Âge : 59 ans

Mariée + 6 enfants

Activité : conférencière, anciennement directrice de séminaire, élève du Tsadik Reb Oucher Freund

Demeure : à Jérusalem, dans le quartier de Ramat Chlomo

Nationalité : israélienne

Rabbanit Fisher est une dame. Point. Perruque, tailleur, maintien impeccable : elle pourrait être la PDG d’une grande société. Son regard perce comme un laser, l’intelligence émane de toute sa personne. Mais « l’affaire » qu’elle a décidé de diriger, c’est la tentative continuelle, sans relâche, d’un rapprochement avec son Créateur. Le chercher partout, Le découvrir dans notre quotidien, au détour de chaque évènement de notre vie, et surtout au détour de chaque contrariété…

Elle est née dans une famille pratiquante d’origine du Maroc, et malgré un parcours scolaire tout à fait classique, elle ne cesse de chercher son chemin. Elle voyage aux USA et se marie un peu sur le tard avec un étudiant en Talmud, issu de la fleur de la jeunesse tel-avivienne. Elle ouvre son séminaire à Jérusalem, se donnant corps et âme pour ses élèves qu’elle redirige vers les valeurs de Torah.

Sa rencontre avec le grand Tsadik, Reb Oucher Freund, marquera un tournant décisif dans sa vie. Depuis, elle sillonne le pays et parle du « Dérèkh » (chemin) qu’il a tracé, bien loin des sentiers battus.

TB : Rabbanit Fisher, Chalom. Vous avez été l’élève du grand Tsadik, Reb Oucher Freund. Pendant plus de 20 ans, vous vous êtes imprégnée de sa pensée, de ce qu’est une véritable « ‘Avodat Hachem » (travail sur soi en quête du Divin). Il propose de suivre un chemin d’une grande originalité et complètement adapté à notre temps. Pouvez-vous nous résumer sa pensée ?

Pour Reb Oucher, être juif, c’est faire entrer D.ieu concrètement dans notre vie.

Nous aspirons tous à nous élever spirituellement, mais cela reste souvent de la théorie. Dès que la moindre contrariété survient, la colère monte, l’impatience éclate et nous oublions toutes nos leçons. Reb Oucher vient nous enseigner comment, lors d’une épreuve, ne pas « perdre les pédales », savoir qu’elle est envoyée par D.ieu, et savoir que cette épreuve me parle directement à moi.

Ne plus essayer de chercher des coupables, mais faire son introspection et trouver en soi le point à travailler.

Notre relation à l’autre est uniquement verticale : l’autre n’est qu’un miroir que D.ieu m’envoie pour me montrer ou me travailler.

Reb Oucher propose des « clefs » très précieuses pour faire cette ‘Avoda, quelles sont-elles ?

Une vraie ‘Avodat Hachem, pour Reb Oucher, commence tout d'abord par une clarté totale avec nous-mêmes, et spécialement avec nos côtés obscurs.

On n’essaye pas de gravir des sommets, mais on est plutôt en plongée sous-marine, avec des profondeurs fantastiques à découvrir.

Le « chemin » que Reb Oucher nous invite à emprunter est celui d’une santé psychique à toute épreuve. Une conscience parfaite de nos points obscurs et une acceptation de ceux-ci : ce sont là mes instruments pour Le servir, et je ne peux que me réjouir de les connaître. 

Pourquoi se focaliser sur nos mauvais côtés ?

Quand on veut se « travailler » et améliorer nos traits de caractère, on bute immédiatement sur le « mal » qui est en nous. Mais en fait, ces défauts, et c’est là la grande innovation de Reb Oucher, vont nous servir à nous rapprocher de D.ieu.

Car, devant mon manque, je suis sans force. Personne ne peut m’aider si ce n’est mon Créateur.

D.ieu a voulu cette imperfection pour que je Le cherche. Si j’étais parfaite et pleine, je n’aurais pas cette aspiration. Le creux appelle a être rempli, appelle mon élan vers Lui.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret ?

Imaginons une scène : je viens de faire un horrible Lachone Hara’ (médisance). La culpabilité m’étouffe.

Mais analysons-nous : suis-je triste d’avoir médit sur quelqu’un ou horriblement déçue de moi-même ?

Soyons honnêtes : mon dépit vient de ma déception de moi, de mon image ternie, plus encore que du mal que j’ai fait à l’autre. Je dois ainsi m'analyser honnêtement et savoir que mon malaise vient de mon orgueil blessé devant l'échec. C’est la première étape : une analyse de moi-même sans compromis, au microscope, sans se faire de cadeaux.

Puis, la deuxième étape, au moment où j’ai trouvé la faille, au lieu de m’effondrer et de sombrer dans le découragement, je vais utiliser l’échec pour m’adresser à D.ieu : « Papa, aide-moi ! Abba, viens à mon aide ! Tu vois bien, sans Toi, je n’y arrive pas !». Il y a une très grande place au dialogue avec le Créateur.

L’approche est très positive.

Oui. Ne pas laisser une seconde le désespoir nous atteindre. J’ai chuté (Lachone Hara’, Tsniout, etc.), je ne reste pas un instant dans le marasme de la culpabilité et de la faute. Je me relève immédiatement en sachant que je suis faillible. C’est une dynamique. Ne pas se laisser abattre, au contraire. Rebondir à tout. Je suis comme dans une salle de fitness : je passe d’un instrument à un autre pour me muscler : là je travaille sur ce point, là sur celui-là.

