« Moché dit : "Ainsi a parlé Hachem : ‘Vers la moitié de la nuit, Je sortirai au milieu de l’Égypte. Tout premier-né mourra dans le pays d’Égypte. » (Chémot, 11:4-5)

Moché Rabbénou prévient Pharaon de l’imminente plaie tuant les premiers-nés, et précise qu’elle surviendra aux alentours de minuit. La Guémara[1] explique pourquoi Moché parla de la sorte, alors qu’il aurait pu simplement dire « à minuit ». Moché craignait que les astrologues égyptiens calculent l’heure de façon erronée et qu’ils le déclarent menteur, étant donné qu’il n’a pas prédit le moment exact où le fléau sévirait.

Pourquoi Moché se soucia-t-il de ce que les Égyptiens allaient penser ? Leurs préjugés défavorables étaient si ancrés que de toutes les façons, ils n’auraient pas considéré objectivement les prodiges qui se déroulaient. Et même si le souci portait sur le fait que l’horloge de minuit sonnerait un peu après celle des Égyptiens, ceux-ci auraient quand même reconnu la véracité des paroles de Moché et auraient avoué avoir mal réglé leurs montres.

Ce qui préoccupait Moché, c’était le risque de ’Hiloul Hachem – profanation du Nom de D.ieu.[2] Certes, même si la plaie s’était produite quelques instants après le moment estimé, les Égyptiens n’auraient pas accusé Moché d’être un fabulateur, mais durant les quelques secondes où rien ne se serait passé, il y aurait eu un grand ’Hiloul Hachem. Moché voulut absolument éviter un ’Hiloul Hachem, même temporaire. Et bien que les Égyptiens fussent de toutes les façons malhonnêtes, Moché ne voulait pas leur donner une quelconque opportunité de trouver un aspect négatif dans ses actes. Cette approche nous enseigne deux leçons importantes à propos du ’Hiloul Hachem : tout d’abord, il ne suffit pas de se préoccuper du ’Hiloul Hachem causé chez des personnes intelligentes et posées, dont la mauvaise interprétation de nos actions pourrait être justifiée. Il faut veiller à ne donner aucune excuse, même aux spectateurs cyniques qui tordent la réalité pour trouver à redire sur nos faits et gestes. Deuxièmement, même si le ’Hiloul Hachem est très bref, il est extrêmement grave et doit être évité à tout prix.

Rav Issakhar Frand explique ce second enseignement à l’aide de l’analogie suivante : quelqu’un est accusé à tort dans le journal du matin. Même s’il y a rectification dans l’édition du lendemain matin, cela ne réglera pas le problème. L’accusé ne laissera pas l’éditeur publier les informations de la mi-journée sans correction, se basant simplement sur la simple et vague promesse : « Ne vous inquiétez pas, nous corrigerons l’erreur de l’histoire dans l’édition de demain matin. » Il voudra que la rectification soit publiée sur-le-champ – pas seulement dans le journal de l’après-midi, mais il voudra que son nom soit blanchi dès le matin même (avant la publication, si cela est possible). L’honneur du Nom de D.ieu est extrêmement important et sa profanation est tellement grave que Moché ne pouvait la tolérer, ne serait-ce qu’un instant.

Il est également important de se souvenir qu’un ’Hiloul Hachem n’est pas seulement le résultat d’une faute apparente, mais de toute action qui semble inappropriée à celui qui l’accomplit. La Guémara[3] donne des exemples de ce qui peut être considéré comme du ’Hiloul Hachem. Rava estime qu’à son niveau, le fait de ne pas payer le boucher à temps est une profanation du Nom divin, si cela ne se fait généralement pas, parce que l’on pourrait le suspecter de ne pas vouloir payer. Rabbi Yo’hanan dit que pour lui, le fait de marcher quatre Amot sans étudier et sans porter les Téfilines serait un ’Hiloul Hachem. Ces hommes étaient si vertueux que même des actions théoriquement permises pouvaient entraîner un ’Hiloul Hachem, car les gens risqueraient de penser que de tels érudits en Torah font quelque chose de mal.

Nous ne sommes pas jugés à un niveau si sévère, mais chaque Juif est un représentant du peuple juif. Par conséquent, chaque acte qui pourrait être interprété de manière négative peut entraîner un ’Hiloul Hachem si à cause de lui, les gens jugent défavorablement la Torah et la communauté qui la représente. Ce peut être en laissant ses enfants jeter des déchets sur le sol, en ne respectant pas le Code de la route (même si cela ne présente pas de danger), en dépassant l’autre dans une file d’attente, en manquant d’amabilité, en ne se montrant pas conciliant... Bien que ce genre de comportement « arrive à tout le monde », les Juifs sont jugés plus sévèrement, car on attend davantage de leur part. Et comme dans le cas de Moché, nombreuses sont les personnes qui guettent l’occasion de trouver quelque chose de négatif ou à redire sur notre attitude, d’où la nécessité de redoubler de vigilance.

Par ailleurs, quand un Juif veille à bien se comporter (par exemple, en se montrant affable envers un non-juif ou même envers un autre juif [moins] pratiquant, en ramassant des déchets, en pratiquant la charité…), il remplit bien le rôle de l’ensemble de notre peuple, celui d’être une « Lumière pour les Nations ».

Puissions-nous tous émuler le souci de Moché Rabbénou et éviter tout ’Hiloul Hachem, même éphémère.

 

[1] Brakhot 4a.

[2] Ce développement est en partie basé sur une réponse donnée par Rav Issakhar Frand, au nom de Rav Yossef Leib Bloch.

[3] Yoma 86a.