Dans l'épisode précédent : Après avoir longuement étudié les prophéties de la Torah avec le Rav Lévy, il était question aujourd’hui d’évoquer les prophéties énoncées par les Sages. Mais Olivier se méfiait du jugement des hommes, il savait que la nature humaine est faible et sujette à la controverse. L’homme n’est jamais à l’abri de l’erreur, ou même de la mauvaise foi.

Olivier : Bonjour Rav, je sais que nous avions prévu de parler des prophéties des Sages comme preuve de la véracité de la Torah, mais je vous avoue que j’ai un peu du mal à croire en l’homme et en son jugement... l’Histoire nous a largement prouvé que l’homme est faible et enclin aux intérêts personnels, manipulateur et égoïste.

Rav Levy : Ton jugement est sévère sur le genre humain, n’as-tu jamais rencontré d’hommes dignes de confiance aux nobles traits de caractère ?

Olivier : A part ma grand-mère Henriette non ! Même ma mère m’a caché ma judéité pendant 30 ans !

Rav Levy : Elle avait sûrement ses raisons. Mais ta grand-mère ne doit pas être la seule, n’est-ce pas ?

Olivier : Bien sûr, mais lorsque le pouvoir entre en jeu, il enivre les meilleurs. Regardez les empereurs, les rois, sans parler des hommes politiques, un sur dix s’est révélé être digne de son pouvoir, et encore... ! Qui dit que les Sages n’ont pas fait usage de leur pouvoir pour convaincre les foules, rajouter des mesures à la Torah, afin de renforcer leur propre gloire. Vous parlez des Sages avec une telle vénération… 

Rav Levy : Tu as raison, je dois t’expliquer pourquoi nous accordons à nos Sages, une si grande confiance. Lorsque tout le peuple juif était dans le désert, après la Révélation du Mont Sinaï, un homme s’est élevé du milieu de l’assemblé et a tenté de remettre en question la souveraineté de Moïse notre maître. Il s’appelait Kora’h. Il tenta de manipuler tout le peuple contre Moïse, arguant que Moïse s’était approprié le pouvoir législatif et avait mis son frère Aaron responsable du pouvoir sacerdotal, car Aaron, le grand-frère de Moïse fut nommé grand-prêtre. Ainsi, les deux rôles communautaires les plus important du peuple furent attribués à Moïse et à son frère. Moïse mit en garde Kora’h et ses compères de ne pas se rebeller car Aaron et lui-même étaient tous deux mandatés par D.ieu Lui-même, et que toute mutinerie serait perçue comme un manque de soumission à D.ieu en personne. Mais rien n’y fit et une assemblée se révolta contre Moïse, le dirigeant. Alors, pour montrer à tous que seul D.ieu est à même de choisir son élu, le Tout-Puissant opéra un miracle sous les yeux de tous, et la Terre s’ouvrit pour engloutir Kora’h et toute son assemblée. Ainsi, l’autorité de Moïse fut scellé dans les cœurs à jamais.

Olivier : Radical comme traitement.

Rav Levy : Lorsqu’il s’agit de la formation du peuple élu, les bases doivent être solides.

Olivier : Peuple élu ? C’est une notion connue mais que signifie-t-elle réellement, que le peuple juif serait supérieur aux autres ?

Rav Lévy : Absolument pas. En deux mots, cela signifie que le peuple juif a été désigné pour mettre en oeuvre le projet divin.

Olivier : Revenons-en à Moïse, ça m’intéresse… Donc, D.ieu Lui-même donna l’estampe à Moïse attestant qu’il est d’une fiabilité parfaite. Mais qu’en est-il des autres Sages, leur intégrité n’est pas aussi flagrante que celle de Moïse !

Rav Levy : Certes. Mais une fois établi que le messager de D.ieu est incontestable, toute la Torah qu’il transmettra aussi jouit de la même authenticité. Note bien que le couronnement de Moïse au Mont Sinaï et plus tard sa validation dans le désert, avec l’épisode de Kora’h, s’est faite devant tout le peuple témoin.

