J’ouvre le cartable de mon fils de cinq ans et mes cheveux se hérissent. Il est plein de pièces de dix centimes.

Je prends un ton sévère et l’appelle : « Chlomi ! »

Mon fils arrive en sueur, tentant désespérément de cacher une branche qu’il a ramassée dans la rue.

Je lui montre le cartable et lui dit simplement :

-       « Qu’est-ce que c’est ? »

Je m’aperçois qu’il rougit un peu, mais il ne perd pas le nord. Il me répond :

-      « C’est de l’argent que j’ai pris ! »

-      « De qui ? »

-      « De la Tsédaka de mon Gan ! »

-      « Mais pourquoi as-tu agi ainsi ? »

-      « Parce que j’en avais besoin ! »

-      « Et ta Mora te le permet ? »

-      « Non ! »

-      « Alors pourquoi ? »

-      « Parce que je le voulais ! »

Suite à cette conversation, mon monde s’est comme effondré.

J’ai pensé en mon for intérieur :

« Comment est-ce possible ? Mon enfant, le fruit de mon éducation, de mes larmes et de mes prières touche à ce qui ne lui appartient pas ? »

Une heure du matin, je m’allonge et étire mes jambes fatiguées sur mon lit, espérant reprendre quelques forces avant de me lever à six heures et demie.

J’entends un pleur timide provenant de la chambre des enfants. Je me lève promptement avant qu’il ne réveille les autres.

En l’espace de quelques secondes, le pleur se transforme en cris hystériques. Chlomi est brûlant de fièvre, il murmure des mots incompréhensibles, et soudain il vomit.

Je ne pense même pas pouvoir lui administrer un médicament pour faire descendre la fièvre tellement je suis épuisée. Mais soudain, je constate que ce n’est pas seulement de la température, Chlomi n’est vraiment pas bien, peut-être faut-il l’amener aux urgences…

Aujourd’hui, c’est mon jour de congé. J’en profite pour changer les draps. De retour du Gan, Binyamin arrive en courant, il jette son cartable à terre et entre dans ma chambre. Il commence à sauter allègrement sur mon lit, éparpillant du sable de ses sandales. Je suis sidérée !

Nous vivons régulièrement ce genre de situations. C’est ce que l’on appelle : « Tsa’ar Guidoul Banim » : les difficultés pour élever ses enfants !

Nous éprouvons du bonheur et de la satisfaction, mais en même temps, nous avons de nombreuses occasions où nous devons supporter, se taire et souffrir en silence.

L’une des différences fondamentales entre les êtres humains et les animaux concerne l’enfantement et l’éducation des enfants.
 

L’enfantement chez les animaux n’est pas douloureux.

Ils se débrouillent très bien sans hôpitaux, sans péridurale, sans sage-femme et sans médecin. Ils se cachent et en l’espace d’un court instant, tout est fini… Ils se rétablissent par ailleurs facilement sans avoir besoin d’une maison de repos.

Après la naissance, le petit agneau se tient déjà sur ses pieds, boit et mange de lui-même, il n’a pas besoin des soins de sa mère.

Puis, sans école ni pédagogues, il apprend tout seul le sens de la vie, l’art de survivre. Il est prêt à escalader les montagnes et à sauter sur les rochers.

Quant à la femme, elle est obligée d’endurer les douleurs de la grossesse et de l’enfantement. Elle doit ensuite s’investir toute entière pour élever ses enfants et avoir des tracas à n’en plus finir, avant de récolter les fruits de son labeur.

Les animaux se distinguent aussi de nous en ce qui concerne les moyens de subsistance.

Les animaux se lèvent tôt le matin et sans la moindre pensée ni le moindre effort, ils trouvent de quoi manger et de quoi boire.

On n’a jamais vu un animal crouler sous le poids du joug du gagne-pain. On n’exige jamais de lui de faire des heures supplémentaires. Il n’a pas de patron et n’a pas de soucis pour nourrir les siens comme l’être humain.

Nos Sages, de mémoire bénie (Traité Kiddoushin 82b) expliquent :

« Rabbi Chim’on ben Éleazar a dit : « Je n’ai jamais vu de cerf cueilleur de figues ni de lion porteur, ni de renard commerçant. Ils gagnent leur vie sans se démener. Ils ont été créés pour me servir et moi, j’ai été conçu pour être au service de mon Créateur. Pourquoi ceux qui me servent trouvent des moyens de subsistance aisément et moi, qui dois servir D.ieu, suis-je obligé de souffrir ?

En fait, c’est parce que je me suis mal comporté et que j’ai occasionné par là ma propre perte financière ! »

Lorsqu’Adam Harichone a fauté en mangeant de l’arbre de la connaissance, il a été maudit (Béréchit 3,17) :

« Maudite est la terre à cause de toi… C’est à la sueur de ton front que tu mangeras du pain. »

’Hava devait mettre au monde ses enfants aussi aisément que les femelles, mais elle aussi a été maudite à la suite de son acte (Béréchit 3,16) :

« Je multiplierai tes souffrances au cours de ta grossesse, tu enfanteras dans la douleur. »

Le joug de la vie, les tourments de ce monde-ci, ont pour but de réparer la faute d’Adam et de ’Hava, tout comme un traitement médical. Aussi pénible soit-il, il permet d’éradiquer le mal du corps.

C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas considérer la malédiction de souffrir pour élever ses enfants et les problèmes éducatifs comme étant une punition de D.ieu.

Hachem est bon et miséricordieux, Il n’occasionne pas de mal à l’homme comme il est écrit (Eikha 3,38) : « Ce n’est-ce pas de la bouche de l’Eternel qu’émanent les maux et le bien. »
 

D.ieu agit pour notre bien, pour que l’on parvienne à arranger ce qui a été détérioré

Tu observes Chlomi, ton enfant, qui t’a déçue et tu te demandes : « Comment cette peine répare-t-elle la faute du premier homme ? En quoi mes nuits sans sommeil et mes tracas quotidiens réparent-ils le péché originel ? »

Le Gaon Rav Chimchon Pinkous (Néfesh ’Haya page 112) nous révèle que la prière et l’espérance de chaque femme sont à l’image d’une corde qui la lie au Maître du monde par un lien indestructible !

La femme vit intensément tous les maux de ses enfants. La fièvre qui ne descend pas, l’enfant qui ne grossit pas, les nuits sans sommeil ou les enfants turbulents, la maintiennent en contact permanent avec D.ieu.

En ouvrant le cartable de Chlomi, empli de pièces, tu soupires et murmures une prière silencieuse :

« Oh, Maître du monde, aide-moi à l’éduquer ! »

Lorsqu’il vomit et ne réagit pas normalement, des larmes coulent de tes yeux :

« Hachem, de grâce, guéris-le ! »

Même devant les grains de sable éparpillés sur ton lit, tu invoques D.ieu :

« Donne-moi la force de ne pas me mettre en colère, que je puisse comprendre mon enfant et que je parvienne à nettoyer calmement! »