enfer de Hitler et notre retour sur notre terre ancienne…tout s’est passé en un clin d’œil, mais trop souvent, nos cœurs malmenés et meurtris ont du mal à assimiler et à comprendre la source de notre aide.  

Contrairement à Ra’hel, qui a eu l’opportunité d’interroger son « messager », la majorité d’entre nous n’avons pas la chance de tenir de telles conversations, et nous ne savons pas rassembler les pièces du puzzle. Mais ne faites pas d’erreur, notre salut, notre secours a toujours une source. C’est le Zekhout Avot, le mérite de nos ancêtres, les longs bras aimants de nos grands-parents tendant la main du Ciel et nous embrassant… et je sais avec certitude que même maintenant, ils plaident en notre faveur. Lorsque nous prierons à Roch Hachana et Yom Kippour, ils prieront à nos côtés, implorant Hachem pour une bonne année pour nous, leurs précieux Kinderlach, leurs précieux enfants.