Par la suite, Moïse choisit parmi le peuple des hommes dignes de juger le peuple, observe quels sont les critères de sélection : « Et toi, distingue d’entre tout le peuple, des hommes éminents craignant D.ieu, des hommes de vérité, haïssant le lucre … » (Deutéronome 18, 1) On dirait que le texte prend en compte toutes tes craintes !

Olivier : Oui, c’est rassurant qu’il n’y ait pas de faux-semblants, et que la Torah soit au fait des bas instincts de l’Homme et qu’elle le dise en toute franchise.

Rav Levy : Dans les lois concernant les litiges entre les individus, où il est question de se faire juger, les lois sont extrêmement strictes vis-à-vis des juges. Ils ne devront favoriser aucune des parties, ni recevoir aucune bienfaisance de la part d’un des accusés, si minime soit-elle comme celle de tenir la porte au juge, lorsqu’il rentre à l’audience etc.

Tout est fait pour minimiser l’intérêt personnel que le juge serait susceptible de tirer et ainsi d’éviter de favoriser l’une des parties au dépend de l’autre. Dans le Deutéronome (16, 19), il est dit : «  Tu ne feras pas pencher le jugement, tu ne reconnaîtras pas de visage, et tu ne prendras pas de corruption, car la corruption aveuglera les yeux des sages et falsifiera les paroles des justes ».

Tu vois que la Torah met en avant les faiblesses de l’homme, et l’appelle à maîtriser ses passions. 

Olivier : D’après ce que vous me dites, ces Lois n’ont été dites qu’aux juges et ne concernent que les litiges, mais dans les autres domaines de la doctrine, les Sages n’ont pas à respecter ces mesures.

Rav Levy : Ni la Torah, ni les Sages ne font de différence concernant l’aptitude des Sages à juger le droit civil, les lois rituelles comme le Chabbath (jour de repos hebdomadaire) ou la Cacheroute (lois alimentaires). Il s’agit des mêmes nécessités, des mêmes Sages, et de la même gravité concernant leurs décisions.

Olivier : vous dites donc que tous les Sages sont des hommes dénués d’intérêts, philanthropes et craignant D.ieu ?

Rav Levy : Tous les Sages que nous considérons comme «  les Sages », Hazal, oui.

Olivier : C’est-à-dire ?

Rav Levy : C’est-à-dire qu’il y a différents niveaux de Sages, ceux qui sont arrivés au but ultime de perfectionnement de soi et ceux qui y arrivent… C’est la différence entre « des Sages  quelconques » et les Sages de la Michna, du Talmud et autres commentateurs de la Torah qui jouissent de la même autorité suprême, ainsi que les Grands des générations - les Gdolei Hador.

Olivier : Les Sages dont vous parlez, les Grands, ne sont tout de même pas  « LA  Torah », comment ont-ils pu rajouter des commandements que D.ieu Lui-même n’a pas cité ?

Rav Levy : Les Sages n’ont rien ajouté à la Torah, ils ont simplement suivi l’ordre de la Torah stipulant qu’il fallait à tout prix préserver les commandements de la Torah en y ajoutant si besoin certaines légiférations. 

Olivier : Les lois des Sages ne sont pas des commandements de la Torah donc ?

Rav Levy : On considère que les réglementations des Sages et leur lois n’ont pas la même gravité que les commandements divins. Cependant ils bénéficient de l’assermentation de D.ieu Lui-même qui leur confère un caractère hautement important. Toujours dans le Deutéronome, il est marqué : «… ne t’écarte pas de ce qu’ils t’auront dit ni à droite ni à gauche » (Deutéronome 17, 11). En outre, les Sages ont reçu depuis le Mont Sinaï l’explication de certains commandements qui ne seraient pas compréhensibles sans eux.

Olivier : Comment ça ?

