La Haftara de cette semaine est la sixième de la série des sept Haftarot de consolation qui suivent Ticha Béav. Comme chaque semaine, elle est issue du livre du prophète Isaïe. Notre texte évoque notamment les bénédictions qui sont réservées aux enfants d’Israël dans les temps futurs, et en particulier la grande lumière, la grande clarté dont ils jouiront durant les temps messianiques. Les nations du monde reconnaîtront alors la grandeur du peuple d’Israël.

Liens avec la Paracha

Outre la thématique de la consolation présente dans la Haftara et qui a prévalu au choix de nos Sages, nous pouvons également identifier des points communs avec la Paracha de la semaine. Tout se passe comme si la Haftara venait faire écho au texte de la Paracha.

Ainsi, alors que la Paracha évoque à de nombreuses reprises l’obscurité qui règne dans l’exil, l’aveuglement des hommes dont le jugement est altéré par des angoisses, des craintes et des doutes, la Haftara insiste de son côté sur la grande lumière qui emplira le monde durant les temps messianiques et qui apportera à Israël un apaisement et une félicité à nulle autre comparable.

De même, à l’évocation de la prise en captivité des enfants d’Israël dans la Paracha, répond le retour et le rassemblement des exilés qui reviennent vers leur patrie ancestrale évoqués dans la Haftara (Isaïe, 60-4).

Enfin, nous pouvons également mettre en perspective les versets relatifs au pillage des richesses d’Israël par les autres nations, et la prophétie d’Isaïe qui évoque « la fortune des îles de l’Ouest [qui] sera dirigée vers toi… » (Isaïe, 60-5)

L’écho de la Haftara

A l’approche de Roch Hachana, il nous semble intéressant de se pencher sur cette thématique de la lumière et l’obscurité. En effet, l’homme est bien souvent analysé par nos Sages comme évoluant dans ce monde dans l’obscurité : il tâtonne et est semblable à un « aveugle » qui n’est pas sûr du chemin à emprunter.

Il est vrai que l’homme ignore bien souvent comment se diriger, comment agir, il cherche un chemin droit et juste, mais il sait en même temps qu’il est tiraillé par des désirs personnels, des calculs, des raisonnements. Ces derniers se parent des atours du bien, du bon, du vrai, mais ils ne sont parfois que des illusions qui le trompent et l’éloignent de son réel épanouissement et des bons choix à opérer.

L’homme est ainsi, dans ce monde, en quête de lumière, à la recherche de son épanouissement authentique et de la meilleure voie pour servir Hachem. Face aux tentations qui se présentent à lui, face aux multiples choix qui s’offrent à son esprit, il n’a pas toujours les ressources suffisantes pour savoir comment régler son action, comment décider. Il est ainsi partagé entre des vérités multiples, des zones grises où il perçoit du bon et du moins bon, et il s’interroge pour savoir comment arbitrer, comment choisir, comment avancer dans la vie.

Nos Sages nous rappellent à de nombreuses reprises combien ce monde est porteur d’illusions, combien les valeurs peuvent parfois être inversées et combien, finalement, il est difficile de trouver la voie juste et bonne.

Pensons à ce passage du Talmud qui évoque la discussion entre un père, Rabbi Yéhochoua ben Lévi, et son fils qui se réveille après avoir perdu connaissance. Son père l’interroge pour savoir ce qu’il a vu durant son malaise et qui représente, nous le comprenons, le « Olam Haba » (le monde futur). Et le fils de répondre : « J’ai vu un monde inversé où les puissants de ce monde étaient rabaissés, où les gens faibles dans ce monde y étaient importants, et où on entendait dire : "Heureux celui qui vient dans ce monde avec son étude [de la Torah] dans ses mains", son honneur reste intact ».

Alors que le fils avait qualifié sa vision d’un « monde à l’envers » (« Olam Hafoukh »), son père lui répond : « Il s’agit au contraire d’un monde cohérent, clair, lumineux (« Olam Barour ») où les valeurs sont à leur juste place… »

C’est précisément cette lumière, cette authentique hiérarchie des valeurs qui manque aux hommes dans ce monde où l’illusion et le mensonge font parfois figure de règle et de loi. Mais comme nous le rappellent les Sages du Talmud, à travers cet exemple notamment, l’homme n’est pas seul, il n’est pas livré à lui-même dans ce monde. D.ieu lui a remis un mode d’emploi, une feuille de route pour savoir précisément comment orienter sa vie.

A l’approche de Roch Hachana et durant ce mois d’Eloul, mois de l’introspection et du repentir, l’homme est invité à réfléchir à sa vie et à clarifier ses valeurs, ses principes et la direction dans laquelle il entend s’engager. Il doit s’efforcer de quitter les chimères porteuses d’obscurité pour évoluer dans un monde clair, limpide, cohérent, un « Olam Barour ».

C’est là également le message du prophète Isaïe dans notre Haftara qui évoque la grande lumière qui attend l’homme dans le monde futur, et qui doit être l’objet de notre quête à tous. Grâce à la Torah, à la fréquentation des « Talmidé ‘Hakhamim » (nos Sages) et à la pratique des Mitsvot, nous pouvons espérer importer un peu de cette lumière dans notre monde.

Ainsi, avec l’aide de D.ieu, nous pourrons acquérir ces qualités si précieuses à l’épanouissement individuel que sont le « Na’hat Roua’h » (tranquillité d’esprit) et le « Yichouv Hadaat » (raisonnement solidement établi), afin de prendre les bonnes décisions, conformes à la volonté de l’Eternel, et susceptibles d’ajouter de la lumière au monde.

Comment conclure autrement que par ces mots d’Isaïe que nous récitons régulièrement dans notre liturgie, et qui nous rappellent en des termes brefs mais définitifs l’enjeu de l’aventure humaine :

« Et ton peuple ne sera composé que de justes, qui hériteront de cette terre pour toujours, eux, une branche que J’ai plantée, l’œuvre de Mes mains et dont Je suis fier » (Isaïe, 60-21).