Une autre clef : s’éloigner de la Tsidkout (piété) ! On croit rêver !

La Tsidkout, lorsqu’elle est excessive, est souvent une espèce de vernis que l’on se met pour paraître beau.

C’est le chemin rapide pour obtenir des résultats. Mais on s’y perd. On ne se reconnaît plus. Ces couches de piété finissent par nous étouffer et par cacher celui qu’on est. C’est le malaise : je ne me reconnais plus, et ça peut même être le début d’une névrose. Plus les couches sont nombreuses, plus l’introspection sera difficile.

Chez Reb Oucher, il faut éplucher, simplifier. Et sans honte, arriver à son vrai « moi ». Le travail ne pourra commencer qu’à ce stade.

Une autre clef : fermer son cerveau !

Notre intellect est souvent notre piège. Nous lisons les évènements à partir d'un programme préétabli dans notre cerveau qui nous convainc que les choses vont se dérouler comme on le pense. En bien, ou en mal.

Par exemple : « Si j'ai ces symptômes physiologiques, je suis certainement malade, et peut-être même en phase finale... », « Si j'ai agi comme ça au travail, mon patron va sûrement me renvoyer », ou alors : « Si j'arrive à contacter cette personne, c'est sûr qu’elle va pouvoir m'aider à introduire mes enfants dans la bonne Yéchiva, la bonne école... ».

Le "cause à effet" est automatique.

En fermant mon cerveau, mon intellect, en l’empêchant de tirer les conclusions d'une situation, d'anticiper - et c'est un travail excessivement difficile, car l'ordinateur qui est dans ma tête ne va pas se laisser facilement mettre en veilleuse -, j'ouvre alors toutes les possibilités de délivrances, et je laisse D.ieu intervenir.

En fermant mon cerveau, je remets le contrôle des évènements à D.ieu et je me détends : tout n'est pas entre mes mains, et à y regarder à deux fois, rien n'est entre mes mains !!

Mais attention, je ne démissionne pas du monde. J'agis sans stress, sans panique, en sachant que, derrière mes actes, D.ieu fera pour le mieux.

Est-ce que les femmes sont, de par leur nature, plus enclines à cette ‘Avoda (travail sur soi) ?

Oui. Nous sommes plus proches de la matière. Et, en effet, cette ‘Avoda perce dans l’épaisseur du quotidien et de la matière : c’est notre domaine par excellence.

Il y a beaucoup d’humour dans vos cours. On ne se prend pas trop au sérieux.

L’humour, c’est le recul sur soi. Comment se prendre au sérieux lorsque, honnêtement, on a fait son introspection, on s’est vu réagir devant des situations, et on a compris de quelle matière on est fait !

Le rire, c’est enfin prendre les choses en proportion, dédramatiser, s’accepter comme on est.

Est-ce que cette conception ne peut-elle pas affaiblir la crainte de la faute ? Rien n’est vraiment grave, et, en gros, je suis vouée à l’échec.

Non. Ce serait une façon simpliste d’approcher cette ‘Avoda. Je me dois, a priori, de faire tous les efforts pour éviter la faute. Mais, a posteriori, si j’ai chuté, je me relève la seconde d’après.

Mais, dans cette ‘Avoda, on ne peut rester assis confortablement du côté des "bons", emmitouflés de piété, hors d'atteinte, car méticuleux dans l'accomplissement technique des Mitsvot, alors qu'aucun travail d'introspection n'est accompli.

Vous étiez une habituée de la maison de Rav Ovadia Yossef, Zékher Kadoch Vétsadik Livrakha.

En effet. Il me recevait avec une chaleur et une empathie incroyables. Je venais régulièrement le voir avec les élèves de mon séminaire et il avait toujours du temps pour nous. Je crois qu'il appréciait beaucoup notre travail pour la jeunesse Séfarade israélienne.

Je suis moi-même d’origine marocaine et la chaleur du Rav nous allait droit au cœur.

Le Rav Ovadia a marqué toute sa génération par des décisions halakhiques proches du ‘Am Israël et en proposant une Torah accessible à tous.

De même, le « chemin » de Rav Oucher est un retour à une grande simplicité, épuré d'un intellectualisme stérile. C'est la rencontre avec D.ieu dans l'être même, dans notre chair.

Le public des femmes qui assistent à vos cours est on ne peut plus diversifié : de la ‘Hassida "Satmer" de Méa Ché’arim à la lituanienne « en perruque ». Il y a également, des artistes, des Ba’alot Téchouva. Tous les courants sont représentés. Même certaines dont l'aspect extérieur ne laisserait pas deviner qu'elles cherchent comment servir leur Créateur. 

Le chemin de Reb Oucher parle à notre intériorité. Il n’y a aucune « recette », aucun moule. Chacun a sa « petite guerre » à mener, avec ses armes, sa particularité, son Yétser (penchant).

Les clefs qu’il propose pour notre ‘Avoda sont universelles et adaptables à chacune. C'est pourquoi, en effet, les cours trouvent un tel écho chez des femmes si différentes.