Rav Levy : Le commandement du Chabbath par exemple, le jour de repos hebdomadaire : sans la révélation aux Sages des détails de ce commandement, il est impossible à appliquer, il en va de même de quasiment tous les commandements.

Le verset dans le Lévitique : « Pendant six jours on se livrera au travail, mais le septième jour il y aura repos, repos solennel pour une sainte convocation. Vous ne ferez aucun travail. Ce sera le Chabbath de l’Eternel, dans toutes vos habitations » (Lévitique 23, 3) 

Quel genre de travail, nous ne sommes pas censés faire ? Quels sont les interdits exactement ? Est-il pensable de punir pour la transgression du Chabbath, si on ne nous a pas averti de ce qu’on ne doit pas faire ?

« Que chacun demeure où il est, que nul ne sorte de son habitation le septième jour » (Exode 16, 29) 

Comment définit-on une habitation ? Doit-on s’isoler des autres gens le Chabbath ?

Autant de questions dont les réponses ne nous sont accessibles que par l’enseignement des Sages.

Les Téfilines

Pareil pour les phylactères, les Téfilines, à propos desquels la Torah Ecrite nous dit : « Tu les attacheras, comme symbole, sur ton bras, et les porteras en fronteau entre tes yeux » (Deutéronome 6, 8)

De quel symbole s’agit- il ? Le mot symbole en hébreu ‘Ot’ signifie aussi marque, signe ou encore lettre… alors que devrions-nous nous attacher sur le bras ?

« En fronteau » se dit en hébreu ‘Totafot’, quel en est le sens ? Peut-être qu’il s’agit d’un plat traditionnel ? En fait, ces versets font référence aux phylactères, les fameux Téfilines en cuir portés par tous les Juifs, en tout lieu, depuis la nuit des temps.

Souccot

A propos de la fête de Souccot, il est dit : « Vous demeurerez dans des tentes durant sept jours ; tout indigène en Israël demeurera sous la tente » (Lévitique 23, 42)

De quoi doit-être fait cette tente ? On devra vendre sa maison à ce moment-là ? Femmes et enfants aussi sont obligés d’y demeurer ? Là encore, seuls les Sages apportent des réponses

La vie conjugale

« ‘Quand un homme aura pris une femme et cohabité avec elle…’ » (Deutéronome 24, 1) 

Avec quoi doit-il prendre la femme ? Par la main ? Avec de l’argent ? Après quoi peuvent-ils cohabiter ensemble ?

« Et que ce dernier, l’ayant prise en aversion, lui écrive un libellé de divorce…’ » (Ibid. 24, 3)

Que doit-il écrire sur ce libellé ? Et qu’est-ce qu’un libellé de divorce ? Un tampon, un reçu … ? Encore un exemple !

La Brit Mila

« Vous retrancherez la chair de votre excroissance, et ce sera un symbole d’alliance entre Moi et vous » (Genèse 17, 11)

De quelle excroissance est-il question ici ? Sans une explication claire et fiable de la signification de ce verset, comment tout le peuple unanimement se serait livré à des circoncisions sur leurs propres bébés ? 

Il est donc clair que la Torah écrite ne peut être comprise sans la Torah Orale, cette transmission des Sages, qui de génération et génération a garanti la validité de la Loi divine.

Olivier : Je commence à comprendre. Mais si un des Sages en venait à renier ces principes, une fois établi dans la cour des rois, qui l’en chasserait ?

Rav Levy : L’Histoire te répond. Des personnalités considérées pendant des décennies comme des Sages respectables ont été évincés du titre suite à leurs comportements douteux. Il suffit de peu pour perdre le titre suprême de Sage d’Israël et aucun écart n’est permis. Un œil minutieux est placé sur le comportement des Grands de chaque génération.

Olivier : Je vois, les Sages de chaque génération semblent à vos dires prendre les précautions nécessaires pour qu’il n’y ait pas de déviances. C’est eux-même qui seraient les garde-fous des rabbins et d’autres personnes tentés de falsifier le message. C’est un point à méditer. Merci Monsieur le Rabbin.