Le dilemme de savoir s’il faut « monter » ou ne « pas monter » en Israël se fait, depuis ce 7 octobre, plus aigu que jamais. La flambée de l’antisémitisme en Europe, avec elle l’obligation de cacher ses « signes extérieurs de judéité », ajoutée à l’appel vibrant de Tsion qui palpite en nous, sont les puissants triggers qui, aujourd’hui, en font réfléchir plus d’un.  

Welcome to Israël

À 23 ans, mon petit baluchon sur l’épaule, je descendais les escaliers amovibles du Boeing 747 de la compagnie El Al. Un souffle chaud et humide me surprit dès l’ouverture des portes, plutôt habituée que j’étais à l’air frais de mes montagnes natales. 

Ce voyage n’était pas pour moi l’occasion de faire un « acte » sioniste, mais il provenait de l’intuition qu’il se passait en Israël des choses intéressantes, étant à la recherche du seul élément que ma « sweet Galout » ne pouvait m’offrir : un sens véritable à la vie.  

Personnellement, arrivée à l’aéroport de Ben Gurion, je n’ai pas embrassé le sol de la Terre Sainte. Et pourtant, 30 ans après, je suis toujours là. 

Première observation : ce ne sont pas toujours les plus enthousiastes au départ et les plus motivés qui tiennent le coup sur la durée. 

Deuxième observation (découlant de la première…) : lorsqu’il s’agit d’Israël, laissez derrière vous tous les stéréotypes, les calculs, les sondages, les graphes, les appréciations et même les bons conseils… Allez-y à la Grâce de D.ieu et venez tâter le terrain en éclaireur !

On visite et on observe…

Jeune et sans attaches encore, je vins « Latour Et Haarets », c'est-à-dire visiter et observer à ma guise, un après l’autre, les principaux fiefs du pays.

Dans mon petit calepin virtuel, je cochais les lieux que je visitais et qui, je le sentais, n’étaient pas ceux qui correspondaient à mes attentes existentielles. 

« Kibbouts Hachomer Hatsaïr » ? Non merci. 

La laïcité israélienne, décidément, ne trouvait aucun charme à mes yeux puisqu’elle s’était vidée de toute pratique, et donc coupait le seul canal d’identification qui aurait pu me relier à elle. Son mode de vie copiait les valeurs des nations que je venais de quitter, et me lassait. Je cherchais “Juif”, fortement reliée à mon patrimoine, et on m’offrait la Californie. Après moins d’une semaine, abandonnant l’Oulpan, les vergers de rêve, la piscine façon club med, la très belle salle de cinéma, les champs à perte de vue, je quittai le Kibbouts et ses membres, dont certains, au visage triste, laissaient pressentir qu’ils n’avaient peut-être pas réalisé pleinement leur potentiel, s’étant arrêté à une lecture trop matérialiste de l’amour pour cette terre. 

AlyaPour en finir avec la Alya...

Je tentai ensuite une petite incursion dans les milieux sionistes purs et durs, c'est-à-dire où l’établissement en terre sainte était le fin mot de tout, et où cette idéologie était ramenée à chaque conférence et à chaque cours : mais il manquait quelque chose à ce postulat central, important sans aucun doute, mais qui tournait sans cesse sur lui-même. 

Je déposai finalement mes bagages chez ce qui me paraissait le dénominateur commun et le ciment du pays : le message juif et millénaire de la Torah, qui enfin faisait écho à quelque chose en moi, petite juive occidentale en recherche, et qui ô surprise, se combinait si bien à ce pays, avec lequel je faisais mieux connaissance chaque jour.  

Ma « Alyah » à moi (qui n’oblige personne d’autre) fut donc un rapprochement à la pratique, qui eut lieu presque « par hasard » en Erets. La combinaison des deux, que je ne cherchais pas au départ, s’avérera providentielle. 

Je fondais ici ma famille, y vis naître mes enfants, bénissant Mon Créateur pour m’y avoir dirigée, consciente, chaque jour davantage, d'habiter un lieu privilégié, assise aux premières places d’un parterre avec, entre autres, vue imprenable sur la scène de l’Histoire et son Dénouement à venir.

Pour en finir avec la Alya...

Comment ne pas faire sa Alyah

Se préparer à venir en Israël en étudiant la carte des lieux comme un champ miné où il faudrait à chaque pas éviter les mauvaises surprises, ne serait pas la bonne approche.

Apprendre l’hébreu de façon technique, pour se débrouiller dans une banque ou dans l’administration israélienne, non plus : il faut être familier avec cette langue tout d’abord pour comprendre ce peuple, son humour, son agitation, sa variété culturelle, ses distensions et entendre ce qu’il raconte dans ses chansons. Nulle part ailleurs dans le chansonnier populaire d’une nation, on ne parle autant de guerre, de soldats qui reviennent après la bataille, d’attente et de crainte. Nulle part ailleurs on n’y parle autant d’amour de la Terre, du Kinéret bleu comme l’iris des yeux d’une jeune fiancée, ou comme un ruban soyeux sur son front. Nulle part ailleurs non plus, on n’y engage un dialogue si direct avec D.ieu.

Pour en finir avec la Alya...Pour en finir avec la Alya...

Il faut parler l’hébreu pour entrer en contact, assis dans un bus, avec notre voisine de banc, et entendre son parcours qui l’a menée en Israël, depuis les plaines de l’Oural ou les déserts du Yémen. Chaque vie ici est un roman. 

Après seulement, la langue nous sera utile pour se sortir des méandres bureaucratiques du pays. Mais c’est secondaire.

Si le candidat à l'Alyah s'évertue à appeler un langage franc, de la brusquerie ou un manque de complaisance, de l’impolitesse et n’arrive pas à déceler le grand cœur derrière la rugosité des êtres, ne cherchant qu’à exporter ses codes, sa mentalité, ses valeurs, sans aucune intention de s’adapter, alors peut-être, en effet, mieux vaut repenser cette « montée ».

Car sachons-le : en Israël, il n’y a aucun artifice dans les rapports humains.

Amour d’enfants

L’autre jour, dans mon centre commercial - 3 étages de bonheur, plein de poussettes, de couleurs, de promotions, de bonnes odeurs, de pop corn et de jeunes couples, où la moyenne d'âge des visiteurs doit se situer aux alentours de 12 ans et demi -, je tombe entre le stand de falafels et le primeur, sur un petit bout de 5 ans qui pleure toutes les larmes de son corps. Il n’est que désespoir. Il a perdu sa maman. Il a des papillotes et porte un tee-shirt avec un monstre édenté à la bouche grande ouverte. Je lui prends la main, petite main douce dans la mienne et je lui dis qu’on va s’arrêter ici, et que c’est sûr qu’elle va revenir le chercher. J'essuie ses larmes avec mon kleenex en me mettant à genoux, à sa hauteur. 

Pour en finir avec la Alya...

En quelques minutes, un attroupement se crée autour de nous. Tout le monde veut savoir, veut aider. On me donne des conseils, « comment il s’appelle ? », « peut-être monter au deuxième et le faire savoir au bureau de la direction du centre ? » ; on me propose de me remplacer pour faire la garde en attendant la maman : un petit enfant s’est perdu, ce n’est pas une mince affaire. 

Je garde le petit trésor avec sa main dans la mienne et je décline l’invitation.

Souci, intérêt, empathie, débrouillardise, esprit d’entreprise, compassion, cœur…

Un petit incident et toutes les Middot du 'Am Israël font immédiatement surface.

Si c’est cela que vous cherchez, et que vous êtes prêt à mettre en sourdine le reste...

Vous serez bien ici !

Pour en finir avec la Alya...