Méguilat Esther, 1:1 : « Ce fut au temps d'Assuérus (A’hachvéroch), de ce même Assuérus qui régnait, de l'Inde à l'Ethiopie, sur cent vingt-sept provinces. »

Rachi, 1:1 : ce même A’hachvéroch : Il persévéra dans le mal du début jusqu’à la fin.

Dans le premier verset de la Méguila, Rachi révèle une allusion à la nature du roi A’hachvéroch, l’un des principaux personnages de l’histoire. Il nous enseigne qu’A’hachvéroch était pervers du début de l’histoire et qu’il le demeura jusqu’à la toute fin.[1]  Deux questions se posent : premièrement, chaque détail de la Méguila nous enseigne un message lié au thème de Pourim : de quelle manière le fait qu’A’hachvéroch soit resté mauvais est-il lié aux leçons de Pourim ? Deuxièmement, pourquoi, de tous les Réchaïm, les personnages pervers qui figurent dans le Tanakh, il soit l’un des seuls à être épinglé par cette critique particulière ?[2]

En répondant à la seconde question, nous pouvons ensuite comprendre la première. Il semblerait qu’il y ait deux facteurs très significatifs qui peuvent inciter une personne rebelle à changer ses voies ; la première est de fréquenter des personnes vertueuses. La Torah nous prescrit de nous attacher à des Talmidé ‘Hakhamim et nos Sages évoquent longuement l’importance de passer autant de temps que possible avec des hommes remarquables, car on peut apprendre de leur conduite vertueuse et voir de première main les résultats de vivre une vie spirituelle. Deuxième catalyseur possible pour la Téchouva : les événements qui nous entourent ;  lorsqu’un individu est impliqué dans des événements qui semblent guidés par une main divine, il a l’occasion de répondre au message divin et de se changer. 

A’hachvéroch a mérité ces deux occasions ; il a épousé la vertueuse Esther, dont la grandeur ne pouvait lui être dissimulée en dépit de sa nature secrète. De plus, son conseiller principal vers la fin de sa vie a été Mordékhaï Hatsadik, l’un des plus grands sages de tous les temps. A’hachvéroch a aussi eu la bonne fortune d’être l’un des acteurs de la remarquable histoire de Pourim - le compte-rendu de la manière dont l’existence même du peuple juif a été menacée, et pourtant miraculeusement, la situation a été inversée.[3] 

Il serait difficile de n’être pas affecté positivement par de tels personnages extraordinaires, et de faire partie d’une histoire si miraculeuse. Or, A’hachvéroch est resté le même individu cupide et égoïste jusqu’à la fin de l’histoire, et en vérité jusqu’à la fin de sa vie. Une preuve mentionnée par la Guémara se trouve dans l’un des tout derniers versets de la Méguila : «  Ensuite le roi Assuérus imposa un tribut aux pays de terre ferme et aux îles de la mer. »[4] Les commentateurs expliquent que lorsqu’il épousa Esther, il réduisit les taxes sur son royaume de sorte que sa patrie d’origine puisse se révéler à lui afin de profiter davantage de ses nouvelles relations au roi.[5] A la fin de l’histoire, il connut son identité, c’est pourquoi il augmenta à nouveau les taxes. Ceci démontre qu’au summum de l’histoire de Pourim, A’hachvéroch était obnubilé par l’argent. Autre indication du fait qu’il était resté vil est qu’il ne s’est jamais engagé à reconstruire le second Temple, en dépit des grands bénéfices qui ont découlé de la présence de Mordékhaï et d’Esther.

Nous pouvons désormais comprendre le lien entre le défaut d’A’hachvéroch et l’histoire de Pourim. La leçon de Pourim est de percevoir la Providence divine même à un moment d’Hester Panim (lorsque la présence d'Hachem est dissimulée) et d’accroître la conscience de la présence de Hachem dans notre vie. Mais elle est insuffisante si cette nouvelle prise de conscience demeure dans la sphère de l’esprit et non du cœur. Cela doit entraîner une amélioration dans notre 'Avodat Hachem, notre service divin. L’exemple d’A’hachvéroch nous enseigne comment ne pas réagir à la Providence Divine - rester insensible aux messages d'Hachem et rester plongé dans les désirs et les passions.


[1] Rachi s’appuie sur la Guémara dans Méguila 11a.

[2] La Guémara critique quatre autres Récha'im de la même manière : Essav, Datan, Aviram et A’haz, l’un des rois de Yéhouda.

[3] Il est vrai que de nombreux miracles dans la Méguila étaient des miracles cachés en ce qu’ils n’ont pas ouvertement défié les lois de la nature ; mais toute personne qui se serait donné la peine d’observer les événements aurait été affectée d’une certaine manière par la délivrance miraculeuse du peuple juif.

[4] Méguilat Esther, 10:1.

[5] Méguilat Esther, 2:18, voir Malbim.