L’accusation de génocide inepte, indécente et criminelle est de même nature que le vieux geste anti-judaïque d’accusation de déicide. On peut avoir de la sympathie ou de l’agacement pour le jeune Etat juif, mais ce qui est déplorable, c’est la déformation systématique de la réalité sur le terrain.
Le paradoxe d’Israël, c’est que plus il veut s’ouvrir, plus il rencontre sa différence. Plus il veut ressembler aux autres peuples, plus il veut s’intégrer au sein des Nations, plus les autres nations lui rappellent qu’il est absolument un peuple singulier et qu’il ne sera jamais comme les autres peuples. Il est toujours traité avec un régime radicalement différent des autres.
C’est que la singularité du peuple juif prend ses racines dans le spirituel, dans son attachement à la Torah. La relation à l’Etat juif est toujours non-objective, innerve systématiquement par un surplus d’amour ou de haine dont l’intensité est si forte que toute analyse froide, rationnelle sur la situation devient impossible. Le peuple israélien, même laïque, ne comprend pas pourquoi, de manière systématique, on l’accuse de tous les maux.
Ce qui reste extraordinaire c’est le phénomène de la conscience pure. Des personnes foncièrement antisémites, attesté par leurs obsessions anti-juives, ne se considèrent absolument pas antisémites et sont même scandalisées quand elles subissent une telle accusation ! Ce phénomène s’explique en partie par ce que les maitres du Talmud nomment ‘Hachivat Hasékhel (représentation).
L’antisémite moderne a une représentation antiraciste et humaniste de lui-même et de ses convictions. Il est investi par d’autres représentations, le tiers-mondisme, la sympathie pour les damnés de la terre, la culpabilité blanche par rapport au passé colonial, la détestation du capitalisme et parfois de la démocratie parlementaire tout en profitant du système etc… Ces représentations combinées élaborent une image désastreuse du Juif dans le monde. Celui-ci est supposé riche donc pourvoyeur du fléau capitalisme, il est démocrate car la démocratie protège les Juifs. Il est surtout la figure du néo-colonialisme avec l’Etat d’Israël qui condamne les Palestiniens à l’exil perpétuel.
Ces considérations ne sont pas encore du racisme. Ce qui fait basculer les âmes pures dans l’horreur antisémite c’est qu’une fois ces représentations agréées par l’esprit, elles prennent des proportions inédites. Elles sont exclusives, dans la mesure où les mêmes représentations devraient réagir avec autant d’ardeur envers des massacres d’une toute autre ampleur. Au Darfour (Soudan), les milices Janjawid massacrent des centaines de milliers de civils. En Éthiopie, plus de 200 000 viols passent sous silence médiatique. Au Soudan du Sud, en Centrafrique et en République démocratique du Congo, des tueries massives se poursuivent. En Irak, les Yézidis subissent un génocide à Sinjar. Au Myanmar (Birmanie), l’armée birmane mène un génocide contre les Rohingyas, minorité musulmane. Au Sri Lanka, des massacres présumés de civils tamouls sont imputés à l’armée sri-lankaise. En Chine, une répression sévère vise les Ouïghours, qualifiée de génocide par certains pays. S’ajoutent encore la colonisation du Tibet, accompagnée d’une sinisation forcée au détriment des Tibétains, et les tueries perpétrées en Amérique du Sud, notamment contre des minorités indiennes.
L’indignation sélective visant Israël relève d’une pathologie antisémite. L’occultation des conditions objectives du conflit et la haine viscérale des populations palestiniennes qui déshumanise les Juifs dans des proportions comparables à l’époque nazie sont systématiquement occultées. Les efforts de l’armée israélienne pour épargner des vies civiles dans une lutte contre une guérilla manœuvrant au sein de sa population sont réels et l’accusation de génocide inepte, indécente et criminelle est de même nature que le vieux geste anti-judaïque d’accusation de déicide.
Nous ne parlons pas ici du conflit israélo-palestinien ni même de celui plus large entre le sionisme et les pays arabes. On peut être sioniste, antisioniste, avoir de la sympathie ou de l’agacement pour le jeune Etat juif, cela fait partie du débat géopolitique légitime. Ce qui est déplorable c’est la haine antisioniste qui en vient à suspecter chaque Juif d’être un complice des crimes supposés d’Israël, c’est la déformation systématique de la réalité sur le terrain, et surtout une focalisation obsessionnelle sur un des conflits de la planète qui aboutit à la disqualification du fait juif !
Nous n’avons pas été témoins d’acte anti-syrien quand l’armée d’Assad a massacré un demi-million de civils. Nous n’assistons pas au saccage de restaurants russes suscité par la guerre en Ukraine, il ne vient à l’esprit de personne d’agresser des touristes chinois a la tour Eiffel par solidarité aux Ouïghours ; seuls les Juifs sont soumis à ce régime généralisé de haine. Si cela ne s’appelle pas de l’antisémitisme, alors le factuel et les mots n’ont plus de sens.






