Question d’une internaute : Avant, je ne pensais jamais à la mort, mais depuis que je suis maman, je suis complètement rongée par l’angoisse de perdre mes enfants, ‘Hass Véchalom, ou qu’il m’arrive quelque chose et qu’ils se retrouvent seuls. Du coup, je suis très angoissée, je ne les lâche pas. Il m’arrive même parfois de tomber dans un véritable état de dépression tant j’ai peur pour eux. J’ai perdu mon père jeune, est-ce lié ? Pourtant, il me semblait avoir bien surmonté cette épreuve. Comment me sortir de cette angoisse permanente qui m’empêche de vivre sereinement ?,

La réponse de Mme Nathalie Seyman

La mort est un sujet universellement sensible. C’est le plus grand paradoxe de la vie. Vivre sans ne jamais penser à la mort, c’est vivre comme un immortel. Et vivre en y pensant trop, c’est ne pas avancer. Dans les deux cas, on prend le risque de passer à côté de sa vie. Quoi qu’il en soit, la mort peut faire peur. À chacun l’image qu’il s’en fait, mais elle reste synonyme de fin (de la vie dans ce monde), de séparation. Et surtout, elle reste un grand mystère. Alors comment vivre sans cette ombre qui plane au-dessus de nous ? Comment avancer sereinement avec nos proches sans avoir sans cesse la peur de les perdre ?

Comprendre l’origine de cette angoisse

Nous avons tous tendance à redouter la mort. C’est normal, nous sommes nés avec un instinct de conservation qui fait partie de notre nature d’être humain. Et il est tout à fait normal d’avoir peur pour nos êtres chers, en particulier nos enfants qui sont notre trésor le plus précieux et dont nous avons la responsabilité. Mais pour autant, il n’est pas normal que cette peur nous paralyse et enferme nos proches. 

Car vivre, c’est finalement ne pas sans cesse penser à la mort comme une angoisse, ni à celle de nos proches, tout en étant conscient qu’elle est présente et qu’on ne peut pas la maîtriser.

Pour parvenir à dompter cette angoisse de mort, il faut la comprendre et surtout comprendre son ou ses origines. Elle peut avoir plusieurs sources :

- La peur de la fin : d’une étape, d’une période, etc. Peur de ce qu’on va laisser derrière soi. Avoir vécu la mort d’un proche peut amener à réaliser que cette fin n’est finalement pas si éloignée et pas si inimaginable (“hier encore, il était plein de vie”). C’est très dur de réaliser cela. Et d’autant plus si cela touche à l’un de nos parents. Perdre ses parents, c’est cesser d’être un enfant. C’est la fin d’une étape qui est difficile à accepter et à surmonter, et ceci, à n’importe quel âge. D’autant plus que le cycle de la vie veut que nous adoptions par ce fait une nouvelle place dans la génération et l’on prend ainsi conscience de sa propre mort.

- La peur de la séparation : le fait d’avoir vécu un abandon (réel ou symbolique), écho probable de rupture, de perte ou de deuil non pris en compte émotionnellement dans son enfance, peut provoquer une forte angoisse de séparation au point qu’elle s’apparente à une angoisse de mort. Mais on peut également trouver son origine dans la maternité. Quand une femme donne naissance à son enfant, elle expérimente un peu la séparation avec lui au travers de son accouchement. Il était en elle, son corps entier le protégeait et il se dissocie d’elle pour former un être à part. Cela peut être très bouleversant pour une maman qui, parfois, reste traumatisée par cette séparation et donc angoissée d’être séparée de son ou ses enfants et apparente cela à une angoisse de mort. 

- La peur de l’inconnu : elle est liée à celle de ne rien maîtriser, de ne pas savoir ce qui nous attend, de perdre le contrôle. Comment accepter quelque chose qui n’est pas en notre pouvoir ? Toute la réponse à cette question se trouve dans la confiance en Hachem (la Émouna).

- La peur de soi-même : en particulier pour les mamans qui ont peur pour leurs enfants, ces angoisses morbides peuvent s’expliquer par la forte responsabilité liée au fait de devenir parent, puisque la jeune maman se retrouve à jamais responsable de son enfant. Cela peut faire peur, en particulier si l’on n’a pas une bonne estime de soi-même, si l’on n’a pas assez confiance en soi et en sa capacité à garder nos enfants en sécurité et si l’on souffre de traumatismes non-résolus liés à la perte. 

Ces angoisses de mort, si elles sont extrêmes, peuvent être à l’origine de nombreux symptômes handicapants, tels que les TOC (troubles obsessionnels compulsifs), les crises d’angoisses, les états dépressifs, des phobies, l’hypocondrie, etc. C’est pourquoi il est impératif d’aller consulter, même si un travail doit être fait sur soi-même en parallèle.

Investir dans la vie

Vous l’avez compris dans mes précédentes explications, la maternité peut réactiver les angoisses de mort via tout ce qui se met à jour lorsque la femme devient maman. 

Des traumatismes non résolus peuvent remonter à la surface, des peurs non explorées encore font leur apparition, la crainte de cette responsabilité… Mais tout ceci, loin d’être négatif, va nous permettre de trouver les ressources pour nous dépasser et ainsi appréhender en toute conscience et maturité son nouveau statut de maman. L’important est d’apprendre à maîtriser ces angoisses et à ne pas se laisser dépasser. 

