Chaque mercredi, retrouvez les aventures de Eva, célibattante parisienne de 30 ans… Super carrière, super copines. La vie rêvée ? Pas tant que ça ! Petit à petit, Eva découvre la beauté du judaïsme et se met à dessiner les contours de sa vie. Un changement de vie riche en péripéties… qui l’amèneront plus loin que prévu !

Dans l'épisode précédent : Maintenant résidente à Jérusalem, Eva stresse à l’idée de trouver un travail qui lui convienne. Elle finit par décrocher un poste de chargée d’évènementiel chez Israël ‘Hessed, un organisme religieux d’entraide. Tout se met en place dans sa nouvelle vie. Tout… ou presque !

Au milieu de ma vie israélienne à 100 à l’heure, il y avait mon petit plaisir du matin : m'asseoir aux terrasses de café ensoleillées, apprécier un bon café avec un max de lait et m’offrir quelques minutes de pur plaisir avant de me jeter à corps perdu dans mon nouveau travail ! Déborah et Léa, les responsables de mon nouveau travail chez Israël ‘Hessed, ne m’avaient pas menti : il fallait relever ses manches et ne pas compter ses heures. Il y avait tellement de choses à faire ! Entre l’organisation d’une collecte géante de courses pour les familles démunies, la fête pour les personnes âgées à organiser dans les hôpitaux, la Bar-Mitsva de ce garçon dont les parents ne pouvaient financer une fête… ça ne s’arrêtait jamais et pas question de se défiler ! 

Pour la première fois de ma vie, j’avais l’impression d’avoir un but. Je mettais toutes mes expériences apprises à Paris, au service des familles juives. Et je me sentais utile. Utile à mon peuple. C’était un sentiment euphorique, même si certains jours, je m’endormais tout habillée sur mon lit, tellement j’étais épuisée. 

Et puis, il y avait un phénomène très étonnant que j’avais découvert en Israël : tout le pays cherchait à me marier ! Dès que je rencontrais une nouvelle personne (au travail, aux cours, dans le bus), la première question qui venait dès que je disais que j’avais 30 ans, c’était : “Et tu es mariée ?”. Pas sûr que ce soit propre au pays, je crois que c’était un truc très commun chez les Juifs. C’est vrai qu’à Paris, mon entourage était mélangé, donc je le sentais moins, mais ici on vivait dans une gigantesque famille, donc ça revenait très, très, très fréquemment ! 

Ce n’était pas l’envie de fonder un foyer qui me manquait, mais je n’avais pas non plus envie de me précipiter sous la ‘Houppa avec le premier venu. J’avais fermé la porte à David (ce qui m’avait demandé beaucoup de courage et une grande aide du Ciel), parce que j’avais un projet de vie. Au-delà de la joie d’être à deux et du bonheur d’avoir un jour un (ou plusieurs) enfant(s), j’avais tout autant envie de bâtir quelque chose. Quand j’étudiais au séminaire la notion du foyer Juif, qui ressemblait à un Beth Hamikdach (Temple), je trouvais ça magnifique et ça me touchait profondément. J’avais envie de construire ça réellement. Et j’étais consciente que je ne pourrais pas le faire avec n’importe qui.

Au début, un peu naïve, j’acceptais toutes les gentilles propositions de rencontrer les fils, les neveux, le collègue du mari de la voisine… Tous, des garçons décrits comme des Moché Rabbénou, sportifs, gentils et drôles. Mais après quelques cafés pris avec chacun de ses Tsadikim, je m’étais rendue compte que si, bien sûr, ils avaient de nombreuses qualités, il ne suffisait pas d’être Juif, pratiquant et célibataire, pour que ça garantisse une compatibilité. J’avais bien sûr essayé (comme promis) de contacter Mme Friedman, la Chadkhanite qui organisait des rencontres en vue du mariage pour les jeunes religieux, mais je n’arrivais jamais plus à la joindre. En réalité, je n’étais pas non plus si pressée que ça de lui parler. A croire qu’Hachem n’avait pas pour projet de me marier de si tôt.

Mon amie Dana, que j’avais connue au séminaire et qui s’était mariée 6 mois plus tôt, avait bien sûr essayé de jouer les entremetteuses avec un des amis de son mari. Mais là non plus, ça n’avait pas collé. Et un soir qu’on s’était retrouvées à une soirée “Hafrachat ‘Halla” ensemble, j’en profitais pour lui confier mes convictions secrètes par rapport aux projets Divins.

- Ah c’est sympa, me dit Dana avec la plus grande des ironies. Je ne savais pas que tu étais le bras droit d’Hachem et qu’Il te confiait tous Ses projets.

- Très drôle Dana, mais c’est vrai ! Regarde, je sors en Chiddoukh, ce n’est pas comme si je ne faisais pas d’effort. Ça ne colle jamais. Ni à Paris, ni ici, et c’est pas faute d’avoir galéré. Ça veut donc dire que le mariage pour moi, n’est pas dans un futur proche.

- Ok madame “je sais tout”. Déjà, est-ce que tu sais ce qui te conviendrait ? Quels sont les critères que tu recherches en priorité chez l’autre ? 

- Euh… oui, bien sûr, fonder un foyer Cachère, je répondais à demi-voix.

- Ça, c’est pas un critère, je te parle de traits de caractère. Moi, quand j’ai rencontré mon mari, je voulais à tout prix quelqu’un qui soit optimiste et très actif. Et je voulais un mari qui étudie à plein temps. 

- Ah bon ? C’était voulu dès le départ d’épouser un Avrekh qui étudie toute la journée au Collel ?

