Face à un danger imminent devant lequel on ne peut rien, la nature humaine veut que l’on se prépare au pire. Pourtant le judaïsme nous indique que “même si un glaive tranchant est posé sur le cou de l’homme, qu’il ne désespère pas de la Miséricorde divine”. Nous n’avons certes aucune assurance d’être sauvés, mais nos Sages nous enseignent que l’on doit croire à une telle possibilité ; par le mérite de la Émouna, les portes du salut peuvent miraculeusement s’ouvrir. 

A priori, cet enseignement ne devrait concerner que des personnes pieuses et croyantes. Mais voilà que lors des attentats du 7 octobre et de la guerre qui a suivi, de nombreuses personnes - parmi elles des Juifs ‘Hilonim (laïques) - se sont tournées vers D.ieu en priant ou en prenant sur elles un engagement religieux tel que le respect du Chabbath ou la pose des Téfilin, et ont vu soudain la menace s’écarter sans explication rationnelle. Certains sont même surpris de leur propre démarche - bien qu’évidemment ils ne le regrettent pas -, et s’interrogent : “Mais d’où me sont venus ces mots de foi et de Téchouva à ce moment-là ?!”

En réalité, chaque Juif est doté d’une Néchama (âme), d’une étincelle divine qui n’aspire qu’à s’attacher à D.ieu et accomplir Ses Commandements. Même lorsque l’on se trouve loin de son patrimoine - volontairement ou suite à l'éducation que l’on a reçue -, cette âme reste intacte ; il arrive simplement qu’elle soit recouverte d’un voile qui l’empêche de s’exprimer. Nous savons que face à un danger, des forces intérieures insoupçonnées se réveillent et l’on peut en dire de même de l’âme qui elle aussi se met alors à éclore et entraîne l’homme vers la spiritualité. Ainsi, même lorsque la raison ne trouve pas d’issue, la Néchama, elle, trouve sa voie et interpelle l’être avec lequel elle est associée.

Cette réflexion m’a ramené à ma jeunesse. Nous étions des lycéens insouciants avec toute la vie devant nous, influencés par les idées de l’époque et imprégnés de musique anglo-saxonne. Nous nous rendions tout de même le vendredi soir à la synagogue afin de chanter en communauté le Lékha Dodi ; puis nous rentrions chez nous écouter le Kiddouch et consommer en famille le couscous traditionnel. Mais voilà qu’un Chabbath, notre rabbin invita à parler un Rav d’un certain âge qui s’exprima avec un accent prononcé. Celui-ci insistera sur l’importance de la Mitsva des Téfilin, avec des mots simples mais sincères. Je me souviens jusqu'à aujourd’hui de l’impression incroyable que j’avais ressentie : un langage venant d’ailleurs qui faisait écho à quelque chose d’enfoui en moi et qui m’interpellait, un peu comme le buisson ardent avec Moché Rabbénou.

Ce Rav était le Rav Chajkin, disciple du ‘Hafets ‘Haïm, qui dirigeait la Yéchiva d’Aix-les-Bains. À son contact, une voix intérieure me disait qu’il existait toute une autre dimension de la vie qui jusque-là m'était inconnue et dont il était porteur. Cette voix était celle de mon âme qui percevait des choses qui dépassaient mon entendement. J’ai entendu le témoignage d’autres personnes ayant ressenti un sentiment semblable au mien lorsqu’elles furent en contact avec de grands Rabbanim, comme l’Admour de Loubavitch.

Nous aussi avons pu connaître dans notre vie un appel semblable. Cela peut-être une rencontre avec un Tsadik, une expérience marquante comme Roch Hachana à Ouman ou encore une situation qui s’est transformée miraculeusement. À l’image de ces Juifs du 7 octobre qui ont saisi la perche qui leur était tendue du Ciel, nous aussi sachons saisir l'opportunité et faire un pas en avant. Car écouter le son de sa Néchama est nécessaire pour son épanouissement et sa progression spirituelle et représente un fondement du judaïsme.