Dans la parachat Pin'has il est écrit : « Les fils de Kora’h ne moururent pas » (Bamidbar, 26:11)

Rachi précise qu’ils faisaient partie de l’assemblée de Kora’h et que lors de la rébellion, ils éprouvèrent un certain repentir. C'est pourquoi un endroit élevé leur fut préparé au Guéhinom et ils y restèrent.

En évoquant les diverses sanctions des personnes impliquées dans la révolte de Kora’h, la Torah souligne brièvement le statut de ses fils. Rachi nous parle de leur élan de Téchouva qui leur permit d’échapper au sort des autres membres de la famille de Kora’h, avalés par la terre – ils restèrent au bord du gouffre.[1]

Le Yalkout Chimoni détaille les événements qui les incitèrent à se repentir. Alors qu’ils étaient assis avec leur père, Moché Rabbénou passa à côté. Ils se trouvèrent devant un dilemme –devaient-ils se lever par respect pour Moché, ou accomplir la Mitsva d’honorer leur père, qui s’opposait à lui ?S’ils ne se levaient pas, ils enfreindraient l’obligation de respecter un Talmid ’Hakham (érudit en Torah). Ils décidèrent de se mettre debout devant Moché, au risque de dégrader leur père, et dès lors, ils voulurent faire Téchouva.

Rav Steinman[2] rapporte un Midrach affirmant que le respect voué au Talmid ’Hakhamnous rend dignes de crainte du Ciel. Donc en se levant devant Moché, ils furent immédiatement imprégnés de Yirat Chamaïm – ce qui les poussa à faire Téchouva.

Il ajoute qu’en réalité, leur raisonnement était erroné. Ils croyaient que leur acte montrerait une faille dans leur Kiboud Av, car il aurait contrarié leur père. Mais dans ce cas, ils n’avaient pas l’obligation de respecter ses désirs, il leur était même interdit de le faire. Selon le Roch[3], si un père enjoint à son fils de ne pas adresser la parole à un Juif, ou de ne pas lui pardonner, le fils n’a pas le droit de lui obéir. Ceci, car bien qu’il soit de notre devoir de respecter nos parents, ceux-ci sont tenus de respecter Hachem et de se plier à Ses commandements. Donc un parent ne peut ordonner à son enfant d’aller à l’encontre des Mitsvot.

Cette explication soulève une question – il est très probable que les fils de Kora’h fussent des gens cultivés, conscients de cette Halakha et de leur devoir de vénérer Moché, au risque de mécontenter Kora’h. Alors pourquoi cette décision leur fut-elle si difficile à prendre ?

Apparemment, ils n’étaient pas convaincus que leur père avait tort – ils trouvaient son approche et son comportement justifiés et étaient d’accord sur le fait que Moché ne dirigeait pas le peuple correctement. Par conséquent, ils pensaient réellement enfreindre la Mitsva de Kiboud Av en honorant Moché. Or ils conclurent que malgré tout, il était plus important de révérer un Talmid ’Hakham. C’est cette décision qui les mena vers la Téchouva et qui sauva leur vie spirituelle.

Ceci nous enseigne une leçon fondamentale. Parfois, des désaccords surviennent entre Talmidé ’Hakhamim. Si une personne suit l’une des parties, cela n’enlève rien à la déférence qu’il doit à l’autre. Ils restent des érudits qui méritent le respect et il est interdit de médire d’eux ou de les dénigrer. L’histoire suivante illustre cette idée et montre la gravité du problème parfois créé.

Un jeune homme vint chez Rav ’Haïm Kanievsky pour demander son aide. Son père avait une tumeur au cerveau et les médecins ne lui accordaient aucun espoir. Le jeune homme voulait savoir s’il pouvait faire quelque chose en sa faveur. Rav ’Haïm Kreiswirt[4] était alors présent et proposa une idée. Rav Kanievsky lui donna la parole. « Je pense que vous devriez éditer le livre Choel Ouméchiv du Rav Nathanson »[5], dit-il. Ce conseil était assez surprenant, apparemment sans rapport avec la maladie. Mais si Rav Kreiswirt l’avait proposé, il devait avoir une bonne raison de le faire. Quand le jeune homme sortit de la pièce, Rav Kanievsky demanda au Rav Kreiswirt la raison de cette suggestion.

« Je connais le père, je l’ai entendu parler de ce livre d’une manière méprisante. Or la Guémara affirme que celui qui dénigre un Talmid ’Hakham, « Ein Lo Réfoua Lémakato » — sa blessure ne connait pas de remède. SaTéchouva consistera peut-être à investir du temps et de l’argent pour l’édition de cet ouvrage. »

Le fils suivit ce conseil et quelques mois plus tard, le père recouvrit complètement la santé.

Cette histoire nous apprend deux choses. Tout d’abord, même si l’on n’est pas véritablement impliqué dans une Ma’hloket contre un Talmid ’Hakham, tout propos négatif est considéré comme un mépris à son égard et est sévèrement puni (et l’histoire prouve que cela s’applique également à un érudit qui n’est plus de ce monde !).

Deuxièmement, l’une des façons de rectifier un manque de respect dû à un Talmid ’Hakham est de redorer son image.

Puissions-nous tous mériter d’honorer correctement nos Guédolim et tous les Talmidé ’Hakhamim.


[1] Il est, bien sûr, très difficile de comprendre ce que cela signifie. De plus, les commentateurs soulignent que les fils de Kora’h eurent des descendants, ce qui implique qu’ils sortirent de ce fossé. Voir Chaaré Aharon, Vol 12, p. 978, pour des détails à ce sujet.

[2] Ayéleth Hacha’har, Bamidbar, 26:11.

[3] Chout Haroch, Klal 15, Ot 5.

[4] Il fut le Av Beth Din d’Anvers et le Roch Yéchiva de Merkaz Hatorah.

[5] L’un des A’haronim ayant vécu au XIXe siècle.