La lecture de la Paracha de cette semaine nous projette dans la fête de Pessah’, et dans le récit de la Haggada. La narration de la sortie d’Égypte a ceci de particulier qu’elle articule à la fois le souvenir douloureux de l’esclavage, mais aussi la mise en œuvre de la délivrance et l’espoir qui l’accompagne.

C’est précisément cette idée que nous souhaiterions développer à travers deux axes : d’une part, le message d’optimisme transmis par les miracles, et d’autre part, la symbolique des quatre coupes de vin, et de la cinquième.

Nos Sages se sont interrogés sur l’opportunité d’une telle multiplicité de miracles. Était-il nécessaire d’avoir recours à 10 plaies pour obtenir la libération des Bné Israël ? Une seule plaie aurait pu suffire si Hachem l’avait souhaité !

À travers l’ensemble des miracles qui vont survenir en Égypte, l’Éternel souhaitait ancrer profondément dans le cœur de l’homme la connaissance de Sa toute puissance et Sa capacité à s’affranchir complètement des lois de la Nature. Rien ne résiste à D.ieu, tout est entre Ses mains.

Ce constat n’allait pas de soi à l’époque de nos ancêtres, surtout en Égypte qui avait sombré dans les profondeurs de l’impureté et de l’idolâtrie. De même, le monothéisme avait été certes le fait des Patriarches et de leurs descendants, mais cette connaissance était limitée dans le monde. Il manquait un évènement fondateur d’envergure qui démontre à l’ensemble de l’humanité la maîtrise complète et totale de D.ieu sur l’ensemble des éléments : la terre, le sous-sol et le ciel. Ce sera chose faite avec les 10 plaies.

Mais, il est une deuxième leçon tout aussi fondamentale que l’on doit garder en tête à partir de l’expérience égyptienne : D.ieu intervient directement dans le monde pour aider les hommes, notamment Son peuple, les enfants d’Israël. Ce principe est notamment à l’origine du livre de Rav Yéhouda Halevi, le Kuzari. Ce dernier nous rappelle que, contrairement à d’autres croyances qui retirent D.ieu des affaires du monde, ou restreignent Son intervention à la création du ciel et de la terre, la Torah opère une véritable révolution en soulignant l’intervention directe de l’Éternel dans le monde.

Forts de ces deux enseignements, nous pouvons désormais comprendre la leçon merveilleuse d’espoir et d’optimisme qui se dégage de notre Paracha. Hachem n’abandonne pas les hommes au hasard des règles de la nature, Il ne se désintéresse pas du quotidien que vivent Ses enfants. Au contraire, D.ieu intervient directement dans le monde pour aider les hommes, quitte à suspendre les lois naturelles qui semblent régir le monde.

Dès lors, l’homme perçoit qu’il n’est plus seul, l’Éternel se trouve à ses côtés et l’accompagne tout au long de sa vie. De nombreux Sages, notamment dans la pensée de R. Na'hman de Breslev, insistent sur les vertus de parler avec D.ieu, de Lui faire part de nos préoccupations et de solliciter Son soutien. Parfois, nous n’osons pas, nous avons honte de demander ce qui nous paraît être de « petites choses » mais en réalité D.ieu écoute toutes les prières.

L’homme est ainsi invité à ouvrir son cœur à la Présence de D.ieu , afin de garder l’espoir, quelles que soient les circonstances, que tout peut se transformer pour le bien.

Aucune loi naturelle, aucun obstacle ne sont infranchissables pour l’Éternel. C’est là un des enseignements de la longue liste de miracles qui eurent lieu en Égypte.

Cette leçon est particulièrement importante car l’homme peut avoir tendance à se noyer dans ses difficultés, et à sombrer, D.ieu nous en préserve, dans un sentiment de désespoir. Ces sentiments créent en lui un cercle vicieux de « dépression » qui aspire toute son énergie et occupe tout son esprit de manière obsessionnelle.

L’étude de notre Paracha peut précisément nous aider à créer en nous les « anticorps » susceptibles de nous protéger contre ce type de raisonnements qui maintiennent l’homme uniquement au niveau de la nature. La Torah nous invite au contraire à placer notre vie « Lema’la Min Hatéva » « au-dessus de la nature », en comprenant que tout est toujours entre les mains de D.ieu et que tous les obstacles qui paraissent infranchissables aux hommes n’ont aucune consistance devant le Créateur du monde.

Notre Paracha nous offre également une deuxième perspective qui a soutenu le ‘Am Israël à travers toute son histoire par le message d’espérance qu’elle porte en elle. Au début de notre Sidra, nous lisons les quatre versets de l’annonce de la libération qui ont donné lieu, selon les maîtres du Talmud de Jérusalem (Pessa'him 10.1), au rituel des quatre coupes de vin que nous levons lors du Séder de Pessa'h. « C’est pourquoi dis aux enfants d’Israël : "Je suis l’Éternel, et Je vous sortirai de dessous le joug des Égyptiens (1ère coupe), Je vous délivrerai de leur esclavage (2ème coupe), Je vous libérerai avec un bras étendu et avec de grands jugements (3ème coupe). Je vous prendrai comme Mon peuple (4ème coupe), et Je serai votre D.ieu." » (Exode 6, 6–7)

Toutefois, les 'Hakhamim soulignent qu’il existe une cinquième expression de libération qui pourrait correspondre à la cinquième coupe de vin que nous nous avons la tradition de remplir symboliquement. Il s’agit du verset : « Je vous amènerai dans le pays que J’ai juré avec un bras levé de donner à Avraham, à Its'hak et à Ya'akov. Je vous le donnerai en possession. Je suis l’Éternel. »

Or, comme le note Rav J. Sacks, ce verset est le seul dont, après la destruction du Temple de Jérusalem et l’exil, nous attendons encore l’accomplissement. Cette attente a été celle de toutes les générations qui ont célébré Pessa'h depuis plus de deux mille ans, et qui a valu l’ajout de ces phrases emblématiques de la Haggada : au début du récit : « Cette année nous sommes esclaves ; l’an prochain, nous serons libres. Cette année, nous sommes ici ; l’an prochain, en Israël. », et à sa conclusion, « L’année prochaine à Jérusalem ».

Cette cinquième coupe de vin est souvent évoquée comme la coupe du prophète Elie, et elle matérialise l’espérance messianique qui a animé l’ensemble du peuple d’Israël à travers sa longue histoire.

De même que les quatre premiers versets se sont réalisés, nous savons que le cinquième verset se réalisera également, avec l’aide d’Hachem, très prochainement. Comme le dit Rav Sacks : « Pessa’h a maintenu l’espoir vivant, et cet espoir a maintenu le peuple juif vivant. »

Dans cette perspective, le rôle de l’homme est « simplement », jour après jour, de se renforcer dans la crainte de D.ieu, à travers l’étude de la Torah et les Mitsvot, ainsi que de développer dans nos cœurs de belles qualités d’âme vis-à-vis de nos prochains. Une telle démarche permet progressivement de faire de la connaissance théorique des capacités illimitées de D.ieu, une réalité concrète qui illumine et réchauffe nos esprits et nos cœurs.