« C’est pourquoi, diront les "Mochlim", venez à ’Hechbon ! Que la ville de Si’hon soit construite et établie (Tibané Vétikonen) ! »  (Bamidbar 21,27)

La Torah raconte les événements qui ont conduit Si’hon à prendre le contrôle d’une partie du territoire de Moav. Les « Mochlim » – les personnes qui parlent en s’aidant de Machalim – racontaient poétiquement comment l’endroit nommé « ’Hechbon » fut établi. La Guémara (Baba Batra 78b) explique le sens profond de ce verset. Le mot « Mochlim » fait allusion aux individus qui se dominent et enjoignent de faire un ’Hechbon du monde ; c’est-à-dire évaluer le « gain » d’une Mitsva par rapport à sa « perte » et le « gain » d’une Avéra par rapport à sa perte. 

Qu’est-ce que la Guémara entend par « gain » et par « perte » ? Le Rachbam explique que la « perte » d’une Mitsva se réfère au coût occasionné par l’accomplissement d’une Mitsva (au lieu de s’occuper de son business), ou les dépenses engendrées par la Tsédaka. Le « gain » de la Mitsva, quant à lui, se réfère à l’avenir, à la récompense dans le 'Olam Haba. En revanche, le « gain » d’une Avéra correspond au plaisir éprouvé par l’action, tandis que sa « perte » fait référence aux conséquences négatives dans le 'Olam Haba.

La Guémara ajoute que si une personne fait cette évaluation, elle bénéficiera à la fois du 'Olam Hazé et du 'Olam Haba. Or, des mots différents sont employés pour décrire les gains dans les deux « endroits ». En ce qui concerne le 'Olam Hazé, le mot utilisé est « Tibané – sera construit », alors que pour le 'Olam Haba, on parle de « Tikonen – sera établi ». Le Iyoun Ya'acov explique que « Tikonen » sous-entend une récompense plus permanente que « Tibané ». En effet, la véritable récompense d’une Mitsva est reçue dans le monde futur et celle perçue dans ce monde n’est que secondaire et éphémère.

Quand la Guémara demande d’évaluer la récompense pour une Mitsva, elle se réfère uniquement (d’après le Rachbam) à la récompense dans le 'Olam Haba sans aucune allusion à la nécessité de considérer la récompense dans le 'Olam Hazé.  Pourquoi était-il donc nécessaire de préciser que celui qui s’introspecte obtient une récompense dans le 'Olam Hazé – cela semble hors de propos ! 

Bien que la récompense principale soit reçue dans le monde futur (et cela devrait être la motivation principale d’accomplir les Mitsvot et de s’éloigner des Avérot), il est essentiel d’être conscient du fait que le ’Hechbon Hanéfech est profitable aussi dans le monde actuel. Les bénéfices dans le 'Olam Hazé sont beaucoup plus tangibles que ceux perçus dans le 'Olam Haba. Parfois, les récompenses lointaines du 'Olam Haba ne suffisent pas pour motiver l’individu à respecter les Mitsvot. Il doit donc être conscient qu’il sera gagnant également dans le 'Olam Hazé.

Une deuxième question se pose. Quel genre de récompense la personne reçoit-elle dans le 'Olam Hazé ? Elle peut prendre deux formes ; soit, l’individu gagne en importance et se sent plus lié à Hachem (le mot « Tibané » le sous-entend – il est construit en tant qu’individu par ses actions positives) ; soit il verra clairement que le respect des Mitsvot lui fut bénéfique dans sa vie sur terre. 

L’histoire suivante nous donne un exemple de ce phénomène. À la fin d’un cours de Rav Chalom Schwadron, un homme vint lui raconter une anecdote. Il était d’origine russe et son histoire remonte à l’arrivée au pouvoir des communistes. Juste avant cela, les Juifs de Russie se sentaient en sécurité dans le pays et cet homme avait un commerce prospère de bijoux. Un jour, il sortit travailler un peu plus tôt que d’habitude et croisa quelqu’un qui cherchait un homme pour compléter un Minyan, afin de pouvoir réciter le Kaddich, le jour anniversaire du décès de l’un de ses parents. Ayant un peu de temps libre, le bijoutier accepta. Mais en entrant dans la salle de prière, il réalisa, à son grand regret, qu’il n’y avait que cinq hommes présents. Il s’apprêtait à repartir, mais la personne qui devait réciter le Kaddich le supplia de rester quelques minutes supplémentaires, jusqu’à ce que le Minyan soit complet.

Au bout de plusieurs longues minutes, on trouva enfin les hommes nécessaires pour compléter le Minyan, mais le bijoutier était très mécontent d’avoir perdu tant de temps. Supposant qu’après un Kaddich rapide, il serait libre de repartir, il resta sans voix quand il entendit l’homme (qui avait organisé le Minyan) commencer la prière à son début. Étant donné qu’ils n’étaient que dix, le bijoutier n’eut d’autre choix que de rester, se sentant « pris en otage » et de plus en plus en colère. À la fin de la prière, il courut jusqu’à son magasin, de façon à ne pas perdre plus de temps. Mais en arrivant, il apprit que les bolchéviques avaient attaqué et saccagé le bâtiment et avaient également tué la plupart des Juifs qui s’y trouvaient. S’li n’était pas resté pour permettre à un autre Juif de réciter le Kaddich, ses propres enfants auraient dû réciter le Kaddich pour lui !

Rav Ozer Alport souligne : « Nous sommes parfois confrontés à des dilemmes ; nous savons au fond de nous quelle est la bonne chose à faire, mais par ailleurs, nous voulons agir différemment pour profiter davantage de ce monde. La prochaine fois que nous serons confrontés à un tel choix, souvenons-nous du conseil des "Mochlim", évaluons bien la situation et réalisons qu’en prenant la bonne décision, nous ne gagnerons pas seulement dans le monde futur, mais également dans celui-ci. »

Puissions-nous tous mériter d’effectuer une bonne introspection et jouir autant dans ce bas monde que dans l’au-delà.