Question : Je suis vendeur dans un magasin. Durant les moments où aucun client ne se présente, je joue aux mots croisés pour me « faire la main ». Dois-je le dire à mon patron ?

Réponse : Votre question est très courante. Tandis que plusieurs personnes ont une attitude 100 % travail, nombreuses sont celles qui ne voient rien de mal à s’occuper de leurs affaires personnelles pendant les « temps morts ». Certains employeurs tolèrent cette conduite ; c’est le cas en ce qui concerne l’utilisation d’internet. Quand les sociétés eurent besoin d’ouvrir l’accès à internet dans les ordinateurs de leurs employés, les politiques adoptées étaient généralement très strictes. Mais avec le temps, plusieurs firmes optèrent pour des règles plus souples, en réalisant que le monde n’allait pas s’arrêter de tourner si les membres de leur personnel suivaient de temps en temps l’actualité sportive ou effectuaient un virement bancaire urgent.

Cela dit, les patrons ont de bonnes raisons de se méfier de ce genre de comportement. Voici les causes principales :

Les employés sont peut-être vigilants de faire des mots croisés, lire des romans, etc. uniquement durant les « temps morts », mais ces passe-temps ont tendance à allonger la durée des temps morts perçue par les salariés. Il se peut que lorsqu’il n’y a pas de clients, votre patron souhaite que vous pliiez des vêtements ou que vous vous occupiez des tâches administratives.

Les divertissements peuvent être très prenants ; lorsqu’une personne entre, vous pouvez être au milieu d’une définition difficile et ne pas vous adresser à elle tout de suite. C’est une attitude très peu commerçante qui risque de faire fuir la clientèle. Même si vous posez immédiatement votre grille de mots croisés, l’acheteur va probablement avoir l’impression que votre attention n’est pas suffisamment portée sur votre travail.

Le fait de faire d’autres choses durant les heures de travail peut entraîner une attitude négative. De la même façon que les patrons exigent une certaine tenue de travail, ils demandent généralement une certaine ambiance de travail.

Il n’y a rien de nouveau dans ces remarques, et les rabbins de l’époque du Talmud évoquent le sujet. Nous apprenons dans la Tossefta (recueil d’adages ordonnancés parallèlement à la Michna) : « Si quelqu’un qui emploie son prochain dans un magasin en lui allouant la moitié des bénéfices ; s’il [le commerçant employé] est un artisan, il ne doit pas exercer sa profession, car cela détournerait son attention du commerce ; or s’il [le propriétaire] est dans le magasin avec lui, c’est permis. Si quelqu’un emploie son prochain dans un magasin en lui allouant la moitié des bénéfices, ce dernier ne peut pas acheter ou vendre d’autres produits, et s’il l’a fait, le bénéfice doit être partagé [1]. »
La Tossefta parle d’un employé qui est un réel partenaire, car il reçoit une partie des bénéfices et qui est donc intéressé à ce que l’affaire réussisse et est motivé à la faire fructifier. Pourtant, les rabbins nous informent que le partenaire est en droit d’exiger que l’on ne s’engage pas dans d’autres activités qui pourraient être distrayantes.

Maïmonide écrit : « De la même manière que les employés ont l’interdiction de voler le salaire du pauvre [travailleur] ou [même] de retarder son paiement, le pauvre [travailleur] a aussi le devoir de ne pas voler le travail [l’effort dû au] patron, en paressant par ci et par là et [finalement] en passant toute la journée à l’escroquer. Il doit plutôt être rigoureux d’exploiter au mieux son temps. » [2]

Il est vrai que vous ne « paressez » pas, mais le fait de tuer le temps reste une preuve d’oisiveté. Et même si ce passe-temps n’est pas bien méchant, vous devez obtenir la permission de votre employeur si vous désirez continuer.


[1] Tossefta Baba Metsia, chapitre 4:7.

[2] Code de Maïmonide, lois de la location et de l’embauche 13:7.