En hommage à Rav Kohn, lettre envoyée à sa famille le dernier jour des sept jours de deuil, par une ancienne élève du séminaire de Marseille.

15 Adar I 5760

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Une lumière s'est éteinte dans notre monde de ténèbres.

Mes yeux, inondés de larmes, se sont obscurcis.

Mon corps tout entier a frémi devant ce vide immense, infini, qu'a laissé derrière lui Rav Kohn, de mémoire bénie.

La tempête a déferlé sur moi, ne sachant à quelle branche me raccrocher. J'ai cherché Rav Kohn pour que son regard me soutienne, pour que son sourire m'encourage. J'ai regardé à droite, à gauche, de tous côtés. Il n'est plus. Mon regard matériel ne l'a pas trouvé.

J'ai fermé alors mes yeux…

Soudain, il m'est apparu, dans toute sa prestance.

Je le vois marcher dans les rues de Bné Brak, dominant la foule par sa dignité de roi, dominant la foule par son immense Anava (humilité) d'Eved Hachem (de serviteur de D.ieu).

A présent, il donne son fameux cours de Chavouot : le cours de l'année ! Ses qualités d'orateur nous laissent le souffle coupé. Il utilise si parfaitement et si justement chaque mot de la langue française ! Sa voix forte nous pénètre au plus profond du cœur, le Moussar (la morale) qu'il nous enseigne touche chaque fibre de notre âme. Cette émotion nous encouragera pour tout le restant de l'année.

Du haut de la Ezrat Nachim (galerie des dames à la synagogue) j'admire sa communion parfaite avec notre Créateur lorsqu'il prie. Son Kaddich si particulier rapproche d'un seul coup, comme emportée par l'élan, toute l’assemblée, de plusieurs centaines de mètres vers le Tout-Puissant.

Nous lui rendons visite à Pourim. Son regard profond, son sourire chaleureux, nous font goûter à la joie authentique.

Le voilà dansant à Simh’at Torah. Il enlace si fort le rouleau de la Torah ! Tout son corps nous déclare son amour intense de la Torah.

Vendredi matin. Il vient juste de rentrer de ses interminables voyages à la recherche de donateurs qu'il rend méritants. Il rentre dans la salle de cours, ne laissant rien paraître de sa fatigue. Et alors que nous nous dégoûtons à l'idée saugrenue d'avaler les insectes cachés dans la laitue, Rav Kohn s'extasie devant les merveilles de la création. Il m'impressionne particulièrement dans sa façon si délicate de manipuler chaque fruit et chaque légume, respectant à la fois le monde végétal et animal. Seule une grande âme extrêmement raffinée est capable d'une telle modestie.

Chabbath est à présent terminé. Il revient de la synagogue pour nous offrir sa Havdala. La mélodie de sa voix résonne dans chaque cœur, rendant la séparation du Chabbath moins difficile. Nous démarrerons la semaine, grâce à Rav Kohn, chargées de bénédictions et remplies d'enthousiasme.

Chacun de ses actes nous enseigne l'art d'être un vrai Ben Torah, un Juif qui véhicule le message de la Torah. Chaque jour en sa compagnie se transforme en véritable Yom Tov, en véritable jour de fête. Les souvenirs se bousculent. Tous ont pour fond ce que son être respire : l'amour du prochain, l'amour de la Torah.

Je me sens apaisée.

Quelle impression étrange ! Quelle bonté d’Hachem ! Auparavant, je ne le voyais que très rarement : juste le Chabbath à Marseille. Plus tard : exceptionnellement en Israël. A présent, il est constamment devant moi. Il m'insuffle sa force et son courage, me rappelle que moi aussi je dois me comporter en vraie Bat Israël (fille/femme juive). Il est plus présent que jamais. L'immense vide, l'obscurité s'est transformée en une lumière infinie, éclatante ! Il sera à mes côtés à chaque pas de ma vie, plaidant en faveur de son peuple auprès du Très Saint.

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