Dans la Torah, nous trouvons diverses références à des montagnes qui occupent un rôle central dans notre histoire. Nous faisons connaissance avec le Har Hamoria, où Avraham Avinou a failli offrir son fils Its’hak en Korban, en sacrifice.

Sur cette montagne, des anges sont apparus à Avraham et Its’hak. Sur cette montagne, Ya’acov Avinou a ressenti la Kédoucha, la sainteté et a reçu d’immenses Brakhot. Sur cette montagne, le Beth Hamikdach, le Temple, a été construit.

Cette montagne, qui a abrité tant de sainteté, a eu sa part de tragédies. Elle a certes observé beaucoup de Kédoucha (sainteté), mais lors de la période de destruction du Temple, sa Kédoucha a été souillée et la Touma, l’impureté, y a élu résidence.

La Torah évoque le Har Haguérizim et le Har Evol, des montagnes situées à côté de Chékhem. Sur l’une d’elles, des Brakhot éternelles ont été données. Sur l’autre, des condamnations se sont fait entendre pour ceux qui ne suivent pas la Torah. Une montagne était couverte de verdure, l’autre était déserte et stérile. C’est encore le cas aujourd’hui.

Les Prophètes évoquent le sommet sur lequel Eliyahou Hanavi a affronté les prophètes du Ba’al.

Mais la montagne la plus centrale pour nous est le Har Sinaï. Petite montagne, son sommet surplombe le paysage de l’histoire juive. A Chavouot, le souvenir de la montagne est évoqué en conjurant l’image de millions d’individus campés autour de son périmètre, en proie à un effroi mêlé d’admiration. Ils avaient voyagé pendant quarante-cinq jours, suivi Moché Rabbénou par un désert torride et sableux pour y arriver.

Effectuant un périple qui commença à la Création, la nation se dirigea vers son destin. Béréchit : Bichvil Hatorah Chénikra Réchit : pour la Torah que l’on appelle Réchit (commencement).

Il y a eu des éclairs et du tonnerre. Le son du Chofar a retenti, devenant de plus en plus fort. La fumée s’est élevée à partir de la montagne, située sous un nuage épais. La voix divine a résonné dans tout l’univers, faisant trembler les fondations de la terre. Les enfants d’Israël étaient craintifs. Ils observèrent alors leur dirigeant gravir la montagne et disparaître dans les nuages.

En étudiant le récit de Moché Rabbénou sur le Mont Sinaï, nous reconnaissons que pour accéder à la sainteté suprême, nous devons souvent avancer dans le brouillard. Nous devons nous évertuer à persévérer et ne pas freiner lorsque nous sommes enveloppés par l’obscurité.

En présence de Kédoucha, la Touma cherche à s’infiltrer pour la détruire. Plus nous construisons et nous nous développons, plus les forces de la Touma cherchent à entrer et à distiller leur poison.

Au fil du temps, des individus à la recherche d’inspiration ont aspiré à s’élever et à se purifier, afin de ne pas être plombés par le brouillard, la fumée et les bruits fracassants qui les entouraient. Ils se sont courageusement engagés vers la Kédoucha.

Depuis le Mont Sinaï, les Juifs ont affronté l’obscurité et le brouillard. Tout comme Moché l’a fait en entrant dans la brume au-dessus de la montagne, les hommes attirés par la sainteté et la pureté comprennent qu’ils doivent avancer sans se laisser perturber par l’ambiance trouble qui affecte les autres.

Le Rav de Brisk présidait un jour à la cérémonie de mariage. Debout sous la ‘Houpa (dais nuptial), le moment était venu pour le ‘Hatan de placer l’anneau au doigt de la Kalla et d’annoncer qu’elle devenait son épouse. Alors que le jeune homme tentait de placer l’anneau sur son doigt, il était si nerveux qu’il trembla et fit tomber la bague.

Son père se baissa, ramassa la bague tombée à terre et la restitua au ‘Hatan. Une fois de plus, la main du ‘Hatan trembla tellement en tentant de placer l’anneau sur le doigt de sa Kalla que la bague tomba au sol. Son père la ramassa et la lui rendit.

Le ‘Hatan nerveux fit une troisième tentative de placer l’anneau sur le doigt de la jeune fille. Cette tâche, semble-t-il, facile lui échappa à nouveau et l’anneau tomba à terre. Cette fois-ci, on entendit des murmures dans l’assistance. Quelqu’un se tourna vers le Rav et dit : « On dirait que c’est le signe qu’ils ne doivent pas se marier. Il faudrait peut-être annuler toute la cérémonie. »

 Le Rav secoua la tête. « C’est un signe que le couple devait se marier maintenant et non trois minutes plus tôt. »

En entendant ces propos, le garçon se calma. Son père lui tendit la bague, qu’il plaça au doigt de la Kalla et il énonça alors la formule traditionnelle : « Haré At Mékoudéchet Li…Tu m’es consacrée… »

Souvent, l’avenir a l’air sombre et nous voyons des signes du Ciel indiquant telle ou telle direction. Nous devons toujours rester fixés sur notre but et ne pas nous décourager. Nous ne considérons pas les échecs comme des signes de défaite, mais comme des défis à relever.