Il est indispensable de dédramatiser la mort et surtout de réaliser qu’elle donne tout le sens de la vie. L’appréhender autrement que par sa négativité vous permettra de la voir d’un autre œil et vous apaisera. Il faut avoir conscience que le fait d’être mortel nous pousse à ne pas perdre de temps. La mort donne cette pulsion qui nous permet d’accomplir de grandes choses. Et surtout, elle nous permet de réaliser la préciosité de la vie et des êtres qui nous entourent.

Il est important de ne pas rester avec cette angoisse de mort et de la traiter. Car non seulement elle peut évoluer et se développer jusqu’à nous paralyser complètement, mais en plus, elle peut être transmissible à nos enfants.

Mes conseils

- Comprendre pour vaincre : en priorité, il est indispensable de comprendre l’origine de cette angoisse. C’est par ce biais que vous pourrez la dépasser. Il semble dans votre cas que le traumatisme de la perte de votre père ait été réactivé lors de votre maternité. Si un traumatisme passé refait surface sous une autre forme, c’est qu’il n’a pas été complètement résolu. Il vous faut l’aide d’un thérapeute, car il vous donnera les outils thérapeutiques qui vous permettront de comprendre ce qui fait obstacle dans votre esprit et vous empêche de dépasser cette épreuve. 

- La pensée positive : comme je l’ai dit précédemment, il est important de se faire une autre image de la mort. Ainsi, plutôt que de chercher à la fuir à tout prix, à en avoir peur de manière obsessionnelle, vous pouvez apprendre à vivre en harmonie avec cette idée et l’utiliser comme une arme pour mieux profiter de votre vie et faire en sorte de ne jamais rien regretter. Focalisez-vous aussi sur la vision de la Torah : dans le judaïsme, la mort d'une personne représente la fin d'une mission accomplie sur terre, mais ce n’est pas une fin en soi. C'est le commencement d'un monde meilleur en lequel on doit avoir foi et ne pas avoir peur.

- Ne pas nier son angoisse : dès que vous vous sentez envahir par l’angoisse, avant qu’elle vous mène à un état dépressif ou à une crise d’angoisse, apprenez à la reconnaître et à l’accepter sans la nier. Par exemple, si vous voyez votre enfant grimper à hauteur raisonnable, mais que cela active immédiatement votre angoisse, sachez le reconnaître en vous apaisant : “Je sais que mon enfant n’est pas en danger, c’est mon angoisse qui parle”. D’ailleurs, mettre un mot sur votre souffrance est déjà un premier pas vers la libération. D’autant plus que cela vous permettra de mieux comprendre et d’être plus attentive aux signaux que vous envoie votre corps. De plus, une fois que vous avez repéré cette angoisse, vous aurez plus de chance de détecter son élément déclencheur. Si cela est trop difficile à supporter pour vous et que votre obsession ne vous quitte pas, n’hésitez pas à en parler à votre enfant : “Maman a peur pour toi, je sais que tu ne vas pas tomber, mais je préfère que tu sois en sécurité dans ma tête aussi.” Tout est une question d'entraînement et de travail sur soi.

- Travailler sur soi : apprivoiser son angoisse de mort nécessite un grand travail sur soi. Il vous faudra apprendre à vous remettre en question, à trouver des explications dans votre histoire personnelle et à vous dépasser. Ce travail ne se fait pas du jour au lendemain et il faut se donner le temps d’y arriver et accepter de passer par des échecs. Chaque petit pas doit être considéré comme une victoire. Et en parallèle, il est important de faire appel à un thérapeute afin de puiser en vous toutes les ressources nécessaires pour surmonter votre phobie.

- Parler ! La parole est libératrice, je ne le dirai jamais assez. Il faut que vous parveniez à parler de la mort. Commencez par exemple à parler de la mort de votre père avec votre mère ou votre conjoint. Ou bien même à l’expliquer à vos enfants avec des mots apaisants bien sûr et non anxiogènes. Peut-être que ce sera le départ d’un déclic vers une libération de votre angoisse.

- La Émouna : elle est l’une des clés de l’apaisement de cette angoisse. Mettre toute notre confiance en Hachem, c’est finalement Lui remettre ce que l’on ne peut pas maîtriser. C’est lâcher prise sur ce qui n’est pas entre nos mains et profiter exclusivement de ce qui dépend de nous. À chaque fois que vous sentez l’angoisse monter en vous, adressez une prière à Hachem en Lui demandant de vous aider à surmonter vos angoisses. 

- Libérez-vous : en vous apaisant. Pour cela, il est très important de pratiquer une activité sportive. Cela vous permettra d’évacuer toute énergie négative. N’hésitez pas non plus à pratiquer de la réflexologie ou de la sophrologie afin de vous détendre et d’apprendre à vous apaiser par vous-même.

Dépasser votre angoisse de la mort et de celle de vos proches vous aidera à mieux profiter de la vie avec eux. Apprenez à vous faire confiance en tant que maman. Et à faire confiance à Hachem. Toutes nos vies sont entre Ses mains. Nous sommes venus au monde pour le quitter un jour, c’est un fait. Mais notre rôle est de rester du côté de la vie. C’est-à-dire apprendre du passé, profiter du présent et se construire ainsi un avenir. Lâcher prise pour accepter l'incontrôlable. C’est la clé de la sérénité.

Béhatsla’ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.