De nombreux facteurs peuvent bouleverser l’harmonie dans le couple. Aussi, quand le bateau chavire, quand la tempête fait rage, comment s’orienter ? Où jeter l’ancre ?

« Madame Sebag, j’ai maintenant le courage de vous écrire. Je suis en instance de divorce. Pendant les huit années vécues avec mon mari, j’ai été traitée comme je ne l’avais jamais été auparavant. J’ai subi de sa part toutes sortes de sévices psychologiques. Il me rabaissait, me parlait avec cynisme et m’adressait des paroles cinglantes. « Je me sens éteinte de vivre avec toi. » lui ai-je souvent dit. Il me répondait alors qu’il ne se rendait pas compte du mal qu’il me faisait. J’ai fini par me séparer de lui et j’ai fait une demande de divorce à la Rabbanout pour sauver ma peau. Est-ce que je peux pardonner à un tel monstre ? Je sais qu’il souffre d’un complexe d’infériorité qui le mine. Je sais que son attitude envers moi lui sert d’exutoire. Mais à cette situation, existe-t-il une solution autre que le divorce ? Avant de prendre une décision définitive, je voudrais seulement avoir votre avis en tant que professionnelle. Une psychothérapie de couple peut-elle permettre de réparer ce désastre ? »

Jusqu’au dernier jour du mariage, le couple peut reprendre des forces. Le divorce est certes prévu dans le Judaïsme, mais … c’est une solution ultime qu’il faut éviter d’atteindre … Comment définir cette limite ? Elle dépend du seuil de souffrance de chaque individu et aussi de l’importance de l’investissement. Réfléchissons ensemble sur les points exposés dans ce courrier.

Demander l’aide d’un tiers

Il est parfois difficile de vivre à deux. Mais le divorce avec son cortège de douleurs, de drames et de solitude qui en résulte, est aussi difficile à vivre. Il y a un avant et un après divorce. Avant, les partenaires sont tellement envahis par les problèmes qu’ils pensent que tout ira mieux après. Après, plus personne n’a de certitude. Il faut réfléchir avant de prendre une décision définitive, souvent irréversible. Essayons de « s’arranger ». Aussi, n’attendons pas que la plaie soit trop profonde. Acceptons l’échec provisoire, mais pas la faillite totale ! Il ne faut pas hésiter à chercher de l’aide pour réussir à sortir du cercle infernal. Cette démarche est une preuve de responsabilité vis-à-vis de soi-même, son couple et sa famille, et un aveu d’humilité, je ne peux pas m’en sortir seul(e) !

Mais à qui s’adresser ?

Surtout pas à votre mère, votre voisine, ou votre esthéticienne ! Il faut en parler à votre Rav ou votre Rabbanite ou à une psychologue religieuse, qui a conscience de l’importance du mariage et dont les compétences en matière conjugale sont reconnues. Les problèmes des âmes juives sont particuliers, et ils ne peuvent pas être résolus par n’importe qui. Un travail de psychothérapie peut permettre de dénouer des conflits et stimuler la reprise d’une meilleure communication au sein du couple. Vous pouvez aussi participer à des ateliers de réflexion sur l’harmonie dans le couple.

Le mariage, pierre angulaire

D’une façon générale, dans la société francophone, l’image du mariage n’est pas attrayante, on parle de « corde au cou ». Le mariage serait-il devenu vieux jeu ? Le nombre de familles recomposées qui nous entourent, renforce l’idée que le mariage n’est plus un engagement pour la vie. Dans la culture juive, le mariage est une notion sanctifiée ! Et rassurante par sa précision : un chacun pour une chacune ! Vision réaliste cependant ! 

Le mariage juif est accompagné de Chév’a Brakhot, les sept jours de réjouissance, qui suivent la célébration du mariage. Le but de ce processus est l’exaltation de l’union de deux êtres différents qui se rapprochent. Il est structuré de façon à consolider l’union dans le couple pour le préparer à la dure et stimulante tâche qui l'attend : la construction du couple ! La Torah parle de « Livnot Bayit », c’est-à-dire d’édifier sa maison pour signifier que le mariage nécessite affection, labeur, patience, endurance, volonté… à l’image d’une maison que l’on élève étage après étage, sans oublier les fondations. Ce n’est absolument pas l’image véhiculée par la société actuelle ! Et très souvent, nous en sommes victimes !

Fusion et dualité

Le couple, pièce maîtresse du Judaïsme, assure la pérennité de notre Peuple et la transmission de notre cher patrimoine. Chaîne ininterrompue jusqu’à la venue de Machia’h ! Cette union sacrée permet la véritable construction de chaque partenaire. Creuset de l’élaboration d’une mini-société, source de satisfactions, le couple favorise le développement, le bien-être, la sécurité des partenaires, avec tout ce que cela suppose comme travail sur la relation, la communication, le partage, le don... Une expérience à vivre à tout prix ! Se marier, c’est être deux personnes différentes par leur nature, leurs objectifs et leurs parcours de vie… L’aboutissement de cette relation duelle vise à constituer une entité. Chaque être humain voudrait aimer, mais souvent l’individu cherche, à travers le mariage à aimer un autre soi-même ! Un double ! Vertige de l’inconnu ! 

L’homme et la femme sont dissemblables par nature. Il faut faire face aux différences. La relation duelle est-elle une relation conflictuelle ? L’atmosphère du couple peut fluctuer. Une relation idyllique peut-elle résister aux aléas de la vie ? Les conflits sont aussi constructifs, il ne faut pas les prendre au tragique. Ils nous aident à nous améliorer. Très souvent, nous associons “mariage” avec “aimer”. Aimer, ce n’est pas statique, ce n’est pas un baromètre figé sur le « beau temps ». Le couple, les sentiments, la vie, évoluent, entraînant parfois des crises aiguës. Certes des difficultés surgissent au sein du couple, mais est-ce une raison pour renoncer ? L’essentiel est de chercher à surmonter les crises en préservant le couple.

Le prix à payer

L’expérience montre que les couples qui divorcent, se remarient et connaissent les mêmes difficultés avec leur nouveau partenaire. Chercher le coupable ? Hachem n’assortit pas les couples au hasard ! Il faut garder la FOI car c’est LUI, HACHEM, qui rapproche les partenaires du couple. Au fond de son être, chaque personne veut réussir cette œuvre : le couple. Pour réussir, il faut y mettre le prix ! Quel est-il ? Sommes-nous prêts/es à donner de nous-mêmes, de notre temps, de nos forces ? Avons-nous toujours les moyens internes de cette entreprise ? Et alors comment les développer ? Avons-nous conscience des exigences à satisfaire pour arriver au succès ?

Quand la tempête gronde, nous avons tendance à accuser l’autre. C’est l’Autre, le coupable. C’est un monstre, un/e irresponsable, un/e fou/folle, l’auteur et l’acteur/l’actrice de toutes les scènes de ménage, il/elle est instable, c’est un/e enfant. En cas de crise ou de problème, il n’y a plus de place pour la raison, la pondération. Les partenaires sont troublés. Aveuglement des intelligences et règne des perceptions et des émotions ! Le chaos domine. La force des sentiments éprouvés dans les conflits conjugaux est unique ! Les émotions sont exaspérées : amour et haine se conjuguent avec passion. Et se déverse un torrent de pulsions soumis à aucun contrôle et dirigé au hasard des confusions, des sensations, des désirs non exprimés. C’est seulement dans les conflits conjugaux que les pulsions incontrôlées ont libre cours avec une telle force ! Les perturbations subies par le couple égarent l’individu et lui retirent tout espoir. Tout s’effondre autour de lui et l’importance de chaque problème augmente dangereusement. 

Comment freiner cet effondrement ? Il faut vouloir et pouvoir.

Mais où trouver les forces nécessaires pour tout effacer et recommencer, en éliminant toutes les blessures ? Même si l’individu n’est pas rancunier, il garde au fond de sa mémoire toutes les blessures qu’il a subies et les archive. Elles peuvent ressurgir à tout moment et venir augmenter le flot des rancœurs et des plaintes... engrenage qui mène à l’éloignement. Comment oublier ? Comment pardonner ? Pas simple, en effet ! N’oublions pas qu’Hachem n’envoie jamais une épreuve qui ne peut être surmontée par la personne concernée !

Changer de cap

Où en sommes-nous ? Que faire ? Il faut faire le point. Comment retrouver l’affection unique, précieuse et fondamentale, parfois incompréhensible qui nous liait ? La somme d’émotions négatives dont nous avons parlé n’est que l’envers de l’immense amour que chacun peut et veut donner. Il faut juste avoir envie de changer de cap ! N’abandonnez pas ! Luttez ! Le répertoire de haine, de violence, de colère, de cris, de douleurs, qui a été accumulé peut servir de levier pour retrouver la paix et l’harmonie dans le couple. L’être humain possède des forces de changement, et tout peut changer ! Il faut accepter le travail sur soi, sur son caractère, sur ses propres limites et sur celles de l’autre… Ce travail de réflexion, de construction est nécessaire à la survie du couple, enjeu ô combien précieux ! Pour notre propre stabilité, celle de l’autre et bien sûr celle de nos enfants !

En bref, il faut être moins égoïste, plus généreux, être prêt à donner le premier… Toutes ces qualités sont cultivées et exaltées dans les milieux attachés à notre Sainte Torah !

Redevenons plus Juifs !