- Bien sûr ! Je souhaitais au fond de moi créer un Beth Hamilkdach, un foyer où les valeurs juives et l’éducation dans le respect des lois seraient des piliers. Et pour pouvoir réaliser tout ça, je souhaitais rencontrer un homme qui étudie tous les jours, et qui consacre toute la journée à la connaissance de la Torah.

- C’est fou ! Moi aussi j’ai envie de construire un foyer spirituel. C’est exactement ce que je me dis ! Mais attends, excuse-moi de te poser cette question, mais ça ne t’angoisse pas, côté finance, qu’il ne travaille pas ?

Elle partit dans un grand éclat de rire.

- Mais pas du tout ! On fait équipe. Moi je travaille et lui m’apporte la Brakha, la bénédiction dont j’ai besoin pour réussir. Et c’est impressionnant comme ça fonctionne ! On a pris cette décision d’un commun accord, lui et moi, avant le mariage. C’est vrai que c’est une grande responsabilité pour moi, mais c’est aussi une grande source de fierté. Tu as l’air étonnée par tout ça…  

- Non pas du tout, mais j’ai du mal à le concevoir. En France, si tu n’as pas de carrière, tu as raté ta vie.

- Baroukh Hachem, c’est pour ça qu’on a étudié au séminaire, pour pouvoir penser de la bonne façon ! A 120 ans, ce qui comptera, ce sera ce que tu auras accompli dans ta vie, pas le nombre d’échelons que tu auras gravi au travail. Et ça vaut aussi bien pour l’homme que pour la femme.

Pendant que toutes les femmes présentes dans la salle pétrissaient la pâte des ‘Hallot avec application, moi, je ressassais les mots de Dana. Elle venait en une phrase de m'envoyer des années avant, à Paris, la première fois que j’avais assisté à un cours de Torah, chez mon amie Guila. Le rabbin avait dit exactement la même chose sur l’essence de la vie. Et ça avait été le point de départ de ma Téchouva. Et puis, je devais me rendre à l’évidence, mes expériences et surtout ma vie à Jérusalem, avaient bouleversé toutes mes certitudes. C’est vrai que je voulais plus que tout fonder un solide foyer de Torah et, comme l’avait dit Dana, il fallait que je me donne les moyens, et ça voulait dire faire certains choix.

Toute cette conversation m’avait remuée. En sortant de la soirée, Dana avait dû le remarquer sur mon visage, parce qu’avant de partir, elle me dit : “Tu sais, à défaut de connaître Ses projets, fais confiance à Hachem et laisse-Le gérer, Il sait ce qu’Il fait… bien mieux que nous.”

Ça avait eu le mérite de me faire sourire ! C’est vrai, jusqu’ici j’avais fait confiance à Hachem pour tout et ça m’avait plutôt bien réussi.

3 semaines après cette drôle de soirée avec Dana, j’organisais un grand rassemblement devant les portes d’un supermarché de Jérusalem. L’objectif était de rassembler un maximum de produits alimentaires pour les familles nécessiteuses et j’avais soumis à mes responsables l’idée de faire une grande journée-événement festive, où on encouragerait en musique et avec des animations les clients à donner pour les familles. Je courais dans tous les sens depuis les premières heures de la journée, ça n’arrêtait pas ! J’avais attribué les rôles des bénévoles, expliqué au magicien à quel moment il devrait faire son spectacle pour les enfants, et j’avais réceptionné les banderoles pour annoncer l’opération. J’avais beau m’agiter, au fond de moi, j’étais super stressée. C’était mon premier évènement pour l’association Israël ‘Hessed, et plus que l’envie de réussir, je voulais aider un maximum de familles. 

Cette journée fut au-delà de mes espérances ! Les familles qui entraient pour faire leurs courses s’arrêtaient pour participer aux animations, échangeaient quelques mots, donnaient des conseils… et surtout participèrent à la collecte ! Heure après heure, les produits s’entassaient dans les cartons, les bénévoles étaient débordés, et moi… bah, comme d’habitude, j’étais émue aux larmes ! Je n’avais jamais vu une solidarité à si grande échelle, c’était la véritable beauté du ’Am Israël, où chacun se souciait de l’autre. 

Après 9 heures à piétiner à droite, à gauche, l’animation prit fin et c’était l’heure de remballer les banderoles, les animations, et surtout de remettre les colis d’aide alimentaire. J’étais dans un état d’épuisement que j’avais rarement connu, et j’étais au téléphone à raconter les détails de la journée à ma responsable Déborah, quand une équipe de nouveaux bénévoles arriva pour récupérer les colis. D’un geste de la main, je leur indiquais, l’oreille toujours collée au téléphone, les cartons qui étaient prêts à partir. Étrange, au lieu d’aller vers les cartons, un des jeunes hommes vint dans ma direction. 

- Eva ? Bonjour ! Comment vas-tu ? C’est toi qui as organisé tout ça ?

Michaël ! Devant moi. Avec un grand sourire. Michaël que j’avais rencontré en Chiddoukh l’été dernier, quand j’étudiais au séminaire. Michaël que j’avais trouvé génial, mais qui m’avait effrayé quand il m’avait expliqué vouloir travailler à mi-temps, pour consacrer toutes ses matinées à l’étude de la Torah. Michaël que j’avais refusé de continuer à voir, parce que je ne me sentais pas prête pour cette vie. Michaël qui m’avait expliqué lors de notre première rencontre qu’il livrait des courses aux familles nécessiteuses.

Tous les éléments du passé se rejoignent devant mes yeux, telles les pièces d’un puzzle qui s'emboîtent naturellement les unes aux autres.

- Eva ? Tu me reconnais ? Je m’appelle Michaël, on nous a présentés l’été dernier. 

Visiblement, j’avais buggé suffisamment longtemps pour avoir l’air figée. Il fallait que je me ressaisisse !

La suite la semaine prochaine...