Chavou’ot correspond au jour où le peuple juif a reçu la Torah. Depuis cet événement mémorable, chaque Juif a la capacité d’acquérir la Torah, chacun à sa manière unique, comme la Torah nous l’enseigne : « Torah Tsiva Lanou Moché Moracha Kéhilat Ya'acov – Moché nous a commandé la Torah, héritage pour la congrégation de Ya'acov. » Il s’agit du premier verset que nous apprenons à nos enfants.[1]

Il montre que chaque Juif a un lien intrinsèque avec la Torah. Pourtant, l’histoire a prouvé que l’étude de la Torah ne réussit pas à tout le monde, chez tous les Juifs. Ce qui est expliqué par la règle donnée par nos Sages : « Force-toi à étudier la Torah, car ce n’est pas quelque chose d’inné ».[2] Il faut donc faire de grands efforts pour pouvoir réussir à étudier et apprendre la Torah.[3] Mais cette phrase contredit clairement le verset et la Guémara précités.

En réalité, la Guémara se réfère au peuple juif dans son ensemble – la Torah est un héritage pour la nation juive et le peuple a donc un droit inhérent à la Torah. En revanche, la Michna dans Avot fait référence à chaque Juif individuellement – même si l’on fait partie d’un ensemble, la Torah n’est pas automatiquement en nous, sans que l’on fournisse aucun effort. Au contraire, il faut travailler pour acquérir la Torah.

Cela prouve également que l’intellect humain n’est pas suffisant pour permettre à une personne de réussir dans l’étude de la Torah. En effet, Rav Chlomo-Zalman Auerbach souligne que Klal Israël n’est pas forcément fier de tous les génies « naturels » qu’il a vu naître. En effet, si l’individu reçoit tout avec facilité, il s’habitue à ne pas travailler dur. Or, il est impossible de réussir dans la Torah sans un certain labeur – et ce, même pour les personnes les plus intelligentes. Le Gaon de Vilna était un génie inégalé, mais il a tout de même travaillé sans relâche pour comprendre au mieux la Torah et ses résultats furent époustouflants.

Par ailleurs, bon nombre de grands érudits de la Torah n’étaient pas connus pour leur intelligence innée – c’est leur travail personnel accompagné d’une grande aide divine, qui leur a permis de réussir. Prenons l’exemple du grand Mékoubal, Rav Israël Eliya Weintraub. Il parla une fois de la clé de son succès, avec son fils :

« Lorsque nous avons évoqué la façon dont j’ai réussi dans mon étude quand j’étais jeune, tu as dit : "Tu avais probablement une bonne tête". Et tu as vu cela comme la clé de ma réussite. Mais c’est faux. Dans ma jeunesse, j’ai versé des rivières de larmes pour obtenir quatre choses : la crainte du Ciel, la Téchouva, l’assiduité (contre vents et marées) et l’attachement à Hachem, pour la Gloire de Son Nom. Après de nombreuses supplications, Hachem, dans Sa grande bonté, a ouvert les Cieux et m’a laissé voir des choses sublimes dans mon étude et mon service divin. C’est la source de mon succès. J’avais d’un intellect moyen, ou peut-être même un peu en dessous de la moyenne, mais Hachem a développé mon cerveau et j’ai acquis une connaissance profonde de toute la Torah. »

Pourquoi Rav Weintraub mérita-t-il une telle aide du Ciel ? Parce qu’il a prié Hachem pour l’obtenir et il a montré, à travers ses efforts, qu’il la désirait vraiment. Il ne suffit pas de prier sans faire d’effort, et il ne suffit pas non plus de faire un effort sans reconnaître qu’en fin de compte, on ne peut réussir qu’avec la Siyata Dichmaya

Rav Weintraub a aussi parlé du service divin effectué « Lichma » - pour la gloire d’Hachem. Il y a beaucoup de niveaux dans le « Lichma », mais pour parler du plus élémentaire, il s’agit d’étudier pour l’Étude même, pour la beauté de l’Étude. L’histoire suivante nous donne une idée de la façon dont Rav Wozner est devenu si grand en Torah.

Il était très jeune quand il a postulé à la Yéchivat ’Hakhmé Lublin, où il a été testé sur deux cents pages de Guémara avec Rachi et Tossefot. Il a échoué au test, mais il est resté assis à la Yéchiva pour étudier jusqu’à l’heure de reprendre son train. Le Roch Yéchiva remarqua sa présence et son assiduité exemplaire, malgré sa déception à la suite de son échec. Il dit alors : « J’ai besoin de Ba’hourim comme lui dans ma Yéchiva. »[4]

Rav Wozner, même enfant, n’étudiait pas par recherche d’honneurs, ni même pour être accepté dans une bonne Yéchiva – il étudiait la Torah parce qu’il était Juif.

La fête de Chavou’ot est un moment propice pour créer un lien profond avec la Torah – à travers un travail tenace, à travers la prière et les intentions pures, chaque Juif peut mériter de réussir dans cette noble entreprise.

 

[1] Soucca 42b.

[2] Avot 2,13.

[3] Cela peut être un travail spirituel sur soi, un travail sur les traits de caractère ou bien un travail considérable pour étudier la Torah.

[4] Ibid., p. 263 à 264.