A la fin de son commentaire, le livre ‘Hinoukh nous explique qu’il existe une coutume en diaspora de sortir les Sifré Torah à la rencontre des rois des nations lors de leur visite, qui n’a rien à voir avec cette ordonnance pour les Cohanim. Ainsi pour cette coutume, n’importe quel citoyen pouvait transporter les Sifré Torah, et ce n’est qu’afin de les honorer, que l’on choisira des Levyim pour le faire.
D’autre part : tout homme ou toute communauté Juive qui ont bénéficié d’un miracle, doivent pour eux-mêmes et pour leurs descendants, faire de ce jour le « POURIM » de la Michna. C’est-à-dire, décréter que ce jour est fête pour les mêmes raisons que l’on fête le Festin d’Esther.

Nous voyons donc des « Pourim locaux » faire l’objet de festivités en divers endroits du globe terrestre, de nombreuses communautés ayant vu certains des évènements du récit de la Meguila d’Esther se reproduire à travers les générations en leur faveur. Le schéma est toujours à peu près le même : Une soudaine flambée d’antisémitisme, le danger menaçant une famille ou une communauté entière, et puis, lorsque tout paraît perdu, le salut, apparemment miraculeux.

Dans de nombreux cas, ces heureuses familles ou communautés établirent donc ensuite leur propre « POURIM » afin de célébrer leur délivrance, (La Jewish Encyclopedia en compte environ 30 célébrés actuellement, sur les 107 Pourim recensés au cours de notre histoire), et les récits ressemblent à ceux des livres d’images dont nous nous délectons avec nos enfants, nous faisant voir la vie Juive à travers les âges...
 

à Saragosse 

En souvenir de l’un de ces miracles, les descendants des Juifs de Saragosse instituèrent une fête, célébrée chaque année le soir du 18 Chevat et concernant encore aujourd’hui, les Juifs Sépharades de Jérusalem, de Turquie ainsi que de Tunis.

Au cours de cette cérémonie le public assiste à une lecture de la Meguila de Saragosse. Les faits relatés dans cette Meguila ont un lien étroit avec notre introduction, nous vous en rapportons donc la traduction intégrale :

Ce fut sous le règne du roi SARAGOSNOSS, un monarque puissant qui régnait sur environ 5 000 hommes, tous fils d’Israël, tous intelligents et sages, princes et chefs de milliers sans compter leurs femmes, leurs enfants, et leurs petits-enfants.

Douze saintes communautés bâties en pierre de taille et en belles colonnes de marbre, serties de chrysolite.

Et la coutume voulait qu’au passage du Roi dans le quartier juif, l’on sortît trois rouleaux de Torah par communauté, soit trente-six rouleaux dans des étuis enveloppés de broderies, d’argent et d’or. Des grenades et des pommes en métal précieux surmontaient ces rouleaux. Et l’on bénissait le Roi à haute voix et le peuple répondait Amen.

Un jour, les douze Sages des communautés et leurs vingt-quatre Juges se réunirent en secret, et ils se dirent : « Il n’est pas juste de sortir la Loi d’Hachem, notre D.ieu vivant, Roi de l’univers, devant un idolâtre qui adore des figures muettes ».

Ils se concertèrent et décidèrent de préparer trois étuis vides par communauté, enveloppés et ornés comme s’ils étaient pleins, pour les faire sortir devant le Roi, chaque fois qu’il viendrait à passer. Comme il était d’usage de faire tenir les rouleaux par les Chefs de la communauté et par deux Juges, le secret put être gardé et n’était connu que des Sages et des Juges. Ainsi firent-ils jusqu’à la douzième année du règne du Roi SARAGOSNOSS.

[En ces jours-là, un nommé ‘Haïm Chami, un juif impie et méchant se convertit, il trouva grâce aux yeux du Roi qu’il servait depuis longtemps au palais. Et le Roi éleva ‘Haïm Chami qui changea son nom et se fit appeler Markus, et il le plaça au rang des ministres.]

Un jour, le Roi SARAGOSNOSS quitta son palais, lui, ses ministres et toute sa suite ; et Markus passa dans le quartier juif. Les juifs alertèrent les dirigeants des synagogues du prochain passage du Roi. Et tous les Sages et tous les Juges sortirent les étuis vides, enveloppés de leurs broderies, bénirent le Roi et tout le peuple répondit : « Amen » Et le Roi poursuivit son chemin en paix.

[Le soir, quand le souverain s’assit sur son trône, habillé de son costume royal couleur d’azur, la grande couronne sertie de pierres sur sa tête, ses conseillers et ses sages lui dirent : « Combien notre Roi SARAGOSNOSS est respecté ! Plus que tous les autres rois par les Juifs qui l’accueillent avec à leur tête leurs chefs et leurs juges tenant les rouleaux de la Torah, s’agenouillent devant lui et le bénissent ».]

Alors Markus l’impie déclara devant toute l’assistance :

« Jamais ces misérables Juifs ne seraient capables de faire une chose pareille ! Sachez, Ô mon Roi, que les rouleaux sont vides : il n’y a rien dedans, car ils agissent par ruse. »

Quand le Roi entendit la chose avec ses ministres, ses sages, ses conseillers, il entra dans une violente fureur.

