Le Midrach nous enseigne, sur le verset de Michlé (chapitre 31) : « Elle cherche de la laine et du lin. » - Il s’agit de Léa, notre matriarche, qui accueillit Ya’acov avec un visage avenant, comme il est écrit : « Ya’acov vint du champ, le soir. Léa sortit à sa rencontre et lui dit : "Vers moi, tu viendras, car j’ai payé pour toi". » De ce fait, elle mérita de donner naissance à une lignée de rois et de prophètes.

Détaillons cet incident et essayons de comprendre la signification du Midrach pour pouvoir saisir la portée de sa récompense.

Léa et Ra’hel étaient les deux filles de Lavan (le frère de Rivka). La Torah raconte que Ra’hel était belle (et elle était destinée à se marier avec Ya’acov, un homme sain qui consacrait sa vie au service d’Hachem). Quant à Léa, ses yeux étaient affaiblis par les larmes qu’elle versa pour ne pas partager sa vie avec ‘Essav, un homme dont les objectifs étaient l’antithèse des siens. 

Y’aacov, qui fuyait son frère Essav, arriva chez Lavan et se fiança avec Ra’hel. Il travailla pendant sept ans pour obtenir le droit de se marier avec elle. Mais Lavan décida que Léa (et non Ra’hel) épouserait Ya’acov, parce qu’elle était l’aînée et qu’elle devait se marier en premier. Pour Léa, ce fut l’opportunité rêvée d’échapper à son horrible destin. Ainsi, Léa se maria avec Ya’acov pour de nobles raisons, mais ce dernier, dupé, était furieux. Le Midrach raconte qu’il traita Léa de trompeuse, et qu’il fut même prêt à divorcer d’elle. Le Midrach ajoute que les voisines de Léa se mirent à la haïr, désapprouvant son agissement envers Ra’hel. Elles l’avaient toujours estimée sainte ; mais à présent, elles l’ostracisaient.

Devant l’isolement de Léa malgré ses nobles intentions, Hachem lui donna la possibilité de concevoir, en dépit de sa stérilité. Léa eut trois fils (conformément à la prophétie que Ya’acov aurait douze fils – soit trois par épouse), puis un quatrième dont la naissance la combla de bonheur (elle avait reçu plus que sa part). 

Pendant toute cette période, Ra’hel n’eut aucun enfant. Elle décida d’émuler Sarah et de proposer à Ya’acov de se marier avec sa domestique Bila, espérant que cette dernière serait une « mère porteuse » et qu’elle mériterait, grâce à ce sacrifice, d’avoir un jour ses propres enfants. Et effectivement, Bila eut deux garçons que Ra’hel aida à élever. Léa vit que Ra’hel avait permis à Y’aacov d’avoir plus d’enfants et se dit qu’elle devait également s’efforcer d’aider Ya’acov à atteindre son objectif, celui d’avoir douze fils. Léa proposa à Ya’acov de se marier avec sa servante, Zilpa. Ce faisant, Léa se montra digne d’être l’une des Imaot (Matriarches). Elle fit entrer une autre femme qui rivaliserait avec elle concernant le temps et l’affection de son mari, pour son élévation spirituelle.

Après la naissance de deux fils chez Bila et de deux autres chez Zilpa, Réouven (le fils aîné de Léa), alla cueillir des Doudaïm, des fleurs aux vertus spéciales. Ra’hel demanda à Léa de lui donner ces Doudaïm. Au départ, Léa ne voulut pas renoncer au cadeau de son fils, mais elle le fit pour avoir l’occasion de passer une nuit avec Ya’acov. Le Midrach fait allusion à cet épisode quand il commente le verset : « Elle cherche de la laine et du lin. » 

Léa sortit pour informer Ya’acov du changement de programme pour la soirée à venir, lui expliquant qu’elle avait échangé le cadeau de son fils pour passer du temps avec lui. Quand Ya’acov se rendit dans la tente de Léa, la Torah nous informe : « Hachem écouta Léa. Elle conçut et enfanta à Ya’acov un cinquième fils. » On ne nous parle d’aucune conversation préalable, qu’y avait-il à écouter ? Rachi explique qu’Hachem entendit le désir ardent de Léa d’aider Ya’acov à avoir d’autres enfants. Pour récompenser ses nobles motivations, un cinquième fils, Issakhar, fut conçu cette même nuit.

