L’un des grands mérites de la psychiatrie moderne a été de découvrir que les problèmes rencontrés par les adultes résultent souvent d’un traumatisme vécu dans leur tendre enfance. C’est donc en les faisant parler qu’ils ont pris connaissance de ces événements « refoulés » qu’ils n’avaient pas pu intégrer ni classer dans leur conscient avec les leçons qui en découlaient. C’est ainsi que les uns et les autres ont été aidés à retrouver un certain équilibre.
Or voici une fort intéressante interrogation formulée par le rav Its’hak Yéchouroun : alors qu’on parle toujours chez l’enfant de traumatismes non encore résorbés, on a rarement ou même jamais évoqué un traumatisme « positif ». En effet, imaginons quelqu’un qui, dans son enfance, ait connu un immense bonheur sans l’avoir conscientisé ni pleinement intégré dans son identité.

En fait, pour le peuple d’Israël, la sortie d’Égypte c’est bien cela : ce moment vécu au plan collectif où les Hébreux ont été l’objet d’une incroyable sollicitude divine et d’une immense bonté du Créateur qui a accompli pour eux des miracles considérables… À tel point qu’ils n’ont pas eu le temps de le réaliser !

Ensuite, nous avons donc tous grandi, de génération en génération, en tant que Juifs dans cette atmosphère « miraculeuse » de la bonté de Hachem, mais que l’on n’a pas suffisamment réussi à analyser, décortiquer et intégrer.

Voilà pourquoi notre calendrier comporte une date centrale : celle de Pessa'h, où pendant une nuit entière (et deux dans la diaspora), nous allons méditer, réaliser et analyser tout ce qui s’est passé, pour permettre à chacun de nous de découvrir l’immensité de l’amour de D.ieu à notre égard, Sa miséricorde qui nous permet non seulement de sortir d’Égypte en nous protégeant de nos ennemis, mais aussi de tracer notre propre chemin à travers l’histoire des nations.

Pour être originale, cette approche n’en est pas moins fort positive, ce qui est souvent occulté par ceux qui ne retiennent de l’histoire juive que les souffrances, les expulsions et les tentatives d’extermination. Mais la conscience d’un Juif qui médite la Torah est surtout préoccupée par la prise de conscience de la bonté de Hachem qui lui a permis d’arriver là où il se trouve aujourd’hui !

Il nous appartient donc à Pessa'h de nous retrouver pour parler enfin de manière positive et cesser de nous plaindre, gémir ou pleurer. Bien au contraire ! La Torah nous enjoint, encore une fois, de réaliser que notre peuple est toujours là, alors que les peuples de l’Antiquité ont, quant à eux, complètement disparu de la surface de la Terre…

Ce qui m’amène à parler de ces gens qui ont été touchés dans leur chair, notamment lors du drame de Toulouse. J’ai été stupéfait de leur extraordinaire confiance et optimisme dans l’avenir, qui constitue un grand Kiddouch Hachem. Car ils ont compris l’essentiel : à savoir que dès l’origine, ce peuple a réalisé que la souffrance de l’un était la souffrance de tous, mais aussi que l’on ne pouvait pas vivre en permanence dans la souffrance et qu’il fallait dégager au contraire une voie d’optimisme et de bonheur…

Toujours conscient de ces nombreuses tentatives déployées pour l’exterminer, mais cherchant surtout à se demander comment il pouvait être encore là, notre peuple a appris à conscientiser la présence d’Hachem et de Sa Hachga’ha. C’est que toutes ces épreuves n’ont fait que nous renforcer dans notre foi et nous donner confiance en l’avenir.