« D.ieu dit : "Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance…" » (Béréchit 1,26)

Rachi explique l’expression « Faisons l’homme » : même si personne n’a aidé dans sa création [de l’homme], et que les hérétiques risquent de se rebeller, la Torah ne s’est pas retenue d’enseigner le Dérekh Erets et l’humilité, de montrer que le plus grand doit prendre conseil et demander l’avis du plus petit. Si, par la suite, il était écrit : « Je ferai l’homme », nous en aurions déduit qu’Hachem parlait seul et non avec Son Beth Din. Et pour répondre aux hérétiques, nous pouvons citer le verset : « D.ieu créa l’homme » (au singulier) et non « Ils créèrent l’homme ».

Hachem n’avait besoin d’aucune aide pour la création de l’homme, alors pourquoi faire comme s’il s’agissait d’une coentreprise ? Rachi, citant le Midrach, explique qu’Hachem venait délibérément enseigner une leçon fondamentale de magnanimité et d’humilité, montrer que l’on doit consulter les autres même quand ils sont d’un niveau inférieur. Le Midrach ajoute qu’Hachem souhaitait donner cette leçon, malgré le risque d’une fausse interprétation de l’emploi du pluriel.

N’y avait-il pas d’autre façon de transmettre le même enseignement, sans prendre le risque d’une hérésie ? On nous montre ici l’importance des bons traits de caractère en général et de l’humilité en particulier.

L’hérésie est une faute gravissime et pourtant, Hachem considéra l’enseignement des bonnes Middot comme plus important, malgré le risque de s’égarer dans le reniement.[1]

Deux points supplémentaires peuvent nous aider à répondre à cette question à un niveau plus profond. Tout d’abord, on pourrait penser que les défauts humains ne sont qu’une faille dans le service divin, mais non un empêchement total à la 'Avodat Hachem. Or, d’après nos Sages, ces manquements sont si graves qu’ils sont comparés à l’idolâtrie. En effet, la Guémara[2] affirme qu’une personne qui déchire ses vêtements, sous l’effet de la colère, est appelée idolâtre[3]. Les défauts sont une faille profonde dans la foi et l’on accepte de risquer une erreur d’Émouna, dans le but de souligner l’importance des bonnes Middot, elles-mêmes assimilées à la Émouna.

Deuxièmement, les mauvaises Middot (et surtout l’arrogance) sont à l’origine de croyances hérétiques, tandis que les bonnes Middot (surtout l’humilité) sont le point de départ du développement de la Émouna. Comment ? Rav Chakh explique que l’origine du reniement de D.ieu est l’orgueil, qui empêche l’individu de se soumettre à un Être Supérieur. En revanche, une personne modeste n’aura aucune difficulté à reconnaître la présence d’Hachem et Sa supériorité. D’ailleurs, le Midrach affirme que lorsque Moché Rabbénou écrivit la Torah et qu’il dut écrire le verset « Faisons l’homme », il demanda à Hachem pourquoi laisser les hérétiques prétexter que telle est la preuve de la présence de multiples Forces. Hachem lui répondit qu’il convenait quand même d’écrire le verset de la sorte, « et quiconque veut se tromper, se trompera. » [4]

Le Midrach montre qu’une personne qui intériorise l’enseignement d’humilité ne tombera pas dans le piège de l’hérésie, mais si elle ignore cette leçon et reste arrogante, alors elle voudra rejeter Hachem et son attitude négative la conduira vers l’hérésie.

Certes, les questions sincères relatives à la Émouna sont importantes, constructrices, et à promouvoir, mais il faut bien différencier les questions posées pour comprendre réellement un sujet et celles avancées en tant qu’excuse pour pouvoir agir comme on le souhaite.

On raconte l’histoire d’un élève de la Yéchiva de Volozhin qui s’éloigna de la voie de la Torah. Au bout de quelque temps, il retourna à la Yéchiva et dit au Rav ’Haïm Soloveitchik qu’il avait des questions profondes qui l’éloignaient de la Torah et il souhaitait les poser au Rav. Ce dernier lui demanda ce qui s’était produit en premier lieu ; cet homme avait-il eu des questions, puis quitté la Torah ou bien avait-il décidé de s’éloigner de la Torah et ensuite, il avait eu des questions ? Dans le second cas, les « soi-disant » questions ne viennent que justifier son comportement hérétique, et montrent que le questionneur ne s’intéresse pas vraiment à la réponse. Rav ’Haïm ajouta qu’il pouvait répondre aux questions, mais qu’il ne pouvait pas répondre aux excuses, parce qu’elles ne sont pas authentiques.

Cela nous apprend à être très honnêtes avec nous-mêmes lorsque nous avons des questions sur la Torah qui nous mènent à agir de manière incorrecte, et à analyser la véritable cause de ces « questions ».[5]

 

 

[1] ’Hiddouché Lev, citant le Alter de Slabodka, Béréchit 1,26..

[2] Chabbath, 105b.

[3] Si l’on ne peut pas contrôler son Yéster Hara', on risque de glisser jusqu’à l’idolâtrie. On peut également expliquer qu’une personne qui se met en colère estime, en quelque sorte, qu’elle sait mieux que D.ieu comment gérer la situation ; c’est comme si elle adorait sa propre personne, pensant savoir ce qui est le plus favorable pour elle.

[4] Béréchit Raba 8,8.

[5] Comme précisé, il n’y a absolument rien de mal à poser des questions sur la Torah ou la Émouna avec un désir sincère de comprendre l’approche de la Torah. Il est d’ailleurs très important d’encourager les enfants (et les adultes) à poser des questions et à ne pas tout accepter aveuglément, car cela conduit souvent à une erreur ; celle de penser que la Torah n’a pas de réponses à toutes les questions.