Question d’une internaute : Je suis mariée depuis 20 ans avec des hauts et des bas, mais, avec le temps, on s'est régulés. Nous avons 3 enfants, de 17 à 12 ans. Ces derniers temps, j'ai évolué dans la religion, contrairement à mon mari qui, lui, stagne, ce qui fait que j'ai l'impression de vivre ma religion seule, et cela me rend triste. Par exemple, mon mari ne peut pas se passer de la télé le Chabbath, et met donc la minuterie dessus. Il se lève de table et s'allonge devant la télé le vendredi soir, ce qui me déçoit et détériore son image à mes yeux. Depuis quelques mois, c'est mon fils de 17 ans qui ne respecte plus Chabbath, et ma fille de 15 ans dit qu'on ne peut plus parler avec moi et que je suis devenue “lourde”. On m'a dit qu'il faut toujours privilégier le Chalom (paix), mais c'est très dur. Comment ne pas être déçue de mon mari si le foot est plus important que le Chabbath pour lui ? Si la religion est ma vérité, comment faire pour qu'il en soit ainsi pour les autres aussi ? Merci de votre réponse.

Réponse de Mme Nathalie Seyman

Tout d’abord, Kol Hakavod pour votre évolution vers le chemin de la Torah. Ce n’est pas un cheminement évident et, lorsque l’on est seul, il l’est encore moins ! Aussi, encore bravo pour tout votre mérite ! Mais lorsque la famille ne suit pas et nous freine dans notre évolution, que nous savons juste et nécessaire, doit-on se laisser ralentir ou bien tout quitter pour vivre à fond son idéal ? Penchons-nous sur votre problématique.

La Torah peut-elle être un sujet de discorde ?

J’aimerais vous poser une question : pourquoi avez-vous décidé d’évoluer dans la pratique des Mitsvot ? En lisant votre lettre, je peux deviner la réponse : vous avez compris l’importance de notre sainte Torah, vous avez ressenti sa vérité. Donc la vraie question n’est pas : “comment faire pratiquer la Torah à mon mari avec plus de foi ?”, mais plutôt “comment lui faire comprendre cette importance des Mitsvot, comment raviver sa flamme juive ?”, et ainsi, votre problématique prend une tout autre direction. Car imposer un chemin à un adulte qui ne le veut pas, c’est risqué, et je dirai même que c’est un combat inutile. La Torah ne peut pas être un sujet de discorde. C’est antinomique ! La Torah amène le Chalom, le maintient, le transcende. Elle est la gardienne du respect, du bonheur, et ses lois sont là pour nous protéger, nous ouvrir la voie vers un monde plus juste. Votre démarche est merveilleuse, mais quelque peu maladroite, car la Torah ne peut pas entrer dans un foyer où elle serait source de discorde. Hachem se retire Lui-même au profit du Chalom Bayit. Doit-on alors renoncer à la Torah pour son Chalom Bayit ? Évidemment que non. La Torah est si belle et si puissante qu’elle est assez humble pour accepter de rentrer par la petite porte d’un foyer. Tout d’abord, par la Cacheroute, puis un petit cours de Torah de temps en temps, puis un peu plus, mais chaque fois avec l’accord de son conjoint et jamais contre lui.

De votre côté, vivre bien, en harmonie avec les lois de la Torah, montrer l’exemple que pratiquer ne rend pas austère, mais, au contraire, rend plus épanoui, plus juste, est la meilleure façon de faire comprendre et de faire ressentir toute la vérité qu’Hachem nous a transmise.

Communication et concessions, les clés du Chalom Bayit

Un degré de religion différent est un souci que peut rencontrer chaque couple au cours de sa vie. Quelles sont les erreurs les plus courantes à ce moment-là ? On ne cherche pas à comprendre l’autre. On le met en cause comme s’il était coupable de ne pas avoir évolué de la même façon que nous, de ne pas avoir compris ce que nous avons réussi à comprendre. Et on a tendance à imposer des solutions au lieu de les négocier, voire à râler sans proposer de solutions.

Comment s’exprimer de façon plus constructive ?

- L’idéal est de commencer par comprendre l’autre : pourquoi votre mari aime tellement regarder la télévision ? Peut-être est-ce une échappatoire à d’autres soucis qui le rongent, peut-être évoluer dans la religion lui fait peur, etc. Il faut parler ensemble et sincèrement pour comprendre ses raisons et ne pas partir du principe que ce n’est que de la mauvaise volonté de sa part.

- Il faut ensuite parler de soi, de ses besoins, de ses sentiments, faire comprendre à votre mari et vos enfants à quel point il est important pour vous de pratiquer les Mitsvot, que cela vous épanouit, etc.

- Enfin, il faut surtout proposer des solutions qui satisfassent toutes les parties. Par exemple : « Je sais que tu aimes regarder la télé, mais je ne ressens pas assez la sainteté du Chabbath quand elle est allumée et ça me frustre. Que penses-tu de la laisser allumer juste deux heures de temps ? » Il ne faut pas que l’un de vous se sente lésé.

L’important est qu’au quotidien, il y ait plus d’encouragements et moins de critiques. L’écoute de l’autre est primordiale, car c’est elle qui nous permet de nous sentir exister au sein du couple. Plus votre mari aura la sensation que son avis compte et plus votre avis comptera pour lui.

Dans un couple, plutôt que de chacun tirer la couverture vers soi, il faut savoir faire front commun pour se rejoindre.

Gardez bien en tête que chacun évolue à son rythme ! Personne ne peut entrer dans les comptes d’Hachem ; aussi, personne ne sait qui entrera au Gan Eden. Le principal est de pratiquer au mieux les Mitsvot afin de servir Hachem avec son cœur et dans la joie. S’ils voient un exemple de couple heureux dans la pratique de la Torah, alors vos enfants vous rejoindront. Ne les forcez pas, faites tout en douceur, vous aurez de bien meilleurs résultats. Il faut être patient et bienveillant, tout n’arrivera pas à la seconde, mais le temps travaille pour vous. Ne baissez pas les bras.

Mes conseils

- Retrouvez-vous avec votre mari : dîners en tête à tête, activités en commun, week-ends en amoureux… Il faut cesser de voir votre mari à travers cette différence de niveau de religion. Votre mari est bien plus que cela : il est celui que vous avez choisi, avec qui vous avez partagé 20 ans de vie, le père de vos enfants, etc. Il doit briller à vos yeux pour tout ce qu’il est et non pour ce qu’il n’est pas encore, mais qu’il peut tout à fait devenir dans le futur. Personne n’est figé, les destins évoluent, mais les couples doivent rester main dans la main à travers les changements de la vie.

- Autorisez votre entourage à évoluer à son rythme. Soyez heureuse de chaque progrès et ne faites pas remarquer les erreurs. Ayez confiance en eux, ils évolueront autant que vous, ils ont juste besoin de temps et surtout de votre patience.

- Soyez stricte chez vous sur la Cacheroute, car elle est un garant afin que le message de la Torah puisse être compris de la Néchama (âme). Donc s’il n’y avait qu’une Mistva à faire pour commencer, il s’agirait de celle-ci. Et organisez avec votre mari simplement un cours de Torah par semaine, ou par mois si c’est trop difficile pour lui. N’en demandez pas plus. “Lé’at, Lé’at” (“doucement, doucement”), comme on dit en hébreu.

Bon nombre de nos Sages ne sont pas nés dans l’étude de la Torah, mais y sont parvenus progressivement. Votre mari a la capacité de devenir un grand de la Torah. Tout cela dépend de vous : de votre amour, de votre bienveillance et de votre patience.

Béhatsla’ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.