Une fois les festivités passées, j’étais bien contente de commencer la routine quotidienne avec  mon mari Benjamin. En effet, la période des Chéva’ Brakhot (semaine de festivités qui suit le mariage) est sympathique, mais assez éprouvante ! Je dois même avouer qu’au bout de quelques soirées passées chez notre famille et nos amis, j’avais hâte d’en finir avec toutes ces festivités et ne pensais qu’à rentrer chez moi et retrouver le calme !

Hanna m’avait d’ailleurs prévenu que l’objectif de ces festivités est finalement d’aspirer à la routine, afin d’apprécier la beauté de la vie normale dans le cadre du mariage.

Sauf que, dans le mariage juif, rien n’est jamais normal. En effet, le mois est divisé en deux périodes bien spécifiques : une période de séparation (les jours de Nidda) et une période de réunification du couple. C’est ce qui permet de rythmer la vie du couple, de sorte que - tel un électrocardiogramme d’une personne en bonne santé - le rythme du coeur des conjoints batte en permanence et donne ainsi une dynamique positive au sein du couple.

Enfin, ça, c’est la théorie !

Parce qu’en pratique… voici comment j’ai vécu les choses.

Lorsque nous avons entamé notre première période de séparation, j’avoue que je n’étais pas tellement affectée. En effet, la Nidda, s’inscrivant selon le cycle biologique de la femme, tombe à pic dans un moment où le contact physique n’est pas du tout désiré chez la femme.

Chacun son territoire, et c’est très bien comme ça !

Puis, arrive la fin de la période de règles, et là… je me rends compte du drame : il reste encore 7 jours ! Cela me paraît être la fin du monde ! Jusqu’à maintenant, je vivais très bien les choses, je me sentais d’ailleurs être une Tsadékèt, mais à ce stade, je réalise que cette attente va être interminable. J’ai même peur de craquer…

Lorsque Benjamin rentre du travail, nous prenons place pour dîner, chacun de son côté, et voilà les larmes qui me coulent des yeux : il me manque terriblement… Je lui avoue mon désarrois, et lui aussi me répond que, de son côté, l’attente des retrouvailles lui semble être une éternité. Le dîner était gâché. Enfin, telle était mon impression.

J’hésitais à appeler Hanna, mais je me refusais à l’appeler. J’avais peur qu’elle me juge négativement, si je lui dis à quel point je souffre et que je ne savais pas si nous allions réussir à tenir le coup. Comme par télépathie, mon téléphone sonne, et je vois son nom s’afficher.

- Emma, comment vas-tu ? Je voulais prendre de tes nouvelles ? Comment se sont passées les Chéva’ Brakhot ? Pas vrai que ces festivités sont agaçantes à la fin ?! Tu te souviens que je t’avais prévenu !

- Oui je suis contente de retrouver mon chez-moi… mais il y a quelque chose dont je voudrais te parler.

- Je t’écoute !

- J’ai honte de t’en parler, mais voilà je me lance… Benjamin et moi sommes à deux doigts de craquer : 5 jours plus encore 7 jours, c’est impossible à tenir ! Nous n’y arriverons jamais !

-    Ah, je vois… que s’est-il passé ?

-    Eh bien nous avons passé la soirée à nous regarder en nous languissant fortement, et c’est terrible !

-    C’est effectivement assez désagréable, mais quelle chance !

-    Comment ça quelle chance ? J’avais l’impression qu’elle se moquait de moi.

-    Tu sais combien de femmes rêveraient d’avoir leur mari qui se morfonde et les languisse comme te languit Benjamin ? Les désirer comme te désire Benjamin ? Par l’expérience du manque que vous vivez actuellement - et qui est désagréable j’en conviens -, vous êtes tout simplement en train de nourrir votre désir mutuel, et cela n’a pas de prix. C’est le battement du coeur de votre couple que vous êtes en train de revivifier à chaque instant.

-    Merci Hanna. Dis-moi, si je sens que je vais craquer, je peux t’appeler ?

-    Bien sûr, je suis toujours là pour t’encourager. Et en attendant, sois forte !

Après ses mots apaisants, je me suis armée de courage pour continuer cette période de séparation. Le lendemain, Benjamin est rentré du travail et j’avais le sourire aux lèvres. Car même si c’était difficile, je prenais conscience que j’étais tout simplement en train de renforcer mon couple.

-    Tu te souviens que demain nous avons la finale de football de mon petit neveu Daniel ?

-    Oui, tu peux compter sur moi pour le soutenir ! C’est important de se sentir soutenu dès la plus jeune enfance. Je me souviens lorsque j’avais 6 ans je donnais une représentation de théâtre, et bien, mon père n’est pas venu, car il estimait que ce n’était pas important. Pour lui, c’était un truc de gamin… Je me souviens lui en avoir terriblement voulu. Surtout qu’à cette époque, il rentrait très souvent tard le soir, et, même arrivé à la maison, il n’était pas disponible. Il passait encore des coups de fils, et lorsque je voulais qu’il m’aide à faire mes devoirs, il avait toujours mieux à faire. J’ai gardé une certaine rancoeur pendant un moment, mais après, j’ai accepté les choses ainsi, bien que j’enviais mes autres amis dont les pères étaient plus présents.

Benjamin me parle de son enfance ? C’est bien la première fois que cela lui arrive… D’habitude, le soir il me parle plutôt de sa journée de travail, de la bourse, des impôts. Qu’est-ce qui lui avait pris tout d’un coup d’ouvrir son coeur et de parler de ses frustrations d’enfant ?

Tout d’un coup, je compris. Hanna m’avait dit que la période d’abstention - outre le fait de renouveler le désir - est précisément destinée à la découverte de la personne qui est l’autre conjoint. Vu que nous avons plus de temps pour discuter l’un avec l’autre, et que nous ne sommes pas brouillés par le côté physique, c’est comme si nous refaisions connaissance l’un avec l’autre. Discuter de ses rêves, ses ambitions, ses secrets les plus profonds… c’est exactement ce que j’étais en train de vivre, et exactement tout ce que j’avais rêvé de vivre dans mon couple.

Merci Hachem de nous avoir donné des lois aussi belles et aussi intelligentes que celles de la Pureté Familiale ! Elles sont parfaites en tout point !

Les jours passèrent, et le fameux soir du Mikvé est arrivé. Après des préparatifs très agréables, je dois avouer (une demi-heure de bain chaud et encore une demi-heure à prendre soin de moi, que rêver de mieux ?), je découvrais le Mikvé près de chez moi. Moins luxueux que celui de mon mariage, mais l’endroit était très propre, et la Balanite était des plus accueillantes et souriantes !

Lorsque je rentrais chez moi après mon immersion, Benjamin m’attendait, il avait dressé la table, c’était bien la première fois qu’il faisait preuve d’autant d’attention ! Je retrouvais la magie des premiers instants, comme lors de nos premiers rendez-vous. Je me sentais renouvelée de l’intérieur, et j’avais l’impression de le redécouvrir comme au premier jour.

- Tu as vu ma chérie, on a tenu le coup ! On peut être fier de nous !

C’est vrai, on peut être fier, mais surtout, on peut prendre conscience que lorsqu’on respecte les lois de pureté familiale, ce n’est pas nous qui faisons un cadeau à Hachem : c’est Lui qui nous a donné un véritable trésor.

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