Il est écrit dans la Parachat Vayétsé : « Il arriva dans un endroit où il établit son gîte, parce que le soleil était couché. » (Berechit 28,11).

Qui ne souhaite pas exploiter des occasions à sa portée ? Mais il faut bien entendu d'abord s'arrêter sur ces opportunités et ne pas les laisser passer.

Cette semaine, une telle opportunité s'est présentée à moi. Écoutez mon histoire, mais tout d'abord, examinons ce que notre Paracha dit à ce sujet.

La Guémara, dans le traité de 'Houlin, relate que lorsque Ya'acov Avinou se dirigea vers 'Haran en provenance de Béer Chéva, il déclara : il se peut que je sois passé dans un endroit où mes ancêtres avaient prié et je n'y ai pas prié. Lorsqu'il voulut revenir sur ses pas, les distances furent supprimées miraculeusement. D.ieu dit : ce Tsadik vient dans Ma résidence et partira sans dormir ? À cet instant-là, le soleil se coucha (prématurément).

Rachi, dans notre Paracha, s'interroge : pourquoi, lorsque Ya'acov partit à Béer Chéva depuis 'Haran, n'est-il pas passé par cet endroit sacré et ne s'y est-il pas attardé ? Il répond qu'il n'avait pas pensé alors prier sur le lieu où ses ancêtres avaient prié, et du Ciel, on ne le fit pas s'attarder sur place ; or, lorsque Ya'acov en formula lui-même le souhait, il obtint alors une aide divine.

D'après le Rav de Brisk, c'est le cas pour chaque individu dans son service divin : parfois, une possibilité inédite s'offre à l'homme, mais s'il n'y fait pas attention, on le laisse du Ciel poursuivre son quotidien, sans lui accorder d'aide pour saisir cette occasion. Mais si l'homme saisit l'occasion qui lui est offerte, il a droit à une aide divine abondante, au point d'avoir même droit à un raccourcissement miraculeux de sa route.

Voici le récit dont je voudrais vous faire part. Je suis rentré cette semaine de l'étranger avec mon fils, un voyage de prières et d'élévation spirituelle en Ukraine, berceau de la 'Hassidout. En chemin du retour en terre sainte, à notre atterrissage, ma famille m'avertit qu'un quart d'heure plus tard, un parent viendrait nous chercher. Nous ralentîmes le rythme de la marche dans l'aéroport et marchâmes lentement vers la sortie.

De loin, nous aperçûmes les panneaux menaçant des douanes, mais qui ne nous impressionnèrent pas…nous n'avions rien à déclarer… Cela me rappela l'histoire du voleur qui tenta d'entrer en effraction dans la maison d'un pauvre au milieu de la nuit, et à sa grande surprise, le maître de maison lui ouvrit grand la porte et lui dit : cherchons ensemble, nous trouverons peut-être quelque chose…

Lorsque nous passâmes à côté de la douane, nous lançâmes un regard, et vîmes que les deux employés étaient assis à moitié endormis. Je me remémorai les propos du Ba'al Chem Tov : tout ce qu'un Juif voit ou entend renferme une leçon pour son service divin.

Je me souvins également que la semaine précédente, nous avions lu dans la Torah le passage : Vérivka Choma'at (Rivka entendi) : Rivka comprend qu'elle doit agir à partir de ce qu'elle a entendu des propos adressés par Its'hak à Essav : Its'hak avait demandé à Essav de lui apporter des plats et lui promit de le bénir ensuite.

Que pouvons-nous apprendre de cet endroit ? C'est un lieu où tout le monde passe rapidement sans jeter un coup d'œil dans la direction des employés. Je me suis approché d'eux avec sérénité, j'ai souri et leur ai souhaité bonne nuit. Ils me rendirent la pareille en me souhaitant bonne nuit tout en se demandant ce que je voulais. Je leur dis : vous êtes assis à un point de passage, un carrefour par lequel passent des individus de toutes sortes, dont une partie cherche à esquiver les douaniers, et ce sont justement eux que vous recherchez. Pouvez-vous me résumer votre travail ? Ils étaient sous le choc, aucun passager ne leur avait jamais posé une telle question. Ils réfléchirent un instant, puis le plus jeune des deux déclara : retenez la règle : à la douane, on ne court pas !

Je saisis le message, le remerciai aimablement et me dirigeai vers la sortie, en réfléchissant au message que je venais d'entendre, d'un Juif sans Kipa : chaque jour, de nombreuses personnes passent à côté de lui et le « bénissent » en silence.

Le monde dans lequel nous vivons, l'environnement dans lequel le Maître du monde nous a placés, exige de nous de plus en plus, et l'homme a naturellement tendance à vouloir améliorer ses performances, aussi bien en termes de matérialité que de spiritualité : qui ne souhaite pas finir l'étude du Chass, étudier tout le Choul'han Aroukh, se lever tôt le matin et étudier avant la prière, saisir ici et là quelques minutes d'étude ?

Voici la règle que nous devons nous fixer : dans la vie, tout comme aux douanes, on ne court pas. Pour acquérir un bon trait de caractère, une bonne habitude, ou une bonne décision, il faut certes agir avec empressement, mais éviter de courir sans réfléchir, et agir la tête reposée et avec pondération.

Ya'acov Avinou, en route vers Lavan l'araméen pour épouser une femme et fonder un foyer – qui donnera naissance au peuple d'Israël, avait toutes les raisons de poursuivre son chemin. Mais après un instant de réflexion sur l'idée d'être passé par un endroit où ses ancêtres avaient prié et non lui, quel fut le résultat ? « Cette terre sur laquelle tu reposes, Je te la donne à toi et à ta postérité. Elle sera, ta postérité, comme la poussière de la terre ; et tu déborderas au couchant et au levant. (…) et toutes les familles de la terre seront heureuses par toi et par ta postérité. Oui, Je suis avec toi ; Je veillerai sur chacun de tes pas et Je te ramènerai dans cette contrée. »

Retenons les termes de la Michna dans le traité d'Avot : « Il ne se précipite pas pour répondre. » Rabbénou Yona explique : « Examine les choses en profondeur, et ne te précipite pas pour prendre rapidement la parole avant que le thème soit limpide pour toi, et ainsi, ta réponse sera exacte.»

Rav Avraham Fuchs de Dirchou