Le Roi s’adressa aux Sages qui connaissaient la législation et ses applications : « Que faire à ces pécheurs qui ont ourdi un grand complot pour tromper Le Roi ?» Tous répondirent: « LA MORT ! Que le roi pose son sceau sur le décret proclamant leur perte : Un édit royal irrévocable ! »

Les scribes du roi furent appelés le onzième mois qui est le mois de Chevat, le seizième jour de ce mois, et rédigèrent ce décret. Le lendemain matin, ils se dirent : « Sortons à l’improviste ! Traversons leur quartier, et quand ils viendront accueillir le roi avec leurs rouleaux, nous ouvrirons ces derniers et nous verrons si Markus a dit vrai. Alors les soldats du Roi qui manient le sabre et connaissent l’art de la guerre se jetteront sur eux, les tueront, et brûleront leurs synagogues ; et leurs enfants et leurs femmes nous prendrons comme esclaves et nous confisquerons leurs biens au profit du trésor royal.» La chose plut au roi et aux princes, et le monarque apposa son sceau sur ce décret.

Cette nuit-là, le bedeau Ephraïm Baroukh ne trouva pas le sommeil. C’était un homme simple et droit, craignant D.ieu, qui s’écarte du mal et adore Hachem d’un cœur pur et joyeux. Il vit un homme majestueux, à la chevelure abondante, ceint de cuir, un messager de bonnes nouvelles, ayant l’apparence d’un homme de D.ieu : C’était Elie le prophète.

Cet homme le réveilla et lui dit :

« Pourquoi dors-tu ? Lève-toi, cours vite vers la synagogue et remplis les étuis vides par des rouleaux de la Torah et retourne à ta couche dormir en paix. Prends garde de parler, car si tu profères un mot, tu mourras. »

Ephraïm se réveilla, saisi d’une grande frayeur, fit ce que le messager lui avait ordonné, revint vers sa couche, s’étendit et connut un doux sommeil.

Tous les bedeaux des 12 communautés firent la même nuit le même rêve, et tous firent les mêmes gestes qu’Ephraïm, tout cela sans rien dire à personne, ainsi que le leur avait commandé le messager, chacun pensant qu’il était le seul à avoir eu ce songe.

Le dix-septième jour du Mois de Chevat, la treizième année du règne du Roi SARAGOSNOSS, en l’An 1352, après la destruction de notre Temple qui est l’année 5180, depuis la Création, le Roi SARAGOSNOSS vint, lui, ses ministres, ses chefs, ses conseillers et ses sages et ils traversèrent à l’improviste, le quartier Juif, avec Markus l’impie à la droite, suivi par son armée équipée de toutes sortes d’armes; 300 jeunes gens, tous tenant l’épée, connaissant l’art de la guerre.

Quand ils traversèrent le quartier Juif, les Chefs des Communautés ainsi que les Juges se dépêchèrent de sortir les étuis pour aller au devant du Roi et le bénirent selon leur habitude, mais le Roi leur dit : « Je voudrais voir la Loi de Moshé, cet Homme de D.ieu, au nom duquel vous me bénissez ! »

Quand les Sages, les Juges et le Peuple entendirent ces mots, leurs cœurs tremblèrent, et ils se demandèrent: « Que nous veut Hachem ? » Ils ignoraient l’intention divine. Les ministres se hâtèrent d’ouvrir les étuis et ils les trouvèrent remplis de la Torah de Moshé, et il était écrit en haut de la page : « Et pourtant, même alors, quand ils se trouveront relégués dans le pays de leurs ennemis, Je ne les aurai ni dédaignés, ni repoussés au point de les anéantir, de dissoudre Mon Alliance avec eux car Je suis Hachem leur D.ieu. » Ils lurent ce passage au Roi; alors ils prirent un autre étui et ils y trouvèrent le Rouleau et ainsi de suite pour le troisième ainsi que pour le reste.

Quand le Roi et sa suite, virent que tous les étuis étaient pleins, que chacun contenait la Loi d’Hachem, ils bénirent les Juifs, le Roi leur pardonna, les dispensa pour trois années de taxes et leur offrit un cadeau, puis ils se séparèrent en paix. Le roi ordonna que l’on pende Markus sur l’arbre prévu pour les Juifs, et l’on jeta sa dépouille dans les ordures en pâture aux chiens. Ses os furent brûlés.

Ainsi seront perdus tous Tes ennemis, ô Hachem !

Et c’est pourquoi, les Juifs habitant la ville de Saragosse, commémorent-ils cet événement depuis lors. Leurs descendants l’ont consacré et le fêtent le 18ème Jour du Mois de Chevat, chaque année, eux et leurs enfants, et les enfants de leurs enfants se réjouissent, s’envoient des cadeaux, ils firent de ce jour un jour de fête et d’allégresse car Markus l’impie qui avait cherché la perte des Juifs, fut pendu sur l’arbre. Que soient perdus tous Tes ennemis, ô Hachem !

Hachem miséricordieux nous guide, et nous protège, Fidèle à Ses promesses : « Quand tu seras exilé à l’autre extrémité du ciel, Hachem ton D-ieu te ramènera dans le Pays que possédaient tes pères », et il est dit: « Hachem a racheté Jacob et l’a délivré » et il est dit :« Alors la jeune fille se réjouit par la danse, les jeunes gens et les vieillards ensemble, et Je retournerai leur tristesse en allégresse, les consolerai, les réjouirai de leur malheur » et il est dit : « Tout matériel, toute chose qui t’embarrasse ne réussit point. »
Maudit soit MARKUS ! Béni soit EPHRAÏM !

Maudits soient tous les méchants ! .

Bénis soient tout ISRAËL et ELIAHOU Zakhor Létov ! »


"La Paracha" (Editions VéHaarev)