L’action de Léa eut des corollaires sur les descendants d’Issakhar qui devinrent l’aristocratie intellectuelle de toutes les tribus. En outre, les descendants d’un autre fils de Léa – Yéhouda – devinrent rois. Ces deux frères (ainsi que Zévouloun, un autre fils de Léa) campaient ensemble à l’est du Michkan (du Tabernacle), endroit qui symbolise la Torah. Les descendants de Lévi, un autre fils de Léa, campaient tout autour du Michkan. Les Léviim enseignaient la Torah et effectuaient des tâches auxiliaires dans le Michkan. Le plus célèbre descendant de Lévi –  Moché –  fut le prophète ultime ; il parla avec Hachem en « face à face » et transmit Sa Torah au peuple juif. Les Kohanim, issus de la tribu de Lévi, servaient dans le Michkan en tant que prêtres et créèrent un lien très étroit entre Hachem et le peuple juif.

Les fils de Léa méritèrent de vivre dans les endroits les plus méritoires du camp et occupèrent les postes les plus éminents, tant sur le plan politique, religieux, spirituel qu’éducationnel. Le tout, du fait du dévouement de leur mère. Léa ne désirait pas avoir des enfants pour assouvir son instinct maternel ni pour brandir le sceptre du pouvoir. Elle voulait des enfants qui élèvent le monde à un niveau spirituel supérieur. Ainsi, ses enfants devinrent un conduit de spiritualité à travers le service des Kohanim, des Léviim, leur rôle de rois ou d’érudits en Torah.

Léa s’investit dans son but de mettre les Chévatim au monde, bien que cela lui provoqua des désagréments et de l’inconfort : son mari ne la soutenait pas, ses amis et sa famille se moquaient d’elle en voyant les efforts qu’elle fournissait. 

La Echet ’Haïl (« Elle cherche de la laine et du lin. ») investit ses forces dans un objectif bien précis – même si la responsabilité de le concrétiser ne lui incombe pas. Elle se porte volontaire pour rechercher de la laine et du lin pour le tissage, bien que ce soit la responsabilité de son mari (sa tâche à elle consiste à filer et à tisser et non à apporter les matières premières). Il est facile de faire ce qu’il convient quand notre mari nous épaule, et que nous suivons l’avis général. Il est bien plus difficile d’accomplir quelque chose que nous ne sommes pas tenues de faire, ou que les autres font très différemment.

Notre intérêt doit porter sur la bonne chose à faire. Nous devons continuellement nous focaliser sur notre capacité à améliorer la situation plutôt que de nous concentrer sur les avantages à tirer de notre conjoint ou de nos amis. Nous ne pouvons changer notre époux, ni nos enfants, ni nos parents. La seule personne que nous pouvons transformer, c’est la nôtre. Si nous assumons la responsabilité pour nos propres choix et comportements, nous pourrons prendre de meilleures décisions, prendre des initiatives.

En tant qu’employé honnête, le vendeur d’un magasin respecte ses horaires de travail, mais il ne cherche pas à être créatif ou à améliorer l’état du magasin. Le propriétaire du magasin, quant à lui, réfléchit très différemment. Il est là quand le premier client arrive et reste en boutique jusque tard le soir, travaillant aussi dur que possible pour augmenter ses bénéfices.

Dans nos foyers, nous pouvons décider de travailler comme des employées ou comme des propriétaires. En tant qu’employées, nous chercherons toujours à ce que le travail soit effectué par quelqu’un d’autre et nous nous sentirons dupées si le partage n’est pas « fifty-fifty ». Si nous sommes des propriétaires, nous investirons notre propre personne, toutes nos forces et notre énergie pour faire de notre maison le meilleur endroit possible...

Nous assumerons la responsabilité de ce qui se passe dans notre foyer – et dans notre avenir. En tant que propriétaires, nous ferons tout ce qu’il faut pour que notre projet soit couronné de succès.

Adapté d'un extrait du livre "Echet 'Haïl aujourd'hui"