Il leur dit : « Sortez et identifiez la mauvaise voie, celle dont l’homme doit s’écarter. » Rabbi Eliézer dit : « Un mauvais œil. » Rabbi Yéhochoua dit : « Un mauvais ami. » Rabbi Yossi dit : « Un mauvais voisin. » Rabbi Chimon dit : « Celui qui emprunte et ne rembourse pas. Celui qui emprunte de l’homme est considéré comme empruntant au Très-Haut, béni soit-Il… Rabbi Elazar dit : « Un mauvais cœur. » Rabbi Yo'hanan leur dit : « Les paroles de Elazar ben Arakh me semblent préférables aux vôtres, car les vôtres sont incluses dans les siennes. »

QUESTIONS

1. Pourquoi Rabbi Yo'hanan doit-il explicitement leur demander d'identifier la mauvaise voie – c'est certainement l'opposé de la voie de la vertu ? En effet, toutes les réponses, à l'exception d'une, sont l'inverse de ce qui a été dit dans la première partie.

2. Rabbi Chimon dit : celui qui emprunte et ne paie pas : en quoi est-ce le pendant de ce qu'il a dit dans la première partie – celui qui entrevoit les conséquences de ses actes ?

3. Pourquoi n'a-t-il pas simplement dit : quelqu'un qui n'entrevoit pas les conséquences de ses actes ?

Ayant interrogé ses élèves sur la voie idéale à adopter pour l'homme, Rabbi Yo'hanan demande à présent à ses élèves la voie mauvaise à éviter. Les commentateurs remarquent qu'il devrait être évident que pour la réponse de chaque élève décrivant la voie de la vertu, la réponse opposée devrait être la voie du vice. En effet, leurs réponses à sa question reflètent en grande majorité ce qu'ils ont dit en réponse à la première question. Les commentateurs[1] expliquent qu'on aurait imaginé que si un individu n'est pas doté des traits de caractère positifs mentionnés, alors automatiquement, il suivra la voie du vice. Par exemple, s'il n'est pas doté d'un bon œil et n'est pas satisfait de ce qu'il a, il suit certainement la voie du mal. Or, ce n'est pas nécessairement le cas : ne pas être doté d'un bon œil n'est bien entendu pas une qualité, mais cela peut être neutre d'une certaine façon. Il est donc nécessaire d'enseigner qu'un Ayin Hara', un mauvais œil est abject, mais ne pas posséder de bon œil n'est pas nécessairement un mal.

Quant aux réponses, toutes à l'exception d'une, reflètent parfaitement la qualité mentionnée dans le sens positif, à l'exception de celle de Rabbi Chimon : il avait affirmé que la voie idéale à emprunter est celle de Haroé Èt Hanolad (celui qui entrevoit les conséquences de ses actes), mais eu égard à la voie du mal, il ne dit pas : Ha Ein Roé Èt Hanolad – celui qui ne voit pas le résultat, mais il dit plutôt : Halové Vééno Méchalem : celui qui emprunte et ne restitue pas. Les commentateurs expliquent ceci de la même façon que le point précédent : ne pas entrevoir les conséquences des événements n'est pas nécessairement un trait négatif qui cause du tort, mais plutôt l'absence d'un trait positif. En conséquence, Rabbi Chimon donne un exemple illustrant le fait de ne pas pressentir le résultat des événements qui peut entraîner l'homme à suivre la voie du vice.

Son exemple est un homme qui contracte un emprunt, mais ne le rembourse pas. Il existe deux explications possibles sur la raison pour laquelle une telle personne est considérée comme agissant dans la voie opposée à celui qui Roé Et Hanolad : l'une est que les gens remarqueront qu'il ne rembourse pas ses emprunts, et en conséquence, à l'avenir, personne ne sera disposé à lui prêter de l'argent lorsqu'il en aura besoin. De ce fait, il agit avec une vision à court terme qui portera préjudice à son avenir.[2] L'autre explication possible est qu'il agit avec une vision à court terme en empruntant de l'argent sans réfléchir sur la manière dont il le remboursera à l'avenir, avec pour conséquence désastreuse qu'il sombrera dans les dettes qu'il ne sera pas en mesure de rembourser. Dans cette veine, Rav Chakh avait l'usage de dire qu'il ne convenait pas d'emprunter de larges sommes d'argent pour payer le mariage d'un enfant, si l'on n'a aucune idée de la manière dont on pourra les rembourser.

Nous pouvons suggérer que : Halové Vééno Méchalem n'est pas le seul exemple d'une personne qui agit avec une vision à court terme, mais c'est valable pour toute personne qui agit en omettant de prendre en compte les conséquences possibles de ses actions, en particulier lorsque cela a un effet négatif sur d'autres personnes. Par exemple, si un individu investit son argent de manière insensée à la recherche d'un gain monétaire rapide, il n'agit pas seulement de manière stupide, mais il porte atteinte à sa famille qui compte sur lui pour la Parnassa.

Cela s'applique également à la 'Avodat Hachem, le service Divin de manière générale. Si quelqu'un pense uniquement aux conséquences à court terme de ses actions, il risque de faire des choix de vie qui ne le rapprochent pas au final de Hachem. Il est donc essentiel qu'une personne voie les effets à long terme de ses actions, en sus de ses conséquences immédiates.

 

[1] Voir Rabbénou Yona, Barténoura.

[2] Inutile de dire qu'il est également interdit de ne pas rembourser un prêt si l'on a la possibilité de le faire.