Cette histoire concerne l’un des géants des générations précédentes, Rabbi Méchoulam Igra (qui a vécu il y a environ deux cents ans et était un génie extraordinaire depuis son enfance, auteur de l’ouvrage Gram Hama’alot). Il se donnait beaucoup de peine pour la préparation des Matsot : il semait lui-même le blé pour la confection des Matsot dans le jardin de sa maison, le coupait ensuite lui-même, le broyait de ses propres mains, puis préparait la pâte et cuisait ces Matsot de Mitsva. Il se chargeait de tout le processus, dans la plus grande perfection, dans la sainteté et la pureté.

À cette époque, l’usage était de conserver les Matsot (ou toutes sortes de pâtisseries) dans un sac spécial suspendu à une corde accrochée au plafond de la maison, pour éviter aux insectes et autres rongeurs d’y toucher. Le Rav Méchoulam avait également entreposé ses Matsot dans un tel sac. Dans un autre sac similaire, la Rabbanite avait placé le reste des Matsot : c’était les Matsot consommées les jours de ‘Hol Hamo’èd, des Matsot simples que le Rav n’avait pas préparées lui-même.

Une servante - une pauvre jeune fille juive - travaillait dans la maison de Rabbi Méchoulam. Elle demeurait dans la maison du Rav et aidait la Rabbanite dans toute la gestion du foyer. La veille de Pessa’h, la Rabbanite se trouvait dans sa cuisine et voulait préparer des Kneidler pour la soupe. La Rabbanite demanda à la jeune fille de lui apporter trois Matsot simples de la pièce adjacente, pour les broyer en vue de confectionner les boulettes de Matsa. La servante s’exécuta et sans y prêter attention, prit les Matsot précieuses du Rav et les tendit à la Rabbanite. Celle-ci, qui ignorait le problème, les broya et prépara des boulettes de Matsa.

À l’approche du soir, alors que le Rav était déjà parti à la synagogue, la Rabbanite voulut placer les Matsot du Rav sur la table, mais en entrant dans la pièce, elle poussa un cri. Où les Matsot du Rav se trouvaient-elles ? La servante, qui comprit immédiatement ce qui s’était passé, s’enfuit de la maison et se cacha près de la synagogue. La Rabbanite, paniquée, décida de poser sur la table des Matsot simples, dans l’espoir que son mari n’y fasse pas attention.

Le Rav rentra de la synagogue, prit de suite place à table et commença à réciter : « Kadech Ouré’hats ». Il se rendit alors compte que les Matsot sur la table n’étaient pas celles qu’il avait confectionnées. Étonné, il se tourna vers son épouse : « Où sont les Matsot que j’ai préparées ? » La Rabbanite lui raconta ce qui s’était passé, le visage du Rav s’assombrit, mais il ne se faisait pas de soucis pour les Matsot, il était préoccupé par autre chose. « Où est la servante ? », demanda le Rav à son fils et lui ordonna de chercher immédiatement la domestique. Le fils partit, et revint quelques minutes plus tard, suivi par la jeune servante, honteuse. Le Rav la fit asseoir et lui dit : « Ma fille, sache que les Matsot m’importent peu, ne t’inquiète pas pour ce qui s’est passé, et pour te montrer que je ne suis absolument pas en colère et que je veux que tu te réjouisses avec nous pendant le Séder, je te promets que, dès la fin de la fête, la Rabbanite t’achètera une nouvelle robe ! »

C’est une histoire extraordinaire. Rabbi Méchoulam qui s’était donné tant de peine pour préparer ces Matsot, ne cherchait pas son intérêt personnel dans les Mitsvot. Il s’était conduit ainsi pour accomplir les préceptes divins à la perfection. Or, à ce moment-là, le plus grand embellissement de la Mitsva consistait à réjouir la jeune fille. Telle était la volonté réelle d’Hachem, loué soit-Il. Puisse Hachem nous aider à imiter la conduite de ce Tsadik.