Si votre Sédèr ressemble au Sédèr type, vous avez certainement des jeunes enfants qui se battent toute la soirée pour proposer tous le Dvar Torah qu’ils ont appris à l’école, des adultes qui offrent des explications compliquées et techniques sur la Haggada, quelqu’un d’allongé sur le canapé après avoir bu scrupuleusement  les quatre verres de vin, et plus d’une femme se plaignant d’avoir passé la majorité du Sédèr dans la cuisine.

Est-ce le reflet authentique de l’intention de nos Sages en instituant cette soirée en famille dans le but d’évoquer avec nostalgie le miracle de la sortie d’Égypte et notre périple vers la liberté ? Je ne pense pas !

Un nombre infini de sources se rejoignent dans l’idée que l’objectif de cette soirée n’est pas de nous faire parcourir simplement le texte de la Haggada ou de proposer le plus d’explications possibles. Le format entier du Sédèr supporte un seul but : encourager la conversation.

En effet, Rav ‘Haïm Soloveitchik indique que le format de la Haggada marque la différence entre la Mitsva de parler de la sortie d’Égypte le soir même du Sédèr et la Mitsva de s’en souvenir chaque jour. Pendant l’année, nous lisons et prononçons des Divré Torah sur la sortie d’Égypte, mais le soir du Sédèr, nous avons une conversation à ce sujet sous la forme de questions et de réponses, de dialogues, de discussions. En réalité, toutes les coutumes étranges de ce soir ont pour simple but d’éveiller la curiosité des enfants, afin qu’ils posent des questions et provoquent la conversation.
 

Je voudrais proposer une suggestion audacieuse pour cette année :

Demandez à vos enfants de mettre de côté leurs Haggadot décorées pendant une partie du Sédèr ou d’en apporter une seule. Il est vrai que les enseignants effectuent un travail extraordinaire en préparant nos enfants à la fête. Ces derniers sont toujours fiers de revenir à la maison munis de leurs Haggadot personnalisées et remplies de réflexions, témoignant de l’investissement de leurs maîtres.

Ainsi, lors du Sédèr, nous devons bien sûr féliciter l’enfant pour son œuvre, mais de manière modérée, car ces Haggadot peuvent vite devenir des sources de distraction ou pire de disputes, lorsque chacun se sentira obligé de lire chaque commentaire appris à l’école. Il est certes capital de s’asseoir avec chaque enfant, de contempler sa Haggada, d'écouter ses Divré Torah et d'apprécier son enthousiasme, mais peut-être pouvons-nous lui consacrer cet instant la veille de Pessa’h ou l’après-midi de Yom-Tov, lorsque le temps nous permettra de regarder son travail plus en profondeur.

Si nous souhaitons que nos enfants profitent au mieux du Sédèr, ne dédions pas cette soirée si capitale à écouter leurs exposés respectifs.
 

Le Sédèr est le moment propice pour engager des conversations élevées, susceptibles de provoquer des transformations et d’inspirer pour toute l’année.

Tous les membres de la maison doivent participer à ces discussions, du plus jeune au plus âgé. Les jeunes enfants doivent prendre part aux histoires relatées dans la Haggada. On racontera à ses enfants et petits-enfants le récit captivant de notre esclavage, de notre dur labeur pendant ces années, puis de notre délivrance miraculeuse. Avec les enfants plus âgés et les adultes, les thèmes abordés seront plus profonds.
 

Voici comment faire de son Sédèr une véritable plateforme d’échange et de discussions intéressantes.

Les questions qui suivent sont idéales pour le soir du Sédèr, car elles amènent à réfléchir et sont susceptibles d’entraîner les débats vigoureux imaginés par nos Sages :

  1. Ha La’hma Anya : Pourquoi commencer le Sédèr en invitant les plus démunis à se joindre à nous ? Existe-t-il un lien entre la liberté et le partage ?
     
  2. 'Avadim Hayinou : Qu’est ce que l’esclavage ? La liberté ? Bien que nous soyons physiquement libres, y a-t-il des objets et des comportements dont nous sommes esclaves ? La technologie nous octroie-t-elle plus de liberté ou au contraire nous asservit-elle ?
     
  3. Les quatre fils : À quel enfant nous identifions-nous ? Le Racha est-il aussi vil que nous le pensons, alors qu’il assiste tout de même au Sédèr ? Qu’en est-il du cinquième fils imaginaire qui ne vient même pas ? Le fils qui ne sait pas questionner représente-t-il les personnes non affiliées de notre génération ? Comment susciter leur intérêt ?
     
  4. Véhi Ché’amda : Qui sont les ennemis de notre génération qui cherchent à nous anéantir ? Pouvons-nous identifier les miracles que D.ieu accomplit pour nous protéger ? Quelle est la racine de l’antisémitisme et pourquoi avons-nous toujours eu des ennemis qui cherchent notre destruction ?
     
  5. Arami Ovèd Ami : Nous sommes devenus une nation lorsque nous avons vécu au milieu des Égyptiens. Le fait de vivre dans une terre de liberté est-il bon ou mauvais pour le judaïsme ? Est-ce que la liberté de ce grand pays, la France, a contribué de manière positive ou négative à la continuité du judaïsme de la Torah ?
     
  6. Les dix plaies : Pensez-vous à une situation où vous vous êtes sentis coincés et où D.ieu vous a secouru ? Y a-t-il des miracles dans votre vie dans lesquels vous avez vu la main de D.ieu ?
     
  7. Dayénou : Que signifie le fait d’avoir la capacité de dire « assez » ? Sommes-nous généralement satisfaits ou éprouvons-nous constamment le besoin de plus ?
     
  8. Hallel : Pour quels bienfaits sommes-nous reconnaissants et pourquoi ? Racontez des histoires de liberté personnelle.

Il ne s’agit là que de quelques exemples, le nombre de conversations pouvant survenir ce soir-là étant infini. Même si vous n’êtes pas d’accord avec ma première suggestion et insistez pour écouter chaque Dvar Torah de vos enfants, je vous encourage vivement à prendre le temps de raconter les histoires, de poser des questions et de susciter des dialogues critiques. Lorsque tout est dit et fait, le Sédèr a pour objectif de mettre notre Émouna à l’épreuve. Si nous nous levons de table et ne voyons pas plus clairement la main d’Hachem dans nos vies, si nous ne ressentons pas un lien plus fort envers Lui, nous avons échoué dans notre mission.

Assurez-vous d’avoir le type de Sédèr qui laissera vos proches avec l’envie de revenir pour savourer vos bons plats et apprécier votre compagnie agréable, mais par-dessus tout, pour vos débats incroyables et inspirants.

Rabbi Ephraïm Goldberg