La Paracha de cette semaine, Vaye'hi, termine par les bénédictions que Ya’acov Avinou donna à ses enfants. Chaque fils reçut une Brakha unique qui correspondait exactement avec ses talents et à ses besoins. Puis, la Torah nous affirme que Ya’acov les bénit à nouveau. Rachi précise que dans cette Brakha finale, Ya’acov inclut chaque enfant dans la bénédiction des autres. Ainsi, Yéhouda fut béni d’une force égale à celle du lion, et dans la dernière Brakha, tous les frères reçurent cette Mida de Guévoura[1]. Cette interprétation de Rachi soulève une question – si chaque frère fut doté des qualités de tous les autres, à quoi bon les avoir bénis individuellement ? Le Maharal répond que la Brakha finale de Ya’acov ne les rendit pas égaux dans tous les domaines – chacun gardait ses points forts, mais reçut également une étincelle des Midot des autres. Ainsi, Yéhouda fut loué d’un plus grand niveau de Guévoura que ses frères, mais cette Brakha finale octroya à chacun d’eux un peu de cette qualité.[2]

Pourquoi chaque frère avait-il besoin de recevoir une part de chaque Brakha ? Rav Its’hak Berkovits explique qu’une personne peut se spécialiser dans un certain domaine, mais il faut s’intéresser aux autres sujets également. Ce concept touche notre rôle dans la vie (rôle de parent, de conjoint, d’amis, d’enfants, d’enseignants, de collègues…), les Midot, l’étude de la Torah.

Par exemple, on peut prêter une attention particulière au ’Hinoukh (l’éducation des enfants), mais cela ne doit pas exclure le reste ; il ne faut pas que les autres rôles que nous jouons dans la vie en pâtissent. Il faut garder l’équilibre entre le travail, le temps passé avec son conjoint, ses enfants, l’étude de la Torah, le ’Hessed à prodiguer autour de soi et toutes les autres choses qu’un bon Juif doit accomplir.

Cette « Chlémout » est également nécessaire en ce qui concerne les Midot. Un Ba’al ’Hessed (personne qui prodigue beaucoup de bienfaits) aura plus tendance à aider les autres et moins à s’introspecter et à se discipliner. Il est normal de se concentrer sur ses points forts, mais l’individu sera bien plus récompensé s’il exploite et travaille sur les choses qui ne lui sont pas naturelles. Rav Ya’acov Kamenetsky note que les épreuves que connurent les Patriarches les firent aller à l’encontre de leur penchant naturel. Avraham Avinou, l’homme du ’Hessed par excellence dut surmonter l’épreuve de la Akéda – c’est-à-dire se montrer prêt à tuer son fils. Ya’acov dut faire preuve de ruse alors qu’il incarnait la Mida de Émet (la vérité).[3]

L’étude de la Torah a aussi son application dans cet enseignement. La Michna dans Avot affirme : « S’il n’y a pas de Torah, il n’y a pas de Dérekh Erets et sans Dérekh Erets, il ne peut y avoir de Torah »[4] Le Rambam estime que les deux éléments se complètent – on ne peut pas se contenter du Limoud Torah sans se pencher sur le Tikoun Hamidot (amélioration des traits de caractère) et l’inverse est également vrai.

Et dans l’étude même, il faut savoir toucher à tous les sujets, quand bien même un domaine spécifique nous intéresse, comme la Guémara. Si l’on ne consacre aucun temps à la Halakha, on ne pourra pas observer correctement les Mitsvot. Et si l’on ne consacre au ’Houmach que le temps nécessaire pour lire rapidement le « Chnaïm Mikra Véé’had Targoum », on risque de rester avec des notions enfantines de l’histoire des Avot !

Ainsi les bénédictions données par Ya’acov à ses enfants nous enseignent plusieurs leçons. On apprend par exemple que même si l’on se spécialise dans un domaine, on se doit d’être Chalem dans les autres. C’est une tâche ardue, mais Ya’acov a béni tout le peuple juif et nous avons donc tous le potentiel de réussir. Puissions-nous tous atteindre la Chlémout (perfection) !



[1] Parachat Vayé’hi, Béréchit, 49:21.

[2] Gour Arié, 49:21.

[3] Concernant le test d’Its’hak, voir la Guémara dans Chabbat 89b ainsi que Mikhtav Mééliahou, 2ème vol., Parachat Lekh Lékha, p. 162-163.

[4] Pirké Avot, 3:21.