Ces dernières semaines, nous avons abordé l’interdit de causer du tort par la parole. Ceci inclut le fait de parler sévèrement à quelqu’un en privé. Mais les commentateurs affirment que parler d’une telle manière devant d’autres personnes, et de ce fait, causer de l’embarras à l’interlocuteur, est encore plus grave que des propos blessants ordinaires. Ils vont jusqu’à dire qu’embarrasser quelqu’un est considéré, d’une certaine façon, comme le tuer.

Nous sommes renseignés sur la gravité d’embarrasser autrui à partir du récit biblique de Yéhouda et Tamar. Tamar était sur le point d’être exécutée pour une faute qu’elle n’avait pas commise. Elle aurait pu se disculper, mais ce faisant, elle aurait causé une grande humiliation à Yéhouda. Elle préféra ne pas l’embarrasser, mais lui donna l’occasion de prendre lui-même la parole.[1] La Guémara déduit de cet incident qu’il vaut mieux se laisser tuer plutôt que d’embarrasser notre prochain.[2] Les décisionnaires débattent de la question de savoir si cette Guémara doit être appliquée dans la réalité[3], mais quoi qu’il en soit, cela nous renseigne beaucoup sur l’attitude de la Torah face à la souffrance infligée par l’homme à son prochain. La Torah accorde une place importante à notre bien-être affectif et psychologique : lorsqu’un individu est humilié en public, son estime de soi est sévèrement affectée, et cela ressemble au fait de lui retirer son élément vital, et est comparable au fait de lui ôter la vie physique.

Plaisanter sur les autres est en soi interdit, mais c’est encore plus le cas si cela cause de l’embarras à la victime. Ce principe s’applique également au fait de discipliner des enfants (ou des élèves). Ils ont également le droit de maintenir leur respect de soi et risquent d’être grandement blessés en étant punis ou si on leur crie dessus en public. Dans de rares occasions, il est permis de les réprimander devant les autres enfants, dans le but de véhiculer un message. Mais c’est rarement le cas, et si un homme embarrasse constamment ses enfants devant les autres, il doit prendre conscience que c’est inadmissible et cette conduite risque de leur porter grandement préjudice. Il est recommandé de prendre l’enfant à part et d’évoquer son écart de conduite en privé. De cette manière, il ne se sentira pas attaqué et pourra conserver son respect de soi.

Autre situation liée à notre discussion : si un individu relève certaines défaillances chez son ami qui nécessite une discussion franche, voire des réprimandes. Il est de même interdit de lui adresser ces remontrances devant d’autres personnes.

Les êtres humains ont été créés à l’image de D.ieu et méritent d’être traités comme tels. Dans la vaste majorité des cas, il est interdit d’entraîner un homme à perdre son estime de lui-même en l’humiliant en public.

Il est important de relever que cet interdit ne se réduit pas nécessairement au fait de causer de la peine par la parole, mais toute forme de souffrance est interdite.[4]

Voici des causes fréquentes qui entraînent une souffrance ou une gêne à autrui :

1. Réveiller une personne endormie sans raison valable.

2. Faire du bruit tard dans la soirée lorsque la plupart des gens dorment.

3. Fumer dans un lieu où la plupart des passants sont forcés de sentir l’odeurs désagréable. On sait que fumer cause bien plus de tort qu’un simple inconfort à l’entourage. Les fumeurs doivent non seulement prendre conscience qu’ils se causent du tort à eux-mêmes, mais aussi aux membres de leur famille ou aux amis, forcés de respirer l’air pollué causé par leurs cigarettes. Un non-fumeur se rendit un jour chez un médecin, qui après l’avoir examiné, déclara que ses poumons étaient très sombres. Le médecin fut choqué d’apprendre que cet homme n’avait jamais fumé. Il vivait avec des fumeurs qui fumaient régulièrement en sa présence !

4. Jeter des déchets à l’odeur désagréable dans des lieux publics.

5. Garder délibérément son téléphone portable allumé dans des situations où cela dérange les autres, comme pendant la prière, les cérémonies du mariage ou les enterrements. De plus, laisser son téléphone allumé par inadvertance est également problématique, mais moins répréhensible, car le geste n’a pas été intentionnel. Il faudra néanmoins s’évertuer à développer une sensibilité et à éteindre la sonnerie bruyante du téléphone dans des situations où elle risque de déranger les autres.

6. Une conduite (en voiture) imprudente.

7. Passer devant d’autres personnes qui font la queue.

Ce sont quelques moyens par lesquels des personnes souffrent ou sont gênées par la conduite des autres. Nous avons déjà mentionné dans des articles antérieurs que le but des commandements liés aux relations interpersonnelles est de développer une sensibilité aux sentiments et besoins des autres. L’injonction de s’abstenir de « propos blessants » nécessite de notre part de développer une sensibilité à cet égard ; en effet, nous nous trouvons constamment dans des situations où nous pouvons affecter le bien-être de notre prochain.

 

[1] Voir Paracha Vayéchev pour le récit complet.

[2] Baba Métsia, 58a-59b.

[3] Voir Michpaté Chalom, p.92-3.

[4] De tels actes constituent une transgression du principe d’aimer son prochain, mais peuvent également entrer dans la catégorie de propos blessants. Voir Michpaté Chalom, chapitre 7, p. 86, note 8.