L’étude de la Torah est difficile, et souvent, en étudiant, nous avons le sentiment de nous trouver dans un brouillard, perdus dans une brume d’incompréhension. Nous ne parvenons pas à suivre le raisonnement de la Guémara ni l’argument des Tossefot. Nous disons que la Souguia est trop difficile pour nous à comprendre. Nous voulons uniquement fermer la Guémara et trouver une occupation plus facile.

Nous devons retenir que telle est la voie de la Torah. Elle ne s’acquiert pas facilement, mais nous nous y immergeons néanmoins, et après beaucoup de travail, nous commençons à la comprendre et à apprécier sa beauté et son brio.

Rav Chemouël Auerbach a relaté une histoire qu’il a entendue d’un témoin. L’un des vertueux Tsadikim de Jérusalem possédait une Kémia (amulette) qu’il prêtait aux Juifs à la recherche d’une Yéchoua, d’une délivrance. Le document kabbalistique avait été rédigé par le Taz, auteur du Touré Zahav sur le Choul’han Aroukh. Cette amulette était particulièrement puissante et de nombreuses personnes qui s’en servirent réglèrent leurs problèmes.

Le propriétaire de l’amulette était très curieux de découvrir ce qui était écrit sur le morceau caché du parchemin, qui lui conférait un tel pouvoir. Bien qu’une amulette perde généralement de son pouvoir lorsqu’on l’ouvre, il fit le raisonnement qu’il pouvait copier les Noms secrets de Hachem et des anges sur un nouveau parchemin et préserver la faculté d’aider des gens en situation de détresse.

En ouvrant le texte sacré et ancien, l’homme découvrit avec stupeur qu’il ne contenait aucun Nom saint ni de noms d’anges. On pouvait y lire une ligne de l’écriture du Taz qui disait : « Cher Créateur du monde, apporte de grâce le salut et les bénédictions à la personne portant cette amulette, par le mérite de mon effort profond pour comprendre les termes du Tossafot dans ‘Houlin page 96. »

C’est le pouvoir de la Torah. C’est la récompense pour l’assiduité dans la compréhension des propos d’un Tossefot. La Torah donne vie à ceux qui luttent à travers le brouillard pour comprendre et saisir ses termes et messages empreints de sainteté. La force qu’elle procure à ses fidèles est éternelle. Mais nous devons exercer de la patience, de la discipline et de l’intelligence pour accéder à une juste compréhension de la Torah. Nous ne pouvons arrêter et capituler.

Dans le Nakh (Chemouël I, chapitre 13), nous lisons que peu de temps après la nomination de Chaoul au poste de roi, les Plichtim (Philistins) se rassemblèrent pour combattre le Am Israël, le peuple juif. Les Juifs se cachèrent dans des grottes et des fosses, tandis que Chaoul et sa petite armée se préparaient pour la bataille. Le prophète Chemouël avait demandé à Chaoul de l’attendre pour offrir des Korbanot (sacrifices) avant de partir en guerre.

Mais le peuple commença à devenir difficile et se mit à quitter Chaoul. Sous une pression intense, le roi Chaoul décida d’offrir lui-même des Korbanot sans attendre Chemouël. Il apporta son sacrifice puis Chemouël arriva alors. Le prophète reprocha au roi de ne pas l’avoir attendu pour apporter les Korbanot comme Hachem le souhaitait. Chemouël informa Chaoul que puisqu’il n’avait pas suivi la Parole de Hachem, son règne, destiné à durer pour toujours, s’achèverait bientôt.

Rien n’est plus aveuglant et effrayant que le brouillard de la guerre, mais comme Chaoul craignait d’échouer en suivant l’ordre du prophète, il fut puni et rapidement vaincu.

Menacés par les forces de la nature, désertés par l’homme, avec tout apparemment ligué contre nous, si nous restons fidèles et ne succombons pas à la tentation de dévier des ordres de Hachem, nous serons bénis par le succès et des bénédictions éternelles.

Les premiers Juifs à recevoir la Torah avaient vécu leur propre servitude en Egypte, tombant aux plus bas niveaux de Touma. Leur foi les a maintenus lorsqu’ils ont suivi Moché hors du pays en traversant la Yam Souf, la Mer des joncs. En 49 jours, ils se sont préparés à recevoir la Torah au Mont Sinaï. Ils ont lutté par le brouillard de la Touma de l’Egypte et se sont élevés aux plus hauts niveaux qu’un homme peut atteindre.

A Chavouot, nous lisons la Méguila de Ruth relatant le récit de Naomi et sa belle-fille Ruth. Deux femmes courageuses ont survécu à la tragédie et se sont hissées à un niveau tel qu’elles ont donné naissance à l’ancêtre du roi David et du Machia’h. Ruth la Moabite s’est élevée depuis la dépravation de son pays d’origine et est devenue une convertie modèle. Rien n’a pu l’empêcher de rester fidèle à la Torah et au peuple juif. Elle a enduré la pauvreté et la solitude en poursuivant le chemin qu’elle avait choisi. Elle a été récompensée par une descendance royale et des bénédictions éternelles. Nous attendons tous l’arrivée de son descendant, le rédempteur ultime.

Ruth avait de nombreuses raisons de retourner à Moav et à la richesse qu’elle avait laissée derrière elle en entrant dans la famille de son époux Elimélekh, mais elle intégra parfaitement le peuple juif. Son récit nous encourage à persévérer en période de difficulté. Son histoire est une démonstration de plus que ceux qui suivent la voie de Hachem et s’attachent à la Torah et aux Mitsvot, déterminés à prévaloir, iront loin.

Plutôt que de s’éloigner, elle avança. Plutôt que de succomber à des obstacles apparemment insurmontables, elle nous a montré que la fidélité à la Torah est toujours préférable à toute autre alternative. Nous ne devons jamais laisser tomber, peu importe les difficultés que nous rencontrons dans l’observance ou l’étude de la Torah.

Lorsque Hachem est apparu aux Bné Israël et leur a offert la Torah, ils répondirent à l’unisson : « Na’assé Vénichma - nous ferons et nous entendrons. » Cette réponse a été si digne d’éloges que la Guémara dans le traité de Chabbath (88a) relate que suite à cette réponse, les anges ont placé deux couronnes sur la tête de chaque Juif, l’une pour le Na’assé et le second pour le Nichma. Une Bat Kol, une voix céleste, proclama alors : « Qui a enseigné à mes enfants ce secret ? »

De nombreux commentateurs se demandent en quoi ce Na’assé Vénichma a été extraordinaire au point de déclencher une réaction aussi enthousiaste. En effet, il se peut qu’en répondant de cette façon, ils déclaraient : « Na’assé, nous agirons selon les préceptes de la Torah et suivrons ses commandements. Vénichma : nous l’accomplirons en nous consacrant à l’étude de la Torah. Aucune difficulté ne nous empêchera d’œuvrer sérieusement pour saisir les paroles de la Torah. Nous ne nous perdrons pas dans ce brouillard.

Na’assé Vénichma. Nous avons récité cette promesse depuis des milliers d’années. Quel que soit notre lieu de résidence, notre langue, peu importe la distance géographique des centres de population juive, des ravages de l’exil, de la destruction et des pogroms, nous proclamons tous ensemble : « Na’assé Vénichma. »

Ces propos ont constitué notre mot d’ordre et nous ont maintenus au fil du temps. Nous avons été protégés par la Torah et notre fidélité à celle-ci. Les autres nations du monde, au fil de l’histoire, ont toutes disparu. Nous sommes ici en raison de ces deux mots qui nous guident et nous définissent.

Le jour de fête de la Kabalat Hatorah, le don de la Torah, nous recevons à nouveau la Torah et proclamons : « Na’assé Vénichma » à nouveau. Nous nous concentrons sur le positif, devons rester attentifs à notre objectif et notre mission et nous nous engageons à nouveau à la réaliser, aujourd’hui et chaque jour.

Mon oncle, Rav Avraham ‘Haïm Lévine, Roch Yéchiva de la Yéchiva de Telz, a pris la parole lors d’une convention de l’organisme Torah Ouméssorah et il évoqua une triste période à Telz lorsqu’un incident provoqua la colère du Roch Yéchiva, Rav Elya Méir Bloch. Rav Eliya Méir s’adressa alors à la Yéchiva. Au début de son discours, les élèves s’attendaient à des propos sévères sur les profondeurs auxquelles certains étaient tombés. Mais Rav Eliya Méir leur tint des propos tout à fait différents. « Nous savons à quel point un homme peut chuter, dit-il, mais nous devons nous concentrer sur les hauteurs qu’un homme est en mesure d’atteindre. »

Avec un message classique de Moussar (éthique juive) sur la grandeur de l’homme, il a délivré un discours sur le potentiel de croissance, aidant les élèves à réaliser les hauteurs auxquelles ils sont susceptibles d’accéder.

Rav Lévine conclut en expliquant aux enseignants de limiter leur attention à protéger leurs élèves de l’obscurité. « Nous devons les inspirer à se hisser au-dessus de cela », déclara-t-il.

Nous sommes un peuple admirable. Le feu de la Torah a la faculté de briller dans notre âme, détruisant la Touma qui cherche à nous envelopper, et illuminer notre voie dans l’obscurité. Chacun d’entre nous a en lui une étincelle attendant d’être allumée, afin d’avoir la motivation et la force d’avancer dans le brouillard, tout comme les saints cherchant à atteindre le Ciel.

‘Hag Saméa’h.

Rabbi Pinchas Lipschutz pour Yated, traduit par Torah-Box