À Chavouot, nous avons l’habitude de lire le Livre de Ruth, le récit de sa conversion et de son mariage avec Boaz qui eut pour conséquence la naissance du Roi David et, plus tard, du Machia’h. En analysant certains aspects de cette histoire, nous pourrons mieux comprendre les enseignements relatifs à la fête de Chavou'ot.

L’un des éléments marquants de cette Méguila est le sacrifice de soi dont fit preuve Ruth quand elle décida de se joindre au peuple juif. La Guémara affirme qu’Hachem donna aux Bné Israël trois « Matanot Tovot » (cadeaux spéciaux) et chacun d’eux ne s’acquiert qu’à travers les Yissourim[1]. Ces trois cadeaux sont : la Torah, Erets Israël et le 'Olam Haba[2]. L’histoire de la Méguila montre comment Ruth acquit deux d’entre eux[3] et dut surmonter les Yissourim dont parle la Guémara.

La difficulté concernant Erets Israël est apparente au début de la Méguila. L’histoire commence par l’arrivée d’Elimélekh et de sa famille à Moav. Ce départ d’Erets Israël se résume en un court verset : « … Un homme quitta Beth Lé’hem… pour résider dans les champs de Moav ; lui, sa femme et ses deux fils… »[4] En revanche, le retour en Erets Israël de Naomi et de ses deux brus, Ruth et Orpa, est raconté bien plus longuement : « Elle et ses brus se levèrent et revinrent des champs de Moav… elle quitta l’endroit dans lequel elle avait séjourné, elle et ses deux belles-filles, elles se mirent en chemin pour retourner vers la terre de Yéhouda. »[5]

 La Méguila décrit ensuite la discussion entre Naomi et ses brus concernant leur accompagnement. Finalement Naomi et Ruth revinrent en Terre Sainte. Le contraste entre les deux parcours prouve qu’il est bien plus facile de quitter Erets Israël que d’y entrer[6]. De plus, on nous fait part des grandes difficultés rencontrées pour subvenir à leurs besoins, preuve que la Terre ne s’acquiert pas facilement.

Dans le même ordre d’idées, l’un des points marquants de cette histoire est la détermination de Ruth, qui fut prête à faire face à de grandes tribulations et désagréments pour s’unir au peuple juif, et, par conséquent, son mérite au 'Olam Haba. ’Hazal nous informent du fait que Ruth et Orpa étaient les filles du roi de Moav, leur rang social était donc des plus élevés. Par contre, en restant avec Naomi, elles devaient affronter la pauvreté et se suffire d’un statut très médiocre, sans compter que selon certains avis de l’époque, l’interdit de se marier avec des descendants de Moav s’appliquait autant aux hommes qu’aux femmes ; une convertie de Moav était donc très déconsidérée.

En plus de ces obstacles, il y avait les nombreuses obligations qui incombent à tout Juif. ’Hazal racontent que Naomi les énuméra à Ruth et Orpa, leur monta les multiples restrictions auxquelles elles seraient soumises. Ses arguments convainquirent Orpa, qui fit demi-tour et repartit à Moav. Mais Ruth déclara à Naomi qu’elle était prête à surmonter toutes les difficultés de la conversion. Sa volonté lui fit mériter une place spéciale dans le 'Olam Haba.

Il nous faut tout de même expliquer pourquoi les trois éléments précités ne s’acquièrent qu’à travers les Yissourim. Rav Noa’h Weinberg disait souvent qu’une réelle satisfaction ne se ressent qu’après un challenge. Quand on regarde rétroactivement les moments les plus gratifiants de notre vie, on fait généralement référence à des périodes où l’on dut fournir de gros efforts pour obtenir quelque chose. Cela peut être la réussite à un examen difficile, un mariage longuement attendu ou la naissance d’un enfant. Toute personne qui vécut de tels bonheurs sait que le mariage et l’éducation impliquent de nombreuses difficultés et contrariétés. Malgré cela, ils sont source de grande satisfaction pour ceux qui fournissent les efforts nécessaires.

La Torah, Erets Israël et le 'Olam Haba sont les choses les plus importantes qu’une personne peut acquérir. C’est précisément leur valeur inestimable qui fait qu’ils ne peuvent être obtenus qu’avec grande difficulté. Ruth reconnut ceci et prit la décision de renoncer aux plaisirs de ce monde en faveur d’une expérience plus enrichissante : celle de s’unir au peuple juif en Erets Israël.



[1] Le mot « Yissourim » est généralement traduit par « souffrances », mais il s’agit en réalité de tout challenge ou difficulté et l'on y fera référence dans ce sens par la suite.

[2] Brakhot, 5a.

[3] Elle acquit Erets Israël et le 'Olam Haba. Quand la Guémara parle de Torah, elle fait référence à l’étude de la Torah, qui est une Mitsva s’appliquant plutôt aux hommes (bien que les femmes soient tenues de connaitre certains domaines de la Torah).

[4] Ruth, 1:1.

[5] Ruth, 1:6-7.

[6] Entendu de Rav Avi Geller, conférencier à la Yéchiva Aish Hatorah. On retrouve le même phénomène concernant le voyage d’Avraham Avinou pour Erets Israël (Lékh Lékha, 12:1-6).