Question

Chalom Rav Malka,

Je m’appelle Yaïr. De temps en temps, je fais face à un problème qui me concerne personnellement. Je suis infirmier. Ce métier consiste, entre autres, à faire des prises de sang. Grâce à la grande expérience que j’ai acquise, j’excelle dans la prise de sang chez les gens âgés malgré la difficulté de le faire. C’est pourquoi mon grand-père tient absolument à m’appeler chaque fois qu’il a besoin qu’on lui prélève du sang. J’ai entendu dire qu’un fils n’avait pas le droit de faire une prise de sang à son père. Je voudrais savoir si c’est également interdit de le faire à son grand-père. 

Réponse

Chalom Yaïr. Bravo pour ta question. En effet, il est interdit strictement de verser le sang de son père. Cette interdiction est d’ailleurs punie de mort. Mais dans quelles conditions cela est-il défendu ? Cette question est sujette à une vive controverse et soumise à des conditions différentes. Nous détaillerons tous ces points par la suite. Mais dans ton cas, en raison du fait qu’il s’agit de ton grand-père et non pas de ton père, les décisionnaires les plus éminents ont décidé que c’était permis et ce, d’autant plus que tu es hautement compétent pour prélever le sang de gens âgés.

Réponse détaillée

Il est défendu de frapper un Juif, mais il est plus grave de frapper son père et sa mère ainsi qu’il est écrit dans la Torah (Exode, 21:15) : « Et qui frappe son père et sa mère sera mis à mort ! » Mais la peine de mort n’est appliquée que lorsqu’il leur a fait couler du sang en les frappant.  

Un profond différend (qui vit déjà le jour dans la Guémara) opposa les Richonim (Premiers décisionnaires). Cet interdit est-il en vigueur également lorsque le sang est prélevé à des fins médicales ? Brièvement, il y a trois méthodes : certains des Richonim l’interdisent, d’autres le permettent et il y a ceux qui l’interdisent de peur que du sang supplémentaire non nécessaire à la guérison du patient ne coule. Dans le Choul’han Aroukh, Maran Rabbi Yossef Karo est d’avis de l’interdire tandis que le Rama écrit que s’il n’y a personne d’autre capable d’effectuer cet acte médical, le fils aura le droit de l’accomplir, avec l’accord de son père. Bien que, généralement, les Sépharades suivent l’avis de Rabbi Yossef Karo, le Rav Ben Tsion Aba Chaoul et le Rav Ovadia Yossef se montrent moins stricts dans ce cas-là et prescrivent de se conformer à l’opinion du Rama : s’il n’y a pas d’autre personne, le fils accomplira sur son père l’acte requis avec le consentement de ce dernier.

Mais dans le cas habituel où le père a la possibilité de subir des examens médicaux dans un laboratoire médical ou dans un dispensaire, son fils n’aura pas le droit de pratiquer des actes impliquant de faire couler du sang (dans certains cas, il faudra consulter un Rav, car il se peut qu’on soit à même de faire preuve de moins de rigueur). 

Mais ta question, Yaïr, concerne ton grand-père et non pas ton père. Puisque la Torah ne parle que du père et de la mère et non pas des grands-parents, les décisionnaires qui traitèrent de ta question furent obligés de comparer cette Halakha aux Halakhot relatives au respect dû au père et à la mère. Le Ben Ich ’Haï, dans son livre « Torah lichma » (Il le rédigea sous le nom de « Yé’hezkel Ka’héli », mais beaucoup ont démontré que l’auteur est le Ben Ich ’Haï…) écrit que, même s’il est dit que, Derabbanan (d’ordre rabbinique) un petit-fils est obligé d’honorer ses grands-parents, de toute façon l’interdiction de « frapper son père » ne le concerne absolument pas étant donné que, même pour son père, il n’y a pas d’avis unanime pour interdire des prélèvements de sang à des fins médicales. Il ajoute néanmoins que celui qui se montrerait strict dans le cas où quelqu’un d’autre pourrait le faire à sa place serait béni.

Des auteurs contemporains rapportent dans leurs œuvres que le Meïri dans ses commentaires sur la Guémara Sanhédrin apporte une réponse sans équivoque à cette question : « Le fils du fils, bien qu’il soit approprié de sa part de respecter son grand-père, n’est pas soumis à cette sanction (celle d’un homme qui aurait frappé son père), mais, en ce qui concerne ces règles, il ne se distingue pas des autres hommes : que ce  soit pour être condamné ou pour être exempté ». C’est-à-dire que le petit-fils a le droit de prélever du sang à son grand-père. » 

Par conséquent, quoiqu’il faille généralement veiller à ce qu’une autre personne accomplisse l’acte en question, de toute façon, lorsqu’il est plus avantageux que celui-ci soit effectué par le petit-fils, comme dans votre cas, il sera permis de l’exécuter.  

Références

Sanhédrin, 94b, 95b ; Choul’hanAroukh, Yoré Dé’a, chap.241, §3 ; Moré Horim VeKevodam, 10e partie ; Kevod Horim, 13e partie ; Torah Lichma ; chap.265 ; Meïri, Sanhédrin 85b ; ’Hen Moché, page 13.

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