C’est en pleine journée de Chouchan Pourim, alors qu’à Jérusalem, ‘Am Israël était encore attablé au repas de fête, que la terrible nouvelle s’est propagée, nous laissant incrédules : Rav ‘Haïm Kanievsky, celui qui était par ses infinis mérites et sa piété notre coupole de protection, est décédé subitement, alors que la veille encore il avait lu la Méguila à sa famille. Nous n’avons pas eu le temps de lire des Téhilim pour sa guérison que déjà Le Créateur avait rappelé à Lui cette âme pure. Comme le relevait un de ses gendres, il nous faudra des mois pour réaliser l'abîme qu’il laisse en ce monde.

Rabbi ‘Haïm est irremplaçable à plusieurs niveaux : sa connaissance de la Torah était phénoménale - il révisait chaque année durant la deuxième partie de la nuit tous les textes de la Torah écrite et orale avec ses deux Talmud - un Possek hors norme, mais il fut également une adresse incontournable pour obtenir conseils et bénédictions. Dirigeant spirituel, père pour tous ceux qui venaient épancher leur cœur, il était étranger à la matérialité, impressionnant dans son assiduité, humble à l'extrême. Son visage paternel rayonnait de joie de vivre, il ne connaissait pas de malice et ne s’intéressait qu’à l’approfondissement de sujets complexes du Talmud.

On se pressait à sa porte car on savait qu'il jouissait d’une aide du Ciel considérable : lorsqu' il prodiguait ses conseils, il tenait souvent un discours déconcertant à ses visiteurs, qui finalement s’avérait être juste. On se rappellera aussi qu’à la veille de la guerre du Golfe (1991), il avait affirmé qu’aucun missile ne tomberait sur la ville de Bné Brak, prédiction qui s’avèrera parfaitement exacte. Il ne se laissait impressionner ni par le pouvoir ni par l’argent et n’hésitait pas à interroger les grands donateurs qui venaient lui rendre visite pour savoir s’ils étudiaient eux-mêmes la Torah. Les grands hommes politiques du pays venaient régulièrement discuter avec lui sur des sujets brûlants concernant Israël et demeuraient impressionnés par cet homme hors du commun, d’une bonté extrême et d’une intransigeance sans faille dans tout ce qui concerne le respect du Judaïsme. 

Notre génération a eu le mérite de connaitre de grands Rabbanim qui furent des traits d’union entre l’avant-guerre et notre époque. Ces bergers infatigables, dont Rabbi ‘Haïm faisait partie, nous ont guidés à travers un XXème siècle aux innombrables défis. Il propagea la Torah de son père, le fameux Steipeler, et de son oncle le ‘Hazon Ich, auprès duquel il grandit. Il consacrait une partie de sa journée à répondre brièvement par écrit aux nombreuses lettres qui lui parvenaient. Son fils a raconté que le Rav s’était aperçu que certaines de ces lettres venaient en vérité de jeunes qui l’interrogeaient uniquement afin de conserver ses réponses épistolaires “en souvenir”, et il se pliait “au jeu” pour les satisfaire, attentif aux petits comme aux grands. Il a écrit de nombreux ouvrages torahiques qui se trouvent dans la bibliothèque de chaque érudit, comme le “Dérekh Emouna”, témoignant de sa maîtrise dans les domaines les plus complexes de la loi. 

Comme le relevait un Roch Yéchiva, la génération qui a côtoyé Rabbi ‘Haïm Kanievsky ne ressemblera pas à celle qui ne l’a pas connu. Son aura rayonnante, le niveau auquel il élevait les notions d’”assiduité” et d'“amour de la Torah” auront transporté toute sa génération vers des hauteurs insoupçonnées, comme le relèvera le Rav Guerchon Edelstein. Ce dernier a demandé à chacun de se renforcer dans la lecture de livres de Moussar pour essayer de pallier à l’absence de ce grand astre qu’était Reb ‘Haïm. 

Tout effort de notre côté de se rapprocher de cette Torah qu'il aimait tant est une marque de reconnaissance pour cet homme qui a tant fait pour nous.

De même, il a été demandé à chacun d’étudier chaque jour de la Michna en sa mémoire, favorable à l’élévation de l’âme.

“On ne peut que regretter tout ceux qui disparaissent sans laisser d’équivalent” (traité Sanhédrin 111a).