Il y a des périodes plus encourageantes pour qui veut envisager la vie de façon optimiste et l’inverse n’est pas moins vrai. L’époque n’est pas toujours agréable : elle peut nous sourire, ou nous irriter. Les Sages ont utilisé le verset : « Irritez-vous, ne péchez pas, dites-le en vous couchant, dans votre cœur, et soyez tranquilles ! » (Psaumes 4, 5). Les sages extrapolent le verbe « irritez » en l’appliquant aux pulsions de l’individu. L’homme est sujet à toutes sortes de pulsions qui s’imposent à lui, physiques ou psychiques. Le verset cité est ainsi commenté par les sages : « Irrite tes pulsions positives, à l’encontre de tes pulsions négatives ». L’homme est ainsi écartelé entre des forces contraires qui l’habitent. Le sort de la créature – de l’être pensant – est, dans l’économie de la création, une lutte permanente, un conflit ininterrompu. A partir de cet affrontement, il importe, assurément, de ne jamais s’avouer vaincu, sous peine d’être déchu de sa dignité. En effet, ne l’oublions jamais !, l’antagonisme est dû à une lutte entre l’élément « pensant » et l’élément « animal » qui caractérisent l’être humain.

Le but de la Torah et des Mitsvot est de servir d’auxiliaire à l’homme dans ce conflit incontournable. L’un des expédients les plus utiles sera d’apprendre à utiliser précisément la négativité à des fins positives ! Est-il possible d’arriver à un tel but ? Si l’on n’oublie pas que la négativité se traduit par une utilisation stérile, avide, gourmande de la matière, alors la réponse à ce dilemme nous est proposée. Le négatif dans la matière, c’est de l’imaginer incréée, c’est-à-dire éternelle, c’est-à-dire trouvant, dans son existence même, une puissance ! C’est la formule du matérialisme, qui refuse la création ex nihilo. La Torah nous enseigne, à l’inverse, que les forces matérielles sont au service de l’homme. Utilisées de façon négative, elles nient le Créateur : force physique, force du feu, forces animales. Il s’agit d’abord de la guerre contre Amalek, où les mains de Moché levées vers le Ciel ont assuré la victoire. Le deuxième cas est celui de l’utilisation de l’encens qui a frappé les fils d’Aharon puis les acolytes de Kora’h, et a été utilisé par Aharon pour arrêter l’épidémie. En troisième lieu, les serpents ont commencé à punir les enfants d’Israël qui s’étaient révoltés, mais un serpent d’airain a guéri les malades. Dans ces trois cas, mains de Moché (forces physiques), fumigation de l’encens (force du feu) et puissance animale (serpent meurtrier, ou serpent réparateur), la Torah nous signifie que ce n’est pas l’objet matériel qui influe, mais l’intention du Créateur. Utilisée afin de prouver la vraie signification de la création, la matière, loin d’être vecteur de négativité, doit être un tremplin, une preuve de l’influx divin qu’elle veut distiller. Si elle n’est pas utilisée à bon escient, elle est l’obstacle qui nous cache la divinité. Le danger est très présent, surtout à une époque où la technologie dirige le monde, plus que jamais depuis les débuts de l’Histoire de l’humanité. Ce danger, c’est le symptôme de Prométhée qui s’attaque aux dieux, ou « Lehavdil » les hommes qui ont construit la tour de Babel, ce sont eux qui, aujourd’hui encore, croient défier les forces de la nature. C’est l’illusion de ceux qui croient « tout comprendre », « tout expliquer » et même « coloniser l’espace » ! La matière est un moyen, utile, nécessaire, mais l’Auteur de l’univers est le seul à en connaître les rouages. C’est notre foi, essentielle aujourd’hui, qu’il importe de faire parvenir à tous les habitants de l’univers, pour rapprocher l’époque où tous reconnaîtront la gloire du D. unique, où l’humanité entière affirmera : « L’Eternel règnera à